L'économie russe traverse une tempête. L'inflation dépasse les 10%, les recettes chutent et la conjoncture s'est effondrée. Vladimir Poutine a jusqu'à présent en général minimisé la situation.
Dans ses prises de parole publiques, le président russe a pour habitude de rassurer constamment son peuple. Mais un problème est désormais devenu si évident que même le dirigeant a dû le reconnaître, mardi, lors d'une réunion de l'organisation «Russie, terre d'opportunités» retransmise à la télévision:
Usuellement, les Etats solutionnent ce genre de crise grâce aux importations de pays tiers. Mais, compte tenu de la rupture généralisée des relations économiques avec l'Occident et du nombre réduit d'autres partenaires, Moscou se trouve dans une impasse.
Même le voisin biélorusse, dont le secteur agricole et la culture de la pomme de terre sont florissants, ne peut plus lui venir en aide. Car Poutine a déclaré avoir déjà acheté les réserves de tubercules biélorusses.
Rien que depuis le début de l'année, les prix des pommes de terre ont grimpé de 52% dans le pays, selon des données officielles. Le quotidien Kommersant a parlé d'un «record historique». Les prix de gros auraient même été multipliés par plus de quatre et les prix au détail par trois par rapport à l'année précédente. Fin avril, il fallait compter environ 85 roubles pour un kilo au supermarché, soit environ 95 centimes.
Ces chiffres mettent la population en difficulté, car les pommes de terre constituent pour les Russes un aliment de base, que l'on retrouve dans de nombreux plats traditionnels. Elles servent aussi à la production de la vodka. Ce renchérissement n'est que la partie émergée de l'iceberg: d'autres aliments primordiaux, comme le chou (+49%), les betteraves (+40%) et les oignons (+34%) ont également connu une forte hausse de prix depuis le début de l'année.
Les raisons de cette tempête économique sont multiples, mais trouvent probablement leur origine au niveau domestique:
Comme solution à court terme, la Russie a stimulé les importations en provenance d'Egypte et de Biélorussie. Mais Minsk tire désormais elle aussi la sonnette d'alarme, car ses réserves s'épuisent rapidement.
La population biélorusse se plaint depuis des mois dans les médias et sur les réseaux sociaux de la rareté ou de la «mauvaise qualité» de certains produits sur les marchés. Là aussi, les prix de toute une série d'aliments ont considérablement grimpé, sur ordre de l'Etat lui-même. Pourtant, le dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko veut continuer à aider Moscou.
Il a demandé un «sursaut agricole» et déclaré, cité par l'agence Belta:
«Nous devons aider nos frères, les Russes», a-t-il ajouté lors d'une réunion avec des fonctionnaires régionaux mercredi. Lukashenko a invoqué des «problèmes agricoles» en Russie. Il a par ailleurs confirmé les dires de Poutine quant à un rachat des réserves nationales biélorusses.
Il faut dire que les producteurs locaux préfèrent exporter vers la grande voisine, où ils réalisent des bénéfices bien plus élevés, plutôt que de vendre sur le marché intérieur à des prix nettement inférieurs et fixés par l'Etat.
Le pacte économique et de défense de l'Union russo-bélarusse lie très étroitement les deux pays. La pomme de terre représente aussi tout un symbole du règne de Loukachenko, car il dirigeait autrefois une entreprise agricole d'Etat (sovkhoze). Mais son pays, qui pratique largement la planification économique, a récemment connu des problèmes d'approvisionnement.
La Biélorussie doit désormais trancher: cette semaine, le gouvernement a même levé l'interdiction d'importer des fruits et des légumes en provenance de l'UE. Minsk avait décrété cet embargo en décembre 2021, en réponse aux sanctions occidentales. Peu avant le lancement de «l'opération spéciale» de la Russie contre l'Ukraine, les relations avec l'Ouest étaient déjà très tendues. La Russie avait quant à elle suspendu en 2014 déjà ces mêmes importations.
(Adaptation française: Valentine Zenker)