Le 28 septembre prochain pourrait marquer la fin d’un feuilleton qui dure depuis des décennies. Ce jour-là, la population décidera si la valeur locative devra être abolie, après l'échec de nombreuses tentatives. Le Parlement a travaillé pas moins de sept ans sur le projet.
Le dossier est d’une grande complexité, et risque de désorienter bien des électeurs dès la lecture du bulletin de vote. Le terme «valeur locative» n’y figure d’ailleurs même pas. L’objet soumis au peuple est l’«arrêté fédéral concernant l’impôt cantonal sur les résidences secondaires», un texte qui, juridiquement, est lié à l’abolition de la valeur locative.
Cet arrêté illustre l’un des nombreux compromis conclus au Parlement. Les cantons de montagne, où les résidences secondaires sont nombreuses, pourront instaurer un impôt spécifique sur les logements de vacances afin de compenser au moins partiellement les pertes fiscales provoquées par la réforme.
Un autre compromis prévoit que, puisque les propriétaires bénéficieront financièrement de l’abolition de la valeur locative, ils perdront en contrepartie la quasi-totalité des possibilités de déductions fiscales, qu’il s’agisse des intérêts hypothécaires ou des frais de rénovation.
Mais un aspect est resté dans l’ombre. Si la population accepte la réforme, les intérêts passifs sur d’autres crédits ne seront plus déductibles non plus. Aujourd’hui, il est encore possible de les soustraire au revenu imposable, jusqu’à 50 000 francs, auxquels s’ajoutent les revenus de la fortune.
Cela concerne aussi bien des crédits pour l’achat d’une voiture, de meubles ou d’appareils électroniques, que des prêts contractés pour financer une formation. Selon la centrale d’information de crédit, on recensait fin 2024 exactement 368 873 crédits à la consommation en Suisse, représentant un montant total de plus de 9 milliards de francs.
Le Conseil fédéral rappelle d’ailleurs en page 12 de la brochure officielle de votation:
La réforme toucherait donc «l’ensemble des contribuables, y compris les locataires, qui ne pourront en règle générale plus déduire d’intérêts passifs».
Cet aspect n’a pratiquement pas été débattu au Parlement. Les associations concernées se disent aujourd’hui prises de court, alors qu’elles sont interrogées à quelques jours du scrutin.
Directeur de Dettes conseils Suisse, Pascal Pfister regrette la suppression de la déduction des intérêts passifs. Selon lui:
Et pour les personnes endettées, cette décision représente clairement une détérioration de leur situation, estime-t-il.
Les établissements de crédit partagent cette inquiétude. Des banques comme Cembra money bank ou Bank-now mettent même en avant, dans leur publicité, la possibilité de déduire fiscalement les intérêts de leurs prêts.
Ces sociétés sont regroupées au sein de l’association Financement à la consommation suisse (FCS). Son directeur adjoint, Daniel Alder, estime que «la suppression quasi totale de la déduction des intérêts passifs constitue un désavantage considérable pour les emprunteurs» et qu’elle entraîne «une charge supplémentaire non négligeable pour les consommateurs».
A l’instar de Pascal Pfister, Daniel Alder ne comprend pas pourquoi les crédits à la consommation sont traités de la même manière que les hypothèques. La FCS dénonce une «inégalité de traitement injustifiée», d’autant plus que cet aspect reste, selon lui, «totalement marginalisé dans un débat hautement politique».
La conseillère nationale Daniela Schneeberger (PLR/BL), qui a suivi le dossier de près au Parlement, souligne que cette question a bel et bien été abordée en commission, sur la base de documents fournis par l’administration. La Bâloise explique:
L'élue estime que les crédits à la consommation et autres prêts restent de faible importance, tant pour les recettes fiscales que pour l’économie, par rapport aux hypothèques.
L’Administration fédérale des contributions confirme cette analyse. La grande majorité des dettes des ménages privés concerne les hypothèques. Selon les chiffres de la Banque nationale suisse, celles-ci représentaient en 2024 un peu plus de 1000 milliards de francs, contre environ 20 milliards pour les crédits à la consommation.
En cas d’adoption par le peuple le 28 septembre, l’Administration fédérale des contributions prévoit une baisse progressive du volume de crédits, en raison de la suppression de la déduction fiscale. Ce recul devrait toutefois être limité et s’inscrire dans la durée. Dans une perspective macroéconomique, les crédits à la consommation et autres prêts «ne pèsent presque rien face aux hypothèques».
Pascal Pfister rejette fermement cette conclusion., insiste-t-il.
Autrement dit, ce qui peut paraître marginal à l’échelle macroéconomique peut avoir des conséquences décisives pour les individus concernés.
Traduit de l'allemand par Joel Espi