Comme chaque soir, aux environs de 20 heures, les festivités débutent sur les quais de Montreux. Ce dimanche 13 juillet, les Bacchanales étaient placées sous le signe des sonorités électroniques contemporaines, avec un DJ set du Britannique Jamie XX, suivi de la performance de sa compatriote FKA twigs, dont la scène montreusienne marquait son tout premier concert en Suisse.
Il était encore un peu tôt pour se laisser totalement emporter par les basses vrombissantes de l’ancien membre du groupe The XX. Mais les lumières du soleil couchant ont apporté néanmoins une touche de magie à ce DJ set. Une heure dorée de courte durée, cependant, puisqu’un véritable torrent de pluie s’est abattu sur la foule, vidant en partie la fosse de ses spectateurs. Les plus téméraires, eux, ont continué à danser sous les gouttes, donnant au lieu des allures de rave improvisée.
Si l’on pouvait craindre que la météo continue de faire des siennes, c’est finalement sous des cieux cléments que le concert de FKA twigs a débuté une fois la nuit tombée. Active depuis une décennie, la Britannique, actuellement en tournée pour présenter son album Eusexua, est connue pour faire de la scène un véritable terrain d’expérimentations sensorielles. Et la promesse a été tenue: on en ressort littéralement extasié.
C’est une scène dépourvue de musiciens qui nous est présentée. L’homme derrière les synthétiseurs et boîtes à rythmes reste dans l’ombre d'une gigantesque structure métallique dominée par des écrans géants, des éléments visuels qui, pourtant, ne cherchent jamais à voler la vedette à ceux qui occupent réellement la scène. Car FKA twigs n’est pas seule: elle est entourée de danseurs et danseuses qui ne font plus qu’un avec elle.
La performance, pensée comme une pièce en trois actes — intitulés respectivement The Practice, State of Being et The Pinnacle — va bien au-delà du simple concert. À travers cette mise en scène, FKA twigs nous raconte une histoire, vraisemblablement la sienne.
Entre chant suave, contorsions hypnotiques et démonstrations de kung-fu, la Londonienne livre une prestation scénique à la croisée de la danse contemporaine, de l’opéra électronique et du rituel mystique. Eusexua se dévoile ainsi dans une forme ensorcelante, inspirée à la fois de la scène rave de Prague et de l’âge d’or de Madonna, notamment de son hymne Vogue.
Ainsi, c’est une seule voix, mais une multiplicité de corps, ne formant qu’un tout, qui s’agite devant nous. Pour son premier acte, FKA twigs démarre en trombe avec trois morceaux aux beats percutants, tirés de son nouvel album. Les titres Perfect Stranger et Room of Fools offrent un véritable festival de chorégraphies queer, empruntées à la culture ballroom et au voguing. Mais c’est véritablement sur Striptease que l’artiste britannique de 37 ans impose tout son talent, gratifiant le public d’une démonstration de pole dance aussi impressionnante que sensuelle.
Durant plus d’une heure, l’artiste livre un spectacle où tenues et accessoires changent à un rythme effréné, revisitant ses quatre albums précédents dans lesquels on peut retrouver les tubes Two Weeks ou encore oh myLove. Si l’on ne peut qu’être admiratif face à la beauté des corps en mouvement, chorégraphiés avec une grâce saisissante, une certaine frustration finit néanmoins par poindre. Le tout ressemble davantage à une performance scénique millimétrée, d’autant que le playback, rarement discret, finit par trahir l’illusion.
L'artiste, peu causante, aura néanmoins laissé un de ses danseurs assurer l'ambiance en présentant les membres de l'équipe, avec notamment un échange très drôle avec une personne du public.
Fort heureusement, le troisième acte est là pour faire taire les commentaires frustrés. Exit donc les corps, place à la voix. C'est une FKA twigs dans une robe blanche et immaculée qui, sur des notes de piano ou de hautbois, va nous toucher en plein cœur.
Lorsqu'elle entame Cellophane accompagnée d'un piano, l'artiste nous livre son cœur et ses larmes. Une émotion palpable qui, dans un dernier souffle, laissera le public dans un silence de messe… avant un tonnerre d'applaudissements. «Eusexua» est un mot inventé par FKA twigs pour décrire un état proche de la transe, ressenti lors de moments de création, de danse extatique ou de connexion profonde avec une autre personne. Cette fusion entre euphorie et sensualité, c’est exactement ce que l’on ressent après l’avoir vue sur scène.
Si l’on peut déplorer une certaine absence du public — la capacité de la place du Marché étant loin d’avoir été atteinte — il est difficile de savoir si c’est la singularité de l’artiste, le prix du billet ou la météo capricieuse qui a freiné les festivaliers. Quoi qu’il en soit, selon les insiders, il se murmure qu’avec Grace Jones, FKA twigs aurait livré, pour l’instant, la meilleure performance du festival.