Ce qui a été annoncé jeudi soir à New York est unique dans l'histoire plus que bicentenaire des Etats-Unis d'Amérique. Avec Donald Trump, c'est la première fois qu'un ancien président américain est officiellement mis en accusation.
Les différents chefs d'accusation ne sont pas encore publics. Mais il y en aurait 34 au total, soit plus que ce qui était attendu jusqu'à présent. Cela pourrait même aller au-delà de l'achat du silence de l'actrice pornographique Stormy Daniels. Au-delà de l'affaire new-yorkaise, d'autres accusations attendent Trump, qui devraient être bien plus lourdes.
Mais cet événement unique - un ex-président américain sur le banc des accusés - crée un précédent juridique, et donc politique. Au final, le pays pourrait être plus bloqué et plus divisé que jamais. Dans le pire des cas, la violence s'installe. Dans le meilleur des cas, une farce qui dure depuis des années pourrait enfin trouver son épilogue. Oui, il y aurait même la possibilité d'un nouveau départ qui conduirait à une plus grande paix sociale.
Mais Donald Trump et son culte indestructible s'opposent à ce scénario. Ses partisans pourraient aller plus loin et la simple accusation risque déjà d'entraîner de grands bouleversements sociaux. Mais que se passera-t-il si Donald Trump est finalement condamné?
Pour comprendre un tel scénario, il suffit de jeter un coup d'œil au programme de Fox News, la chaîne à la plus grande audience. Les présentateurs et les experts y mettent en garde contre le fait que les citoyens américains vertueux ne sont plus protégés de l'arbitraire d'une justice politisée dans les villes gouvernées par les démocrates.
Le sentiment d'une instrumentalisation politique de la justice par les démocrates n'est pas seulement alimenté par les médias, mais aussi par presque tous les républicains de haut rang. Le candidat potentiel à la présidence, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, affirme même qu'il n'aiderait pas à livrer Trump aux autorités pénales de New York dans son Etat.
Si DeSantis refusait vraiment, ce serait une violation de la Constitution américaine. Mais cela semble lui être égal tant il pense pouvoir marquer des points sur le plan politique. De nombreux autres républicains paraissent également se moquer du danger que représentent leurs attaques contre leur propre système judiciaire.
C'est un jeu risqué dans un pays où les armes à feu sont faciles à acquérir dans de nombreux endroits. Dans un pays où l'on pense ne même plus pouvoir faire confiance à la justice, il ne reste finalement qu'une seule issue: se faire justice soi-même.
Le monde entier a pu en observer les conséquences, le 6 janvier 2021, lorsque des Américains radicalisés, croyant à des millions de fraudes électorales, ont pris d'assaut le Capitole. Trump lui-même a attisé la peur de telles situations lorsqu'il a écrit il y a quelques jours qu'il était irresponsable de la part du procureur de New York de risquer à nouveau «la mort et la destruction» en l'accusant.
Parler de guerre civile est, espérons-le, trop apocalyptique. Bon nombre de politiques qui se montrent aujourd'hui fidèles à Trump espèrent secrètement que ce procès historique soit le prélude à la fin des ambitions politiques de Trump. Le fait de le soutenir encore officiellement doit leur assurer les voix des partisans de Trump. Dans le cas contraire, ils passeraient pour des traîtres.
Le danger de ce précédent juridique et politique est le suivant: Donald Trump ne va pas cesser de mettre le feu aux poudres. Au contraire, il ne fait que commencer. Dès les premières rumeurs de son inculpation à New York il y a quelques jours, lui, son clan et son équipe de campagne ont profité de l'occasion pour collecter des fonds pour la campagne. Il s'agirait de contributions financières pour une «bataille finale» contre Joe Biden et les démocrates.
La semaine prochaine, Donald Trump devrait venir à New York pour donner ses empreintes digitales et se faire photographier le visage. Cela pourrait être le signal de départ d'une campagne électorale destructrice comme les Etats-Unis n'en ont encore jamais connu. Trump et son équipe feront tout pour que la «chasse aux sorcières» contre lui soit au cœur de leur message. Trump se voit comme le martyr du pays.
Cela fait des mois que Trump évoque une nation au bord du gouffre. Pour sa propre survie politique, il est prêt à pousser le pays dans l'abîme. Les autorités américaines ont le mérite de ne pas se laisser intimider par ce poker profondément autocratique et très dangereux pour la paix sociale. Elles aussi prennent de gros risques en portant plainte. Mais si la démocratie veut survivre aux Etats-Unis, elle n'a d'autre choix que d'imposer le droit et la loi - même à un ancien président.