La Corée du Nord a une bonne raison de faire la guerre en Ukraine
Lundi, à midi pile, Mark Rutte s'est dirigé d'un pas décidé vers le pupitre du siège de l'Otan afin de mettre le public au courant des dernières nouvelles:
Cet axe Pyongyang-Moscou représenterait non seulement une «intensification significative», mais aussi une «expansion dangereuse de la guerre d'invasion russe». Déjà vendredi dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait averti que des troupes nord-coréennes pourraient se retrouver sur le champ de bataille dans les prochains jours. Etant donné la situation critique sur le front, c'est évidemment une nouvelle mauvaise nouvelle pour Kiev.
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A Moscou, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rejeté, lundi, les déclarations de Rutte d'un haussement d'épaules, soulignant que Pyongyang et le Kremlin avaient signé un pacte de sécurité commun en juin dernier.
Des unités d'élite au lieu du peuple
Mais même loin du front, les conséquences sont dramatiques et pourraient marquer un véritable tournant pour la Corée du Sud: la présence des soldats nord-coréens en Russie est déjà le sujet dominant à Séoul depuis plusieurs jours. Cela occupe les premières pages des journaux, ouvre les journaux télévisés du soir et mobilise la population pour des manifestations dans les rues.
Mais les Sud-Coréens sont loin d'être unis, comme sur pratiquement toutes les questions de fond. La gauche politique s'oppose clairement à un rapprochement avec l'Ukraine, de peur d'être entraînée dans une intensification du conflit. Certains députés estiment même que le président Yoon Suk-yeol a poussé la Corée du Nord à se lier plus étroitement à la Russie en adoptant une position ferme.
Le fait est que les services de renseignement sud-coréens estiment que la Corée du Nord enverra 10 000 hommes en Russie d'ici décembre. Environ 3000 d'entre eux seraient déjà sur place, où ils sont préparés pour un engagement militaire. Selon les premières évaluations, il ne s'agirait pas des simples soldats de l'armée populaire, forte de 1,3 million d'hommes, souvent sous-alimentés et mal formés.
Au lieu de cela, on suppose que le dirigeant Kim enverra au total quatre brigades du célèbre 11e corps d'armée de l'armée populaire nord-coréenne – une unité d'élite comprenant au moins 40 000 soldats, dont les compétences sont comparables à celles des Rangers de l'armée américaine. Le dictateur Kim Jong-un a personnellement inspecté des unités du 11e corps à deux reprises depuis septembre.
Au regard des estimations de l'Otan, qui parlent de 600 000 soldats russes perdus en Ukraine, cela constitue un renfort des plus appréciables pour Vladimir Poutine.
La crainte de la Corée du Sud est désormais que les soldats nord-coréens accumulent des expériences de guerre en Ukraine afin de se préparer à un éventuel conflit sur la péninsule coréenne. De plus, il est probable que la Russie fournisse aux Nord-Coréens des technologies militaires modernes.
Au cœur du sujet, les soldats de Kim représentent avant tout une opportunité financière. Selon une étude récente de la fondation Friedrich-Naumann publiée lundi, les livraisons d'armes nord-coréennes depuis le début de l'invasion militaire généralisée contre l'Ukraine seraient estimées entre 1,7 et 5,5 milliards de dollars américains. En comparaison, l'ensemble de l'économie nord-coréenne est évaluée par la Banque centrale de Séoul à seulement 23 milliards de dollars américains.
Mauvaise ambiance en Chine
Si la Russie et la Corée du Nord travaillent à «déstabiliser l'ordre international», comme le décrit Frédéric Spohr, directeur de la Fondation Friedrich-Naumann pour la Corée, cela ne peut pas plaire à la Chine. Ce qui s'explique en partie par le fait que la dépendance de la Corée du Nord vis-à-vis de son puissant voisin se réduit d'autant.
Et bien que le président chinois Xi Jinping se soit toujours opposé à une «formation de blocs» comme à l'époque de la guerre froide, la direction du Parti s'abstient jusqu'à présent de critiquer publiquement l'opération russo-coréenne. Il faut vraiment prêter attention aux détails pour lire entre les lignes: par exemple, l'ambassadeur chinois à Pyongyang a manqué une célébration marquant la fin de la guerre de Corée, seulement quelques semaines après que Kim et Poutine aient signé leur vaste pacte militaire.
Jusqu'à aujourd'hui, le ministère chinois des Affaires étrangères tente de gérer la situation en utilisant la célèbre tactique de l'autruche. Chaque fois que des journalistes posent des questions lors de la conférence de presse quotidienne sur les soldats nord-coréens en Russie, il se contente de répondre: «La Chine n'est pas au courant de la situation correspondante.» En revanche, il semble que les médias chinois soient beaucoup mieux informés.
D’après le principal quotidien de Hong Kong, le South China Morning Post, 200 anciens soldats nord-coréens ayant fui vers la Corée du Sud pressent les autorités de les envoyer également en Ukraine. Grâce à leur expertise en guerre psychologique, ils pourraient influencer les mercenaires nord-coréens de Poutine et les inciter à changer de camp.
Traduit et adapté par Noëline Flippe