International
Commentaire

L'Europe ne peut pas se permettre d’être une grande Suisse

Entre amis: le président allemand Frank-Walter Steinmeier accueille le président ukrainien Volodymyr Zelensky au château de Bellevue à Berlin.
Entre amis: le président allemand Frank-Walter Steinmeier accueille le président ukrainien Volodymyr Zelensky au château de Bellevue à Berlin.Image: Clemens Bilan / EPA
Commentaire

L'Europe ne peut pas se permettre d’être une grande Suisse

Les négociations de paix entre Kiev et Washington entrent dans leur phase finale. Au même moment, à Bruxelles, se joue une décision cruciale: l’Europe assumera-t-elle enfin sa responsabilité envers l’Ukraine, ou le Vieux Continent échouera-t-il?
16.12.2025, 12:0616.12.2025, 12:06
Remo Hess, Bruxelles / ch media

A une semaine de Noël, la sérénité est loin de régner. Fébrilité, incertitude et peur de la guerre marquent le quotidien européen. Un constat malheureux, mais nécessaire. En Ukraine, la guerre fait toujours rage. Et sur le terrain politique, le pays doit également lutter pour sa survie, ces jours-ci.

Une issue qui va façonner l'avenir du continent

Le président des Etats-Unis, Donald Trump, est déterminé à forcer une décision. Après des semaines intenses de discussions entre Kiev et Washington, le moment décisif pourrait être arrivé.

Reste à savoir quel prix les Ukrainiens devront payer. Les questions territoriales ne sont pas encore tranchées. Mais Kiev ne peut se permettre de faire la fine bouche. Les Américains ont peut-être des arrière-pensées, mais ils demeurent indispensables pour l’Ukraine. Quelle part de territoire faudra-t-il céder? Et à quelles conditions?

Pour l’Europe, l’issue de ces négociations est d’une importance capitale. Les choix opérés aujourd’hui façonneront le continent pour des années, voire des décennies. Ce n’est pas une exagération.

Une répétition de l'histoire crainte

Il suffit d’un regard sur l’histoire pour en mesurer la portée. L’accord de Munich de 1938 devait garantir la paix en accordant des concessions territoriales à un agresseur. Le résultat fut l’inverse: il a encouragé Adolf Hitler et préparé la guerre suivante.

De nombreux observateurs en sont donc convaincus: si le dictateur russe Vladimir Poutine obtient ce qu’il veut, il ne sera qu’une question de temps avant qu’il ne passe à la prochaine attaque. Et ensuite? Peut-être serons-nous les suivants.

La semaine dernière, le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, avait averti:

«Nous sommes la prochaine cible de la Russie»

Certes, ce «nous» n'inclut pas explicitement la Suisse. Mais pourquoi notre pays, au cœur de l’Europe, serait-il épargné? Parce que la guerre en Ukraine ne figure qu’au dixième et dernier rang du baromètre des préoccupations?

Les entraves de l'Union européenne

Chez nos voisins, en tout cas, le chancelier allemand Friedrich Merz se demande déjà si l’on pourra dire un jour que tout a été tenté pour préserver la liberté et la paix en Europe.

Avons-nous fait tout ce qui était possible? Probablement pas. L’Europe est restée en deçà de ses capacités dans la défense de la liberté ukrainienne.

Cela tient au fait que l’Europe est un beau projet tant que le soleil brille. Frontières ouvertes, marchés ouverts, sociétés ouvertes. Mais lorsque la crise éclate, l’avantage se transforme en faiblesse. La complexité politique et la contrainte permanente du consensus empêchent une action résolue là où elle serait nécessaire. L’Europe, ou plutôt l’UE, ressemble sur ce point peut-être plus à la Suisse que ce que nous aimerions admettre.

Mais l’Europe ne peut pas se permettre d’être une grande Suisse. Si elle veut décider elle-même de son destin, elle doit faire ses preuves. Et le moment est venu.

L'Europe face à un choix draconien

Jeudi et vendredi prochains, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se réuniront à Bruxelles. Ce sera probablement le sommet le plus lourd de conséquences depuis la crise de l’euro. A l’ordre du jour figure le financement vital pour l’Ukraine dans les mois et les années à venir.

La situation est grave. Si l’Europe ne paie pas, personne ne paiera. Surtout pas les Américains. Or, les caisses des capitales sont vides. On envisage donc désormais, pour la première fois, d’utiliser les avoirs de la banque centrale russe gelés en Europe.

Les obstacles sont considérables. Les égoïsmes nationaux bloquent jusqu’ici tout accord. Mais il n’y a pas d’échappatoire. Car il ne s’agit pas seulement d’aide financière. Si les dirigeants européens n’arrivent pas, cette fois, à passer des paroles aux actes, les dégâts politiques seront immenses. Le message adressé à Kiev, mais aussi à Washington, Moscou et à tous ceux qui s’intéressent encore à l’Europe, serait limpide: vous n’avez plus besoin de compter sur nous. Nous nous retirons.

Trouver une issue

Nous n’en sommes pas encore là. Noël est aussi le temps de l'espoir. Et l’on peut se rassurer en se rappelant que, lors des crises précédentes, l’Europe a toujours fini par s’en sortir. Pendant la crise de l’euro, pendant la crise du Covid: à chaque fois, on se trouvait déjà au bord du gouffre. Et pourtant, une issue a toujours été trouvée.

La semaine dernière, le président des Etats-Unis Donald Trump a déclaré que le Vieux Continent était dirigé par des faibles. Il appartient désormais aux responsables politiques d’en apporter la preuve contraire. Ils le doivent à leur propre population. Et surtout à celle de l’Ukraine.

La guerre en Ukraine en images
1 / 18
La guerre en Ukraine en images
Un bâtiment en flammes après un bombardement russe, Kiev.
partager sur Facebookpartager sur X
Poutine a affirmé que le réarmement de l'Otan n'était pas une «menace»
Video: extern / rest
Ceci pourrait également vous intéresser:
Avez-vous quelque chose à nous dire ?
Avez-vous une remarque ou avez-vous découvert une erreur ? Vous pouvez nous transmettre votre message via le formulaire.
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Ce test révèle les points faibles de la Suisse en matière de drones
Les mini-drones ont bouleversé la conduite des opérations militaires. La Suisse souhaite s'y adapter: elle a créé une force opérationnelle et testé la semaine dernière plusieurs systèmes dans les Grisons.
La tension est palpable sur le champ de tir de Hinterrhein. Dans quelques instants, un drone noir en forme de missile va décoller, suivi par un drone orange identique. Sa mission: intercepter et «détruire» le premier, du moins de manière simulée. Ces essais visent à évaluer le potentiel de drones suisses, tant offensifs que défensifs.
L’article