Ça n'a plus rien d'un scoop. Will Smith aime la Suisse. Les ruelles vides de Zurich au petit matin. Le chocolat. Le cor des Alpes. Le jet d’eau de Genève. Et, qui sait, le Paléo Festival?
Il n'empêche qu'on nourrissait de grosses craintes avant la performance de Sa Principauté, ce 23 juillet. Après tout, Will Smith est une légende. Un acteur plus qu'un rappeur. Une voix que l’on a davantage l’habitude de savourer sur des Walkmans ou des DVD, plutôt qu’entre deux stands de couscous, de vin blanc et de gaufres belges.
C'est pourtant avec de grosses attentes qu'on se glisse dans la foule, ce mercredi, pour accueillir l'un des invités d'honneur de l'édition 2025 de Paléo. Le public de Will Smith, 56 ans, à l'ère de TikTok et de Spotify, est une foule disparate. Vieux, jeunes, beaux, moches, bien fringués, mal sapés. Un joyeux melting-pot de casquettes à l’envers, hoodies, boots et vestes de pluie - d’ailleurs, il ne pleut pas.
Il est presque minuit mais l’ambiance est familiale. On se bouscule en s'excusant. On se dit pardon quand on se frôle, une crêpe et un Mojito posés dans un équilibre précaire dans chaque main. «On va pas s’marcher dessus, quand même!», lance Christine avec son accent franc-comtois, en enjambant un couple assis dans la pelouse. «Je connais que ses films, pas ses chansons», confesse pour sa part une Belge, qui patiente à notre droite.
On a connu ambiance plus... survoltée, au Paléo.
Et moins ponctuelle. A minuit tapante, le show commence. Timing très suisse. Il faut croire que Will Smith a retenu la première leçon de son pays de cœur: on ne rigole pas avec les horaires.
Il suffit d'observer le prince une demi-seconde sur scène pour piger qu'il est à fond. Will Smith démarre fort avec son hymne planétaire, Gettin Jiggy with it. Il respire déjà la joie, le punch et le plaisir d'être là. Cette fraîcheur si américaine et tellement pas suisse. Pas blasé pour deux sous - peut-être parce que la vision des Alpes derrière le Léman ou le son du cor des Alpes l'a détendu - Will Smith sourit. Aussi béat qu’en découvrant un instrument exotique ou en goûtant à du «vrai» chocolat au lait.
Pour preuve de sa bonne volonté, il enchaîne avec «Miami» - qu’on aurait préféré déguster en dessert plutôt qu’en amuse-bouche façon cocktail de crevettes. Mais là encore, il y va avec le cœur. On se dit qu'il faut quand même avoir une certaine assurance pour sortir de son chapeau deux de ses plus gros tubes, avant même d’avoir pris le temps de chauffer la Plaine. Qu’importe. Will Smith s'amuse.
Qualitativement parlant, ça pourrait être mieux. Mais le prince a la joie communicative. Généreux, plein d'humour, il s'éclate. Un petit déhanché par ci, un saut de cabris par là. Contrairement à la foule, très passive, qui lui rend mal son enthousiasme.
«À trois, vous faites le bruit de votre animal spirituel», réclame encore Will au milieu de ce show un peu décousu mais fortement divertissant. «Un poulet?» ricane-t-il face à la réponse maladroite des spectateurs, dont certains ont lâché prise pour aller rejoindre leur tram.
«Où sont les fans tout frais?» interroge encore l'artiste, tout en chantonnant la bande originale du prince du Prince de Bel-Air. Face au manque de répondant, il se reporte sur quelques notes d'Anxiety de Doechii. Autrement plus 2025.
Enfin, sur la promesse solennelle de devenir «Oncle Will», Will nous délivre un speech un poil larmoyant sur l'amour et fond de violons. C'est en trop. Certains se jettent des coups d'oeil embarrassés. Le prince poursuit avec You Can Make It. À côté de nous, un quadragénaire soupire.
On ne coupera heureusement pas aux incontournables Bad Boys et Men in Black. Ringard? Peut-être. Pourtant, on quittera le concert avec le sentiment agréable que Will Smith n'a en rien perdu de sa fraîcheur - et surtout, qu'il aime très fort la Suisse.