Plus haut, plus haut, plus haut. C'est ainsi que les prix de l'immobilier évoluent, et ce depuis le début du millénaire environ. De même, il devient plus cher de louer un bien immobilier plutôt que de l'acheter. Les loyers ont récemment connu leur plus forte hausse depuis plus de trois décennies.
Les raisons de cette situation font souvent l'objet de vifs débats. Les hommes et les femmes politiques de gauche et de droite se sont battus avec acharnement pour la souveraineté d'interprétation. Et ce, à juste titre. Car beaucoup de choses dépendent de cette question.
L'immobilier est la valeur patrimoniale la plus importante pour les ménages privés et la principale garantie pour les crédits bancaires. Selon les données les plus récentes, leur valeur totale s'élève à un montant gigantesque de 4000 milliards de francs. C'est environ cinq fois la performance économique annuelle de la Suisse.
Et pourtant, la recherche n'a longtemps eu que peu de choses à dire sur cette question, comme l'indique une étude. Les économistes d'universités allemandes et autrichiennes le montrent: la hausse des prix de l'immobilier n'est pas un cas particulier en Suisse. Derrière ce phénomène se cachent des tendances globales et historiques.
Les prix réels de l'immobilier des 150 dernières années sont retracés pour 17 pays industrialisés occidentaux, dont la Suisse. L'ensemble de l'histoire de la croissance économique moderne est ainsi couvert et l'image qui s'en dégage est claire: pendant 100 ans, il ne s'est rien passé; en 50 ans, tout est arrivé.
Pendant environ 100 ans, les prix réels de l'immobilier sont restés plus ou moins constants si l'on considère les prix moyens de tous les pays. Les Guerres mondiales ont entraîné une baisse, mais il ne s'agissait que de courtes interruptions avant que les prix ne se redressent. Dans les années 1960, tout était comme cent ans auparavant.
Dans les années 1970, un tournant s'est produit, quelque chose n'était plus comme avant. Les prix réels de l'immobilier ont commencé à augmenter. Depuis les années 1980 jusqu'aux années 2010, les prix ont doublé, comme le montre l'étude.
Quel était ce «quelque chose» qui a déclenché ce tournant dans les années 1970? Pour répondre à cette question, les économistes ont d'abord dû déterminer ce qui, précisément, était devenu de plus en plus cher. Car l'immobilier se compose toujours de deux biens: le bâtiment et le terrain.
Les bâtiments, ou plutôt les coûts réels de construction, ont quelque peu contribué à la hausse des prix réels de l'immobilier. Cela s'explique par le fait que les gains de productivité dans la construction ont été moins importants que dans le reste de l'économie. Le prix des bâtiments a donc augmenté par rapport à celui de tous les autres biens et services.
Les prix réels des bâtiments ont donc augmenté. Cela représente 19% de la hausse totale des prix de l'immobilier. La construction a donc été un facteur de hausse des prix, mais pas le plus important.
Il s'agissait plutôt des prix des terrains. Ils sont restés plus ou moins au même niveau en termes réels jusque dans les années 1960, et ce dans la plupart des pays industrialisés. Ensuite, ils n'ont plus cessé d'augmenter. Depuis les années 1980, ils ont en moyenne doublé. Ils représentent en moyenne 80% de la hausse totale des prix de l'immobilier. En Suisse, ce chiffre s'élève à 83%.
«Tout bien considéré, l'évolution des prix des terrains résidentiels est la clé pour expliquer les tendances à long terme des prix des maisons», résume l'étude:
Les prix de l'immobilier ont donc été influencés par les prix des terrains. Mais qu'est-ce qui a fait bouger les prix des terrains? Qu'est-ce qui les a d'abord maintenus à la baisse pendant 100 ans et les a fait augmenter pendant 50 ans?
C'était, selon la thèse des économistes, l'expiration d'une révolution. La révolution de la circulation et des transports.
Du 19e au début du 20e siècle, les réseaux ferroviaires ont été construits et l'automobile et la navigation à vapeur ont été introduites. Les réseaux ferroviaires ont été fortement développés, surtout jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Leur longueur a alors atteint son maximum en moyenne dans 14 pays occidentaux et n'a plus été étendue de manière significative depuis lors.
Le transport de marchandises, par exemple, est devenu de moins en moins cher à partir de 1890. Jusqu'à ce que, vers l'an 2000, il en coûte huit fois moins pour transporter une tonne sur un kilomètre. Huit fois.
L'effondrement des coûts de transport a étendu la surface accessible en une heure de route depuis le centre-ville, par exemple. Sur le marché de l'immobilier, l'offre de surfaces constructibles s'est ainsi élargie.
A tel point que les prix des terres sont restés bas, malgré l'augmentation des revenus et des populations. Il n'y a plus rien de comparable dans la seconde moitié du 20e siècle. L'effet de la révolution des transports s'est estompé.
L'offre de terrains a moins augmenté ou, en exagérant, n'a pas augmenté du tout. La demande, si. Elle augmentait chaque année: l'économie, les revenus et la population. Il y avait plus d'argent, mais pas plus de terrain. C'est pourquoi les prix de l'immobilier n'ont cessé d'augmenter depuis la fin de la révolution des transports.
Et par-dessus le marché, deux autres tendances sont apparues selon l'étude.
Selon des études sur les villes américaines, ces durcissements de la réglementation n'ont pas seulement freiné le nombre de permis de construire, mais l'ont même fait reculer au fil des décennies.
Dans l'agglomération de Boston, par exemple, le nombre de permis délivrés dans les années 2000 était deux fois moins élevé que dans les années 1960. Les nouvelles règles ont encore réduit l'offre et les prix de l'immobilier ont encore plus augmenté. A Boston, les prix ont augmenté de 23%, à Manhattan de 50%.
Tout bien considéré, il n'a pas pu se produire ce qui devrait se produire dans une économie de marché lorsqu'un bien devient rare et de plus en plus cher: il n'y a pas eu d'augmentation de l'offre d'appartements ou de maisons individuelles.
Traduit et adapté par Noëline Flippe