En 2024, le monde de la finance se focalisera à nouveau sur les crises immobilières dans le monde entier. C'est ce qu'a prédit le service d'information financière Bloomberg dans une lettre d'information sur «les difficultés des entreprises, les faillites, les effondrements financiers et les histoires de redressement». En effet, tout porte à croire que 2024 sera une année de grandes et petites crises immobilières.
En Chine, les 100 plus grandes sociétés immobilières ont vu leur chiffre d'affaires s'effondrer de 35% en décembre par rapport à l'année précédente. Elles vendent moins de logements et, si elles le font, à des prix plus bas, comme le rapporte Bloomberg. Dans le dernier rapport de la Banque mondiale, un graphique indique en rouge la proportion des 70 plus grandes villes chinoises dont les prix sont en baisse. Ces derniers mois, tout est rouge, rouge, rouge.
Certains géants de l'économie chinoise ont déjà été touchés. Le géant de l'immobilier Evergrande doit s'entendre avec ses débiteurs pour se restructurer. Une énorme banque parallèle, qui gérait à son apogée plus de 140 milliards de dollars, a dû se déclarer en faillite. Pour reprendre le contrôle, le gouvernement a récemment promis d'empêcher une cascade de défauts de paiement.
Pourtant, il ne s'est pas encore passé grand-chose si l'on considère les prix de tous les biens immobiliers existants dans le pays. Selon la Banque mondiale, les tarifs n'ont baissé que d'environ 6% à partir du pic de la mi-2021. Les précédentes corrections dans les grandes économies ont duré plus longtemps et les prix ont chuté plus fortement. La crise immobilière chinoise risque donc de se poursuivre encore très longtemps.
La crise touche toute l'Asie. En Corée du Sud, l'entreprise de construction Taeyoung a fait trembler les marchés lorsqu'elle a dû renégocier ses paiements d'intérêts. Là aussi, l'Etat a dû rassurer: tout est fait pour éviter une propagation au reste du pays. A Hong Kong, les prix des logements ont chuté de 20% depuis la mi-2021. En Indonésie, les quatre plus grandes entreprises de construction ont multiplié leurs dettes par plus de douze. L'un de ces quatre géants doit désormais demander de l'argent à l'Etat.
En Europe, le ralentissement s'est jusqu'à présent concentré sur quelques pays. C'est au Luxembourg que les prix des logements en propriété ont le plus baissé. Au pic, la baisse a atteint environ 14%. C'est ce que montrent les chiffres de l'autorité statistique européenne Eurostat pour le troisième trimestre 2023. Le petit pays est suivi de l'Allemagne avec une baisse de 11%, puis de la Finlande avec 8% et enfin de la Suède avec 7%.
En Europe comme en Asie, les situations se ressemblent. Partout où les entreprises doivent contracter de nouvelles dettes pour faire face à la hausse des taux d'intérêt, les crises se multiplient. Le cas de l'entreprise immobilière allemande Demire est révélateur. La société aura du mal à réunir les fonds nécessaires lorsque ses 500 millions d'euros de dettes arriveront à échéance en octobre.
Jusqu'à présent, la plus grande victime des taux d'intérêt élevés en Europe est le maître de l'immobilier: René Benko. La situation critique de sa Signa Holding n'a pas grand-chose à voir avec le marché de l'immobilier dans son pays d'origine, l'Autriche. Au troisième trimestre, les prix n'y ont été que légèrement inférieurs à leur niveau record et ont même légèrement augmenté récemment.
Benko avait des ambitions mondiales. Aujourd'hui, des biens immobiliers ou des parts de ces biens sont mis en vente en toute urgence. Par exemple le Chrysler Building à New York ou le Bauer Hotel à Venise. Et comme Benko et sa Signa possèdent également la moitié du magasin suisse Globus, on s'interroge aussi sur son avenir.
Les débiteurs récupèrent ce qui peut encore l'être auprès de Signa depuis que celle-ci a déposé le bilan en novembre dernier. Une anecdote à ce sujet est la vente aux enchères d'articles de bureau. Des prix étonnants y sont proposés, par exemple plus de 1000 euros pour des tapis avec le logo Signa. Un prix qui montre une fois de plus le grand intérêt que suscitent les faillites historiques.
En ce qui concerne la Suisse, la Banque nationale a averti depuis longtemps que le boom pourrait être suivi d'une correction. Dans son dernier rapport de stabilité, ses indicateurs indiquaient que les prix du marché étaient encore éloignés des valeurs qui seraient cohérentes économiquement.
Mais pour 2024, peu de choses laissent présager une correction. La demande de logements en propriété est trop importante grâce à l'immigration, à la croissance économique et au besoin croissant d'espace. Et l'offre est trop faible, pour des raisons quelque peu mystérieuses. On soupçonne un excès de réglementations. En tout cas, aucune amélioration ne se profile à l'horizon.
Au contraire, les permis de construire délivrés récemment ont diminué fortement. Comme le rapporte la grande banque UBS, seuls quelque 35 000 permis de construire pour des logements ont été délivrés au cours des douze derniers mois.
La baisse a été particulièrement importante dans les cantons de Fribourg, Thurgovie, Schaffhouse et Neuchâtel. Par rapport au nombre moyen de permis de construire délivrés depuis 2013, la chute a été de deux tiers au cours des douze derniers mois. Par rapport à l'activité de construction habituelle, il ne reste donc qu'un tiers.
Malgré la pénurie, il se pourrait que l'on assiste en 2024 à un phénomène que l'on avait déjà observé au dernier trimestre 2023. Les prix des maisons individuelles ont légèrement baissé, de 1%. C'est ce que rapporte la Banque Raiffeisen. Son économiste en chef, Fredy Hasenmaile, y voit «un avant-goût de l'année 2024».
Il s'attend à ce que les prix baissent au cours de l'un ou l'autre trimestre, tant pour les maisons individuelles que pour les appartements en copropriété. Mais ces éventuelles baisses resteraient dans de faibles proportions.
Traduit et adapté par Nicolas Varin