Ce que Poutine veut réellement obtenir en Ukraine
Au début de l’invasion russe en 2022, Poutine avait formulé trois grands objectifs: la démilitarisation de l’Ukraine, la «dénazification» du pays et l’annexion des régions séparatistes de Donetsk et de Louhansk.
Trois ans plus tard, il s’y accroche toujours. Le chef du Kremlin a même élargi ses ambitions au fil du conflit, malgré les centaines de milliers de morts causés par la guerre.
Les déclarations de Poutine, tout comme le récent plan de paix en 28 points élaboré par les Etats-Unis, montrent clairement quelles sont les visées de Moscou en Ukraine. Ce document portait d’ailleurs une forte empreinte russe: il impliquait des cessions territoriales ukrainiennes et un affaiblissement militaire important de Kiev et de l’Otan. Autant d’éléments qui révèlent ce que Poutine cherche réellement.
La reconnaissance des territoires occupés
La Russie exige que les régions de Louhansk, Donetsk et la Crimée soient officiellement reconnues comme russes, et que les troupes ukrainiennes s’en retirent entièrement. Moscou veut mettre la main sur ces zones sans subir de nouvelles pertes. Un objectif d’autant plus clair que, hormis la Crimée, aucune n’est complètement sous contrôle russe.
Des rumeurs récentes évoquent aussi les ambitions de Poutine concernant d’autres parties de la région de Kherson.
Dans un premier temps, il avait été question de figer la ligne de front actuelle dans les oblasts de Kherson et Zaporijia, annexés illégalement en 2022. Si les demandes de Poutine étaient acceptées, l’Ukraine perdrait en un instant une portion considérable de son territoire. Et comme la région de Donetsk fait partie des zones les plus industrialisées de l’est du pays, l’impact économique serait immense.
La «dénazification» de l'Ukraine
Depuis le début de l’invasion, le président russe répète que le gouvernement ukrainien serait dominé par l’extrême droite. Le 26 février 2022, il qualifiait même le gouvernement de Volodymyr Zelensky, pourtant juif et petit-fils d’une victime de la Shoah, de «bande de drogués et de néonazis».
Aucune de ces accusations n’a de fondement factuel. Pourtant, cela n’a pas empêché la Russie d’exiger l’interdiction des «idéologies nazies et des activités d’extrême droite». Un interdit qui, par ailleurs, existe déjà en Ukraine.
Moscou veut aussi que Kiev mette en place un programme visant à éliminer tout «racisme» ou «préjugés» envers la Russie dans les écoles, et que les médias russes soient de nouveau autorisés à diffuser dans le pays. Une manière pour le Kremlin d’accroître son influence culturelle.
Le remplacement du gouvernement Zelensky
La Russie exige aussi que le président ukrainien Volodymyr Zelensky organise de nouvelles élections dans les 100 jours suivant la signature du plan de paix. Poutine qualifie depuis longtemps le gouvernement ukrainien d’«illégitime», un argument qui lui permet d’éviter tout dialogue direct avec Zelensky.
Le chef du Kremlin continue en outre de considérer la Révolution du Maïdan de 2014 comme un coup d’Etat orchestré par les Etats-Unis. Son objectif apparaît dès lors évident: réinstaller à Kiev un pouvoir acquis à Moscou: un scénario qu’il juge possible seulement si la Russie prend la capitale. Ce serait la seule façon d’y placer un gouvernement fantoche.
La démilitarisation
Le plan de paix des Etats-Unis demande que l’armée ukrainienne réduise ses effectifs de 880 000 à 600 000 soldats. Cela correspond à l’un des objectifs stratégiques que Poutine poursuit depuis le début de l’invasion. Le document stipule également que l’Ukraine ne doit plus recevoir d’armes à longue portée de la part de l’Occident, celles qui lui permettent actuellement d'attaquer le territoire russe.
Pour Kiev et ses soutiens européens, le problème est évident: avec une armée affaiblie, l’Ukraine serait incapable de se défendre seule en cas de nouvelle offensive russe. C’est pourquoi les Européens évoquent régulièrement la nécessité de garanties de sécurité. Poutine, lui, veut à tout prix empêcher l’installation de troupes de l’Otan en Ukraine.
Les exigences vis-à-vis de l’Otan
Moscou formule aussi des conditions à l’Alliance atlantique. La Russie demande notamment que l’Ukraine ne puisse jamais rejoindre l’Otan, et que cette interdiction soit inscrite dans la Constitution ukrainienne. Le Kremlin exige également que l’Alliance renonce à toute nouvelle extension vers l’est.
Il semble peu réaliste d’imaginer Poutine abandonner ces exigences. Or, dans leur état actuel, ni l’Ukraine ni les membres européens de l’Otan ne semblent vouloir les accepter, comme l’ont montré les réactions des derniers jours. La perspective d’un accord de paix en Ukraine demeure donc lointaine.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich

