La Banque nationale suisse a une nouvelle fois abaissé son taux directeur de 0,25% à 0%. En près de 120 ans d’existence, jamais la Banque nationale suisse n’avait fixé ce taux si particulier. Le président de l’institution, Martin Schlegel, a déclaré jeudi:
La BNS avait déjà fixé un taux négatif, mais elle a toujours évité le taux zéro. Fin 2014, elle l'avait abaissé à -0,25%, puis à -0,75% début 2015, établissant alors le taux directeur le plus bas au monde. A la faveur de l’inflation post-Covid, la valeur était repassée dans le positif, sans jamais s’arrêter à la case zéro. C’est désormais chose faite. Une décision qui aura des répercussions notables sur les hypothèques, la propriété immobilière et l’épargne.
Voici les questions essentielles qui se posent suite à cette annonce.
Parce que l’inflation est trop faible en Suisse. Les dernières données faisaient même état d’une inflation annuelle négative. En mai, les prix à la consommation étaient légèrement plus bas que l'année précédente. Le président de la BNS, Martin Schlegel, explique:
Si les prix chutaient encore davantage, la Suisse entrerait en déflation, situation dans laquelle les prix baissent durablement. Ce scénario pèserait lourdement sur les entreprises, car leurs bénéfices finiraient par diminuer, tandis que leurs dettes, ajustées de l’inflation, augmenteraient.
La tendance à la baisse se poursuit également. Selon la Banque Raiffeisen, même avant la décision de la BNS, tout indiquait qu’une «longue période de taux bas, voire négatifs» serait à prévoir. Les taux hypothécaires ont fortement baissé au cours des trois derniers mois.
Par exemple, chez le conseiller hypothécaire Moneypark, l’offre la plus avantageuse pour une hypothèque sur cinq ans s’élevait récemment à 0,82%, soit 0,57 point de moins qu’il y a trois mois. Après la décision de la BNS, les hypothèques SARON devraient baisser encore de 0,25%. Du moins, en théorie.
Car, comme le précise Lukas Vogt, directeur de Moneypark, la baisse de mars n’avait pas été entièrement répercutée. En revanche, il n’anticipe pas de forte variation sur les hypothèques à taux fixe, car les marchés avaient déjà intégré la baisse.
Même si la BNS introduisait prochainement un taux négatif, les taux sur les hypothèques SARON ne baisseraient pas plus bas qu’aujourd’hui. Les banques n’appliquent en effet pas de taux négatifs sur ces prêts, mais elles ajoutent une marge sur le taux zéro et proposent ce taux aux clients.
Lukas Vogt affirme:
Les taux des hypothèques à taux fixe, eux, n’ont pas encore retrouvé les niveaux d’avant l’inflation post-Covid. Sur la plateforme Hypotheke.ch, les taux moyens des prêts sur 10 ans tournaient alors autour de 1%. Aujourd’hui, ils sont à 1,4%. Si la BNS optait pour un taux négatif, les taux fixes pourraient à nouveau baisser.
Les hypothèques à taux fixe garantissent un taux déterminé sur plusieurs années, auprès d’une banque ou d’un assureur. Les hypothèques SARON, elles, suivent le taux SARON (Swiss Average Rate Overnight), calculé sur les taux interbancaires des prêts à très court terme.
Quel est le meilleur choix? Pour Adrian Wenger, expert au Centre de gestion de patrimoine VZ, la réponse est claire:
Depuis 1993, sur toutes les périodes de 10 ans, le SARON a systématiquement été plus avantageux que les taux fixes à 10 ans.
Des taux plus bas stimulent la demande pour l’accès à la propriété. Mais l’offre reste limitée, notamment en raison de la révision de la loi sur l’aménagement du territoire de 2013, qui a freiné la construction. Pour Christian Hilber, professeur d’économie immobilière à l’Université de Zurich:
Le marché immobilier continue ainsi de s’emballer, une tendance ininterrompue depuis 25 ans pour les appartements en propriété et les maisons individuelles. Le cabinet Wüest Partner a compilé les données issues des prix affichés dans les annonces. Résultat, au premier trimestre 2025, les maisons individuelles coûtaient en moyenne 98% de plus qu’en l’an 2000, soit presque le double.
Certaines régions ont connu des hausses encore plus marquées : +173% dans le canton de Zoug, +166% à Genève, +160% à Bâle-Ville. En revanche, les cantons des Grisons (+56%), d’Appenzell Rhodes-Extérieures (+50%) et de Glaris (+23%) sont restés nettement en retrait.
A titre de comparaison, les prix à la consommation n’ont augmenté que de 15% depuis 2000, et les salaires de 30%. Quant aux appartements en propriété, leur prix a progressé de 94% – avec des records similaires à Genève, Zoug et, un peu derrière, Zurich.
Les intérêts pour les comptes épargne pour adultes sont déjà très faibles et s'élèvent en moyenne 0,2%, selon Benjamin Manz, du comparateur Moneyland. Après la décision de la BNS, une nouvelle baisse est probable. Ces ajustements prennent souvent effet en début de mois, et peuvent s'avérer progressifs. Les taux des obligations de caisse et des dépôts à terme réagissent plus vite.
Benjamin Manz précise:
Comme les comptes privés se trouvent, eux, déjà proches de 0%, rien ne changera pour la plupart des clients.
«Concernant les frais bancaires, leur évolution dépend de nombreux facteurs, et pas seulement des taux directeurs», rappelle Benjamin Manz. Parmi ceux-ci figurent la concurrence et la disposition des clients à changer d’établissement. Et d'expliquer:
Si aucune hausse immédiate des frais n’est attendue, des ajustements restent possibles à tout moment, notamment pour la gestion de compte ou les opérations de paiement.
«Le taux négatif a été, entre 2015 et 2022, un outil essentiel pour maintenir la stabilité des prix dans un contexte exceptionnel», a déclaré Martin Schlegel. Il a aussi reconnu que les taux négatifs pouvaient avoir des effets indésirables.
En d’autres termes, Martin Schlegel envisage un retour aux taux négatifs uniquement dans le cas où l'inflation reste trop faible, et que cela s'avérerait donc nécessaire. Mais il ne l’exclut pas. Il l’a répété à plusieurs reprises:
Traduit de l'allemand et adapté par Joel Espi