La saison 3 variait entre bon et moins bon; nos pulsations de sériephiles ont tapé haut lors d'un premier épisode sublime, avant de se transformer en montagnes russes en matière de qualité d'écriture.
Pour le quatrième tour de manège dans les cuisines du restau de Chicago, c'est une course contre le temps qui s'amorce. A la clé: la fin d'un établissement ou une étoile Michelin pour se sauver les miches. Un chronomètre qui affiche 1440 heures, synonyme de purgatoire avant de ranger les ustensiles de cuisine pour de bon. Les aiguilles du temps sont partout, même sur les murs de la cuisine: Every second counts (chaque seconde compte).
Ces heures et minutes qui défilent rapprochent l'équipe de Carmy (Jeremy Allen White) toujours plus près du précipice de la faillite. Un chrono qui opère comme un serial killer qui veut vous faire la peau, qui prend la forme physique d'Oncle Jimmy (Oliver Platt) et de son acolyte «ordi», le comptable intraitable qui pose les jalons de cette nouvelle saison, dans un premier épisode plaisant.
Cette urgence, cette inconfiance qui règne démarre autour d'une critique gastronomique mitigée. Ces quelques lignes assassines du Chicago Tribune tendent un miroir à l'art culinaire de Carmen: délicieux, mais désordonné. Le titre du papier? «Les indispensables du Bear manquent: le Bear bute sur une dissonance culinaire».
Seule lumière au milieu des doutes: le sandwich au bœuf italien fait un tabac – la seule partie du restaurant antérieure à l'implication de Carmy.
Une baffe pour le prodige Carmen Berzatto, un talent certain derrière les fourneaux, à la vulnérabilité trop envahissante. Son chaos intérieur lui joue des tours. Même sa partenaire Sydney (Ayo Edibiri) hésite à quitter le navire à force d'embrouilles.
Cette quatrième saison est aussi une manière de voir notre chef à la crinière électrique rassembler les pièces, réparer les pots cassés et rattraper le temps perdu. On y voit presque un petit clin d'oeil du créateur du show, Christopher Storer. On le disait un poil échaudé après l'accueil tiède de la troisième saison. A l'instar de son personnage principal, son troisième acte se voulait plus ambitieux, généreux, tout en déplaçant l'axe du récit vers de nouveaux personnages.
Une tentative qui n'a pas convaincu et Storer a décidé de reprendre la recette qui avait propulsé la série dans la catégorie des séries événement.
Cette fois-ci, le récit est plus concentré sur le coeur, les émotions; on en revient à la veine des premières saisons où chaque personnage tente de chercher une stabilité au milieu du chaos culinaire et personnel. La solitude comme alliée de réflexion dans une existence impitoyable. The Bear fait sa petite cuisine autour du temps: le temps s'égrène à une vitesse folle et éloigne des personnes qui comptent.
The Bear reprend les bons plats et dresse une belle table pour cette saison 4. Elégance dans la mise en scène, parfum incertain dans l'écriture, direction d'acteur soignée. Sauf qu'à force, malgré une bande-son aux petits oignons et des performances d'acteurs et d'actrices solides, c'est en fait une série qui commence à s'essouffler. Divertissante, oui, mais une forme de stagnation tisse sa toile au fil des épisodes - 10 au total. Le problème après deux premières saisons d'envergure et une troisième mi-figue mi-raisin, entre fulgurances et ratés, la quatrième pouvait virer à l'indigestion. Si le fond est bon, la série montre surtout un récit qui se répète.
Dans cette recherche de profondeur qui a fait le sel de The Bear, cette nouvelle saison sème ses graines soigneusement (trop, peut-être) et parachute le spectateur dans un récit qu'on peut qualifier de formaté et calqué sur les deux premières saisons. On retrouve les ingrédients, les touches mélancoliques, la colère, les esprits furibards qui dissimulent des blessures et des rancoeurs. A la différence qu'il manque d'équilibre (divinement articulé dans les deux premières saisons) entre moments individuels et cauchemars en cuisine.
Ce quatrième chapitre reste toutefois un bon cru. Il reste convaincant, bien torché, mais un arrière-goût nous racle la gorge: celui d'une saison qui désire recoller les morceaux (avec ses fans), comme son personnage principal. Peut-être que The Bear a atteint ses limites et son point final ce 26 juin 2025.
Tous les épisodes de la saison 4 de «The Bear» sont disponibles sur Disney+.