L'avenir de l'Ukraine va dépendre de ces trois scénarios
Les discussions sur une solution de paix pour l'Ukraine battent leur plein. On les doit à un plan en 28 points imaginé par les Etats-Unis et la Russie, et qui respecte avant tout la volonté du Kremlin.
Une délégation américaine a ensuite rencontré des représentants ukrainiens et européens à Genève ce week-end. Les Européens ont alors aussi présenté leur propre plan. Après ces consultations, il ne restait plus grand-chose de la première solution.
Des progrès, mais aussi un mur
En effet, Kiev affirme avoir trouvé un terrain d'entente avec Washington sur les questions les plus importantes. Reste donc désormais à attendre une réaction du Kremlin. Il a envoyé en début de semaine une délégation à Abu Dhabi pour s'entretenir avec des représentants américains.
Le chef des services secrets militaires ukrainiens, Kyrylo Budanov a lui aussi fait le déplacement. La porte-parole de Donald Trump, Karoline Leavitt, a relevé, mardi, «d'énormes progrès», en mentionnant «quelques détails délicats, mais pas insurmontables» qui restent toutefois «à clarifier». Mais rien ne garantit que la Russie s'engagera dans des négociations sérieuses.
Pour le politologue Carlo Masala:
Cependant, tant la version européenne que la dernière mouture ukraino-américaine incluent certains aspects particulièrement chers à Kiev. «Pour les Russes, cela n'est donc pas acceptable».
Des voix critiques se sont élevées à Moscou, et la Russie ne devrait donc pas négocier sérieusement. A quelle évolution faut-il alors s'attendre?
Scénario 1
Blocage politique: rien ne change et Trump se retire
Il s'agit du scénario le plus probable, estime le spécialiste. Mais, en cas de blocage, «Trump pourrait se retirer complètement». Jusqu'à présent, la stratégie des Européens a été de maintenir le chef d'Etat américain dans le jeu «jusqu'à ce qu'il réalise que cette guerre est aussi la sienne», poursuit Masala avant d'ajouter:
Pour l'instant, les Européens ont réussi. Ils ont apaisé le républicain en concluant un accord: au lieu de livrer directement des armes à l'Ukraine, les Etats-Unis les vendent désormais à leurs partenaires européens de l'Otan, qui les transmettent ensuite à Kiev.
Mais le président américain a toujours été réticent sur ce dossier, dont il rejette toute responsabilité. Il parle généralement de «la guerre de Biden», reportant toute la charge sur son prédécesseur.
Le milliardaire était pourtant entré à la Maison-Blanche avec la promesse de régler le conflit le plus rapidement possible. Dix mois plus tard, après plusieurs tentatives diplomatiques, les affrontements se poursuivent. En Europe, on craint donc que Trump ne se désintéresse pour de bon si son «plan de paix» échoue. Mais que se passerait-il alors?
«Washington cesserait de vendre des armes aux partenaires de l'Otan et de fournir des informations des services secrets à Kiev», envisage Masala. Cela pénaliserait non seulement les Ukrainiens, mais aussi l'Europe.
Une distance toujours plus palpable
L'Europe pourrait certes fournir des éléments de renseignement à Kiev. «Mais ils ne seraient pas aussi précis et variés que ceux des Américains. Nous n'en avons pas les capacités», précise Masala.
L'expert souligne aussi que, sous Trump, les Etats-Unis prennent de plus en plus de distance avec l'Europe depuis plusieurs mois. Le plan initial en 28 points, favorable à Moscou, a contribué à cette distanciation vis-à-vis du Vieux Continent et de l'Otan. Les Etats-Unis s'y présentaient notamment comme médiateurs entre la Russie et l'alliance, alors qu'ils en sont eux-mêmes membres. Carlo Masala énonce:
Le plus grand porte-avions du monde était auparavant stationné en Méditerranée, près de l'Europe, mais il doit désormais participer à la guerre contre le narcotrafic menée par les Etats-Unis dans les Caraïbes.
Scénario 2
Trump augmente la pression sur Kiev
Dans ce scénario, Washington ne franchirait pas le pas ultime d'un retrait complet, mais continuerait à œuvrer pour une issue rapide à la guerre. Si la Russie rejette un plan négocié par les Etats-Unis, l'Ukraine et l'Europe, Trump pourrait à nouveau faire pression sur Kiev. Objectif: l'amener à se plier à certaines exigences russes. Le politologue liste:
Après la publication de la première version d'un plan de paix russo-américain, le président ukrainien s'est adressé vendredi à la population en ces termes:
Il a toutefois promis de ne pas «trahir» son pays et de travailler à des alternatives. Il est donc peu probable que Volodymyr Zelensky cède à une pression excessive. Cela signifierait probablement la fin de sa carrière politique, après qu'un scandale de corruption dans son entourage a grandement nui à sa popularité nationale.
Le dirigeant devrait se rendre à Washington ce mois-ci pour régler les derniers points litigieux d'un accord de paix. Trump l'accueillera-t-il convenablement ou l'Ukrainien risque-t-il une humiliation publique comme lors de sa visite de février?
Si la Maison-Blanche intensifie sa pression sur Kiev, «l'Europe se retrouverait dans une posture délicate, comme dans le premier scénario», commente Carlo Masala. La porte-parole de Donald Trump, Karoline Leavitt, avait déjà déclaré lundi que les Etats-Unis ne pourraient pas fournir «indéfiniment» des armes à l'Otan.
L'Europe ne lâche pas prise
Contrairement aux Etats-Unis, le continent européen reste uni derrière l'Ukraine, à quelques exceptions près, comme la Hongrie ou la Slovaquie. En Europe, on est conscient que le sort de l'Ukraine est étroitement lié à la sécurité du continent. Les Européens n'ont donc aucun intérêt à ce que Kiev aborde les négociations en position de faiblesse ou ne se résolve à faire des concessions importantes à la Russie.
Masala ne mâche pas ses mots:
Jusqu'à présent, le processus de négociation reste à privilégier. Cependant, comme le précise Masala:
Scénario 3
Trump augmente la pression sur Moscou
Fin octobre, Trump a imposé pour la première fois depuis le début de son second mandat des sanctions contre la Russie. Elles ont touché les grandes compagnies pétrolières Rosneft et Lukoil. Il a exprimé sa frustration envers Poutine:
Un nouveau refus russe entraînerait-il des sanctions américaines supplémentaires? Les Etats-Unis disposent encore de leviers d'action: Washington pourrait autoriser la livraison de missiles Tomahawk à Kiev. Ce système de longue portée avec une grande puissance de frappe placerait Moscou sous une pression militaire accrue. Des sanctions économiques sont également envisageables, qui pourraient porter un énième coup à l'économie déjà fragilisée du Kremlin.
Pour Carlo Masala, «cela est peu probable». Trump rechignerait depuis toujours à fournir de telles armes. Il ajoute:
Le premier groupe gazier au monde, Gazprom, n'a ainsi pas été touché à ce stade.
Un manque de fermeté de l'UE
Si, contre toute attente, le dirigeant américain décidait de suivre cette voie, l'Europe se retrouverait à nouveau en position délicate. Le républicain critique depuis des mois la poursuite de l'approvisionnement en pétrole russe des pays de l'Union européenne.
Bruxelles avait imposé des interdictions d'importation étendues dans le domaine des énergies (charbon et pétrole), mais des exceptions demeurent. Pas plus tard que ce week-end, Trump a encore une fois accusé l'UE de financer indirectement l'offensive du Kremlin.
«Et on aurait pu totalement exclure la Russie du système Swift», ajoute Masala. Les banques russes ne pourraient alors pratiquement plus effectuer aucun paiement à l'échelle internationale. Cela restreindrait fortement le commerce avec des partenaires importants, comme la Chine. Masala conclut:
(Adaptation en français: Valentine Zenker)

