Les bourses avaient la mine des mauvais jours après la chute des cours lundi. Néanmoins, un net rebond a calmé les esprits pessimistes.
Sauf qu'en disséquant le problème, un constat saute aux yeux: la chute des valeurs technologiques a contribué à la baisse du marché boursier en début de semaine.
Des analystes craignent une bulle de l'IA dans un avenir plus ou moins proche après le récent boom de l'intelligence artificielle, qui a dopé la Bourse et la productivité dans de nombreux grands groupes.
Après l'embellie, voire l'euphorie, les désirs de grandeur d'OpenAI épaulé par Microsoft, les premières craintes sont apparues. Et comme d'habitude, il y a les pessimistes et les optimistes. L'expert en technologies Georges Nahon sentait le vent tourner et tempérait, dans une tribune publiée en avril dernier, dans Le Monde: «L’intelligence artificielle (IA) ne sera pas une bulle spéculative, en Bourse».
Les discussions vont bon train et nombreux sont ceux qui voient l'IAG (Intelligence artificielle générative) comme le nouveau pétrole, souffle le spécialiste français en technologie. Avant de conclure sa chronique:
Le cadre posé par Nahon et après la montée en flèche de la nouvelle merveille des acteurs de la Big Tech, place aux premiers essoufflements: les actions des leaders de la branche ont dégringolé – une descente amorcée le 11 juillet. Wall Street se grattait l'arrière du crâne; la Bourse s'attendait à des profits bien plus importants grâce à l'apport gargantuesque de liquidités dans le secteur de l'IA.
«Je dirais que la correction n'est pas propre à la technologie, tous les actifs à risque ont souffert (par exemple, les crypto-monnaies)», nous répond le professeur Yash Shrestha, de la Faculté des HEC de l'Université de Lausanne.
Le professeur préfère cibler deux facteurs:
Or la chute du cours de Microsoft, qui a pris l'ascenseur en juillet, montant à 467 dollars, a ensuite vu une baisse drastique, arrivant, le lundi 5 août, aux alentours de 395 dollars.
Bulle ou pas? Sommes-nous proche ou en plein dans une correction de la Bourse par la faute du secteur technologique?
Bloomberg relayait mi-juillet les discours défaitistes des pontes de Wall Street qui, après les grosses sommes d'argent injectées, ne voyaient pas d'évolution significative. De l'impatience? «Oui, l'intégration de l'IA pour apporter des améliorations significatives aux produits et aux flux de trésorerie peut prendre du temps», souffle Yash Shrestha.
Google, Amazon et Microsoft ont misé beaucoup de billets verts sur le pari de l'intelligence artificielle. Les prédictions étaient si attendues qu'un combat de coqs s'était intensifié, au fil des derniers mois, entre les leaders de la tech. Mais depuis la dégringolade de Microsoft, qui fait office de porte-étendard de l'IA avec sa collaboration avec OpenAI, les investisseurs sont quelque peu refroidis.
«Microsoft investit dans de multiples développements - Open AI, Mistral et ses propres développements internes. Elle réduit ainsi sa dépendance à l'égard d'une technologie particulière», estime le professeur.
Les avancées n'ont pas convaincu. Les espoirs, selon le camps des sceptiques, sont considérablement exagérés. C'est là qu'intervient le danger d'une correction boursière si Microsoft, Amazon et les autres reconsidèrent leurs investissements.
Pour établir quelques chiffres, Microsoft, Alphabet (propriétaire de Google), Amazon et Meta ont investi collectivement plus de 150 milliards de dollars d'investissement au cours des quatre derniers trimestres. Plus précisément, Microsoft a investi treize milliards de dollars dans OpenAI, Amazon, quatre milliards et Google deux milliards dans Anthropic.
On parle à présent, dans les travées de Wall Street, de changement de cap et on évoque une période semblable à l'euphorie technologique qui s'était emparée des marchés entre 1995 et 2000, avant qu'une bulle spéculative ne frappe les valeurs technologiques, avec un pic en mars 2000. A la suite de ça, les actions technologiques sont devenues sans valeur et de nombreuses start-ups ont mis la clé sous la porte.
Selon le Yash Shrestha, cette période de remous lui rappelle «un peu» la bulle Internet et ce battage médiatique qui a suivi.
Jim Covello, spécialiste chez Goldman Sachs, est dans le camp des pessimistes, expliquant dans les colonnes de Bloomberg: «La plupart des transitions technologiques de l’histoire, en particulier celles qui ont été transformatrices, nous ont vu remplacer des solutions très coûteuses par des solutions très bon marché».
La Big Tech a reçu un rappel à l'ordre. Et Wall Street l'a senti. Covello aussi, arguant que les centaines de milliards de dollars que les entreprises injectent aujourd'hui dans l’IA ne déclencheront pas la prochaine révolution économique.
Néanmoins, pour répondre à Covello, Jeff Bezos exprimait fin 2023 que «l’IA générative ne doit pas être considérée comme une invention, mais comme une découverte».
Il convient de faire une analyse à ce propos: la distinction entre l'IA et le marché de l'IA. L'évolution du secteur est forte, exponentielle, mais sa commercialisation prend du temps.
L'IA n'est pas encore face à une bulle comme celle de 2000 pour Internet. Sa transformation est en marche, comme l'illustre le travail abattu par Microsoft, grâce aux données des utilisateurs que la société possède, analyse le professeur Yash Shretsha.
Selon Covello, l’IA a montré qu’elle pouvait rendre certains emplois, comme le codage, plus efficace, mais pas suffisamment pour justifier les dépenses pharaoniques.
La vitesse à laquelle cette technologie s'est développée laisse à penser que les investisseurs sont encore dans le flou, ne sachant pas où interviendront exactement les avantages.
Comme l'indiquait Spiegel par le biais d'une analogie efficace: C'est comme si le moteur à combustion interne venait d'être inventé, mais que l'automobile n'avait pas encore été inventée.