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La guerre a commencé il y a 1000 jours, la fin n'est pas en vue

La guerre a commencé il y a 1000 jours et la fin n'est pas en vue
Un soldat ukrainien pleure ses camarades tombés au combat, Kiev.Image: keystone
Analyse

L'Ukraine n'a pas encore perdu

Après presque trois ans de guerre, 1000 jours pour être exact, la situation reste inextricable. Une victoire militaire nette n'est pas en vue, et aucun camp n'a un avantage clair. L'Ukraine est toutefois sur la défensive à tous les niveaux.
19.11.2024, 16:58
Peter Blunschi
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Ce mardi, cela fait exactement 1000 jours que Vladimir Poutine a donné l'ordre d'envahir l'Ukraine. Le troisième hiver de guerre va bientôt commencer. Celui-ci menace d'être «particulièrement froid et sombre», estime le quotidien autrichien Standard. Les frappes aériennes russes ont durement touché l'infrastructure énergétique du pays, la dernière en date étant celle du week-end.

L'euphorie des reconquêtes ukrainiennes de la première année de guerre est depuis longtemps retombée. Le pays est confronté à des problèmes de ravitaillement en hommes et en matériel. L'Occident est souvent pointé du doigt mais le gouvernement ukrainien a aussi trop tardé à recruter de nouveaux soldats.

On vous en parlait l'année dernière déjà:

De nombreux jeunes hommes tentent de se soustraire au service militaire. Des correspondants font état d'un épuisement croissant et d'une lassitude de la guerre au sein de la population. Cette situation, combinée à la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis, pourrait augmenter la pression sur les Ukrainiens pour qu'ils acceptent une «paix» avec la Russie, même au prix d'une perte de territoire.

Pourtant, il est également vrai que la guerre a jusqu'à présent été un échec pour la Russie. Dans leur aveuglement, Poutine et ses sbires pensaient pouvoir vaincre le pays voisin en une «guerre éclair» de trois jours, s'emparer d'une partie considérable du territoire à l'est et au sud et installer un régime fantoche à Kiev.

Mais cela a mal tourné. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est devenu un symbole de résistance, même si son image s'est ternie au fil des années. Son espoir que la Suisse puisse rassembler une alliance globale contre la Russie a été un échec. La «conférence de paix» au Bürgenstock a fourni de belles images, mais son contenu est resté pauvre.

L'Ukraine n'est toutefois pas perdue, bien qu'elle soit sur la défensive à tous les niveaux.

Le front militaire

En août, l'armée ukrainienne a réussi à surprendre autant ses alliés que ses ennemis en pénétrant dans la région russe de Koursk. L'espoir que cela force la Russie à retirer une partie de ses troupes du Donbass ne s'est toutefois pas réalisé. Le dictateur nord-coréen Kim Jong-un a, au contraire, soutenu Vladimir Poutine avec plusieurs milliers de soldats.

Un char ukrainien sur le front près de Pokrovsk.
Un char ukrainien sur le front près de Pokrovsk.Image: keystone

Selon certaines estimations, les Ukrainiens ont perdu environ la moitié du territoire qu'ils avaient conquis. Parallèlement, l'armée russe a augmenté la pression sur le front ukrainien au cours des derniers mois. Koupiansk, dans la région de Kharkiv, et Pokrovsk, une ville stratégique de la région de Donetsk, sont dans le collimateur de Poutine.

A plusieurs reprises, les médias occidentaux ont évoqué leur chute imminente. Pourtant, le front «n'a guère bougé ces dernières semaines», raconte notre reporter de guerre, Kurt Pelda, qui se trouvait justement à Pokrovsk. D'après lui, les Ukrainiens ont appris des erreurs du passé et seraient «motivés pour continuer à se défendre».

Des analystes militaires renommés ont confirmé son évaluation. «La situation n'est pas encore catastrophique – les Ukrainiens se défendent avec ténacité – mais elle est précaire», explique Franz-Stefan Gady de l'Institute for International Strategic Studies (IISS) à Londres au Standard. Il ne voit toutefois «pas de risque immédiat d'effondrement du front».

Selon l'analyste américain Michael Kofman, originaire d'Ukraine, la Russie a l'initiative stratégique le long de la ligne de front et «un avantage matériel considérable», comme il l'a déclaré à la Kleine Zeitung. Celui-ci ne se serait toutefois «pas révélé décisif» et n'aurait pas permis aux militaires russes de réaliser des percées opérationnelles.

Kofman doute que l'armée russe puisse maintenir des opérations offensives d'une telle intensité jusqu'en 2025. Chaque jour, la Russie perdrait jusqu'à 2000 soldats, par mort, blessure, captivité ou désertion. Et selon l'analyste, une grande partie de l'équipement date de l'époque soviétique, malgré l'économie de guerre.

Le front diplomatique

Le chancelier allemand Olaf Scholz s'est entretenu vendredi dernier au téléphone avec Vladimir Poutine. L'échange n'a pas débouché sur une percée, et les observateurs y voient surtout une manœuvre électorale. Scholz voudrait positionner le SPD comme «parti de la paix» lors des élections fédérales de février, ce qui n'avait déjà pas fonctionné lors des européennes, cet été.

La démarche a, dans tous les cas, fâché Volodymyr Zelensky. Dans une interview radio, le chef de l'Etat ukrainien a toutefois déclaré que le but était de «tout faire pour que cette guerre se termine l'année prochaine», et ce «par des moyens diplomatiques». Mais il doit s'agir d'une «paix par la force», avait-il déjà souligné dans son «plan de victoire».

epa11629049 A handout picture made available by the Ukraine Presidential Press Service shows Ukrainian President Volodymyr Zelensky (L) and Republican presidential candidate Donald J. Trump (R), durin ...
Fin septembre, Volodymyr Zelensky a rencontré Donald Trump à New York.Image: keystone

C'était sans doute un pied de nez à Donald Trump, qui avait déclaré pendant sa campagne électorale vouloir mettre fin à la guerre «en 24 heures». On ne sait toutefois pas comment le future président américain compte y parvenir. Il s'est déjà entretenu au téléphone avec Zelensky et Poutine. Marco Rubio et Mike Waltz, qui devraient être chargés de la politique étrangère dans le cabinet de Trump, ne sont pas connus pour être des «colombes».

Pour Alexander Graef, chercheur sur la paix à l'université de Hambourg, il n'est pas certain que le nouveau président américain laisse effectivement tomber Kiev, comme il l'a déclaré au Standard:

«S'il ne parvient pas à mettre fin rapidement à la guerre, on peut aussi s'attendre à ce que Trump fasse volte-face. Les Etats-Unis pourraient alors renforcer leur soutien».

Le président sortant Joe Biden ne veut pas attendre. Après de longues hésitations, il est prêt à autoriser les Ukrainiens à utiliser des missiles ATACMS sur le territoire russe, même si ce n'est pour l'instant qu'à Koursk. Et si les Allemands ne veulent toujours pas livrer de missiles de croisière Taurus, ils ont accepté de livrer des drones Kamikaze de conception similaire.

Malgré les spéculations sur les négociations, les signes sont actuellement à l'escalade. Vladimir Poutine viserait des victoires militaires avant l'entrée en service de Donald Trump, le 20 janvier 2025. Mais il ne veut «clairement pas» d'une nouvelle mobilisation partielle comme celle de 2022, a déclaré Michael Kofman.

Le ministère britannique de la Défense estime qu'environ 1,3 million de personnes ont quitté la Russie au cours des 1000 jours qui ont suivi le début de la guerre. La plupart d'entre eux partent pour se soustraire au service militaire. Poutine doit donc «appâter» de nouveaux soldats avec toujours plus d'argent. Et cela renforce le manque de main-d'œuvre dans l'économie russe.

Après bientôt trois ans de guerre, la situation semble inextricable. Aucun camp n'a un avantage clair, mais l'Ukraine se trouve actuellement sur la défensive. «Moscou pense toujours pouvoir atteindre ses objectifs politiques par la voie militaire», estime Alexander Graef. Pour l'Ukraine, cela pourrait donc aussi être une victoire, «si elle reste capable d'agir en tant qu'Etat».

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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