Depuis deux semaines, Donald Trump navigue au cœur d'une tempête comme il n'en a pas connu depuis son retour à la Maison-Blanche. Si ce n'est depuis des années. Cette époque lointaine où le «simple» candidat à l'élection présidentielle collectionnait les casseroles judiciaires, comme Roger Federer les trophées du Grand Chelem.
Sauf que cette tempête-ci s'avère un peu différente. Puisqu'elle n'implique ni ennemis politiques ni système étatique établi. Juste les fans de Donald Trump.
Tout a commencé le 7 juillet. Sous forme d'une note de deux pages publiée par le ministère de la Justice, dans le cadre de l'affaire Jeffrey Epstein, le tristement célèbre milliardaire décédé dans sa cellule en 2019, dont Donald Trump a été l'ami pendant des années.
Alors que les partisans d'une théorie du complot faisaient pression depuis des mois pour obtenir une «liste de clients incriminante» ou des détails salaces, l'«enquête exhaustive» n'avait rien révélé de tel. Pas de «dossier Epstein», donc, malgré le teasing de Donald Trump lui-même et de plusieurs de ses proches collaborateurs de la Maison-Blanche. Encore moins de complot.
En bon jargon bureaucratique, la note signifiait: circulez, il n'y a rien à voir.
Tel est devenu le mantra de l'administration Trump. «Personne ne tourne la page mieux que Donald Trump», observe le stratège républicain Alex Conant, au Washington Post. «Tout au long de son premier mandat, on a constamment changé de récit. On a perdu le fil de tous les drames, car il en ajoute toujours un nouveau pour détourner l'attention des précédents.»
Pendant que le grand patron suppliait ses groupies de bien vouloir passer à autre chose, de s'extasier sur son nouveau plan budgétaire ou sur les réalisations de son administration, la fureur des amateurs de théories du complot gonflait à la vitesse d'un soufflé dans un four réglé sur 300 degrés.
Mais alors qu'en coulisses, l'équipe du président se démenait pour trouver un moyen d'apaiser l'ire des complotistes mécontents, Donald Trump balayait toutes les options, selon The Atlantic.
Rien, à part s'agacer sur ses réseaux sociaux et traiter les républicains de «stupides». Selon ses proches, le sujet est «sensible» et Donald Trump «frustré». Par son incapacité à attirer l'attention du pays sur ses succès politiques. Par le manque de confiance que lui accordent ses fidèles du mouvement MAGA.
On comprend l'agacement du président américain. Lui, dont l'ascension a été favorisée grâce à une litanie d'affirmations non prouvées, voit désormais son mandat déstabilisé par une théorie du complot dont il n'arrive pas à se départir.
En attendant, le locataire de la Maison-Blanche a tenté sans grand succès de détourner l'attention. Ces dernières heures, il a esquivé les questions des journalistes pour leur préférer des dizaines de publications disparates sur son réseau Truth Social. Ces messages n'avaient entre eux qu'un point commun: ne jamais mentionner le nom de Jeffrey Epstein.
Les efforts désordonnés du chef de clan pour calmer la fougue de sa base ont reçu un coup de pouce inattendu. Grâce à la publication, la semaine dernière, d'un article du Wall Street Journal qui aurait pu - et dû - porter un coup supplémentaire à la réputation déjà amochée du président américain.
La révélation d'un dessin salace que Donald Trump aurait fait parvenir à Jeffrey Epstein pour son 50e anniversaire, en 2003.
Contacté par le quotidien américain, Donald Trump a farouchement nié avoir adressé une missive de ce genre au milliardaire décédé.
A défaut de convaincre Rupert Murdoch, son ami de longue date et propriétaire du Wall Street Journal, de ne pas publier l'article, Donald Trump a intenté un procès de dix milliards à la publication.
Reste que cet article incriminant pourrait être peut-être un mal pour un bien. Le moyen de recoller les morceaux avec ses alliés. Car la polémique sur la «non-publication» du dossier Epstein s'est brusquement métamorphosée en un grand moment de ralliement et de solidarité.
Comme un seul homme, les principaux partisans du président se sont précipités pour prendre sa défense - lui, la victime injustement persécutée par ses adversaires politiques et par les médias grand public. «L'attaque étrange des Murdoch contre le président a galvanisé sa base, tant par son contenu que par sa méthode», a déclaré Steve Bannon, ancien conseiller de Trump à la Maison-Blanche et leader influent de la base MAGA, au New York Times.
Pour Steve Bannon, la dynamique s'est inversée en partie parce que l’article semble «faux» et que le quotidien américain a décidé de ne pas soumettre à Donald Trump une copie de la lettre.
Même son de cloche du côté de Laura Loomer, fervente admiratrice du président: «Hé, nous sommes peut-être frustrés par la procureure générale Pam Blondie, mais Trump est toujours notre homme», rappelle-t-elle au New York Times.
Un répit momentané. Reste à voir si le président sera en mesure de dissiper le désir de ses fidèles d’obtenir ce qui leur a été promis - ou si l'orage finira par s'éloigner de lui-même. Force est de constater que, jusqu'à présent, Donald Trump s'en sort toujours. D'une manière ou d'une autre.