C'est une tâche aussi lourde que délicate qui attend une poignée de citoyens new-yorkais depuis ce lundi. Huit hommes, quatre femmes. Des gens comme vous et moi. Au terme de deux mois de procès et d'un défilé impliquant une trentaine de témoins à la barre, le jury doit décider du sort de l'homme autrefois le plus puissant de l'industrie musicale américaine.
Visé par cinq chefs d'accusation (un chef de racket, deux de trafic sexuel et deux autres de transport à des fins de prostitution), pour lesquels il a plaidé non coupable, le rappeur risque de croupir dans une cellule pour le restant de ses jours.
Pour le moment, rien n'est moins sûr. L'issue des délibérations est encore très incertaine. Après cinq heures et demie de discussions lundi, la première journée s'est soldée sans verdict. Les délibérations doivent reprendre ce mardi à 9 heures (15 heures suisse).
Plusieurs points-clés seront au cœur des discussions des jurés, à commencer par celui du consentement des victimes supposées de l'accusé, la chanteuse Cassie et une témoin anonyme, «Jane». Diddy a-t-il, comme l'avancent les procureurs, eu recours à la «force, à la fraude ou à la coercition» pour les inciter à participer à des actes sexuels?
Pour que Diddy soit reconnu coupable du chef de trafic sexuel, le jury doit «accepter qu'une personne puisse être contrainte à agir en raison de ce qui pèse sur elle», note Julie Rendelman, ancienne procureure de Brooklyn et actuelle avocate de la défense, au magazine New York. Problèmes financiers, voire peur d'être agressée physiquement.
Selon l'ancien procureur fédéral Mark Chutkow à Forbes, l'accusation a présenté des «arguments très convaincants» en ce sens. Ce chef d'accusation à lui seul est passible d'une peine minimale obligatoire de 15 ans de prison, pouvant allant jusqu'à la peine maximale de réclusion criminelle à perpétuité.
Autre question: Diddy dirigeait-il une «entreprise criminelle» plus large, ce qui satisferait à l'accusation de racket? Au tribunal, de nombreux noms d'employés et les méthodes qu'auraient employées par le rappeur en lien avec ses crimes présumés, dont la corruption, l'incendie criminel, l'enlèvement, l'extorsion ou encore le travail forcé, ont été présentés aux jurés par l'accusation.
Pour le chef d'accusation de racket, Diddy est passible d'une peine de prison de 25 ans à la perpétuité.
A en croire ses avocats, si Sean Combs a bien été sujet à des épisodes de toxicomanie et de violences domestiques, sans parler de ses goûts sexuels atypiques, il n'est aucunement coupable des crimes qui lui sont reprochés par les autorités fédérales. Dans sa plaidoirie, l'avocat principal de Diddy, Marc Agnifilo, a affirmé au jury que les procureurs avaient transformé le mode de vie «échangiste» du magnat en une histoire de trafic «terriblement exagérée».
La sympathie que Diddy a pu susciter auprès du jury aura donc également un impact décisif. Décrit à la barre comme un «cocu bi-curieux», il suffirait qu'un juré partageant son penchant pour le sexe ou son orientation sexuelle puisse éprouver de la sympathie pour lui.
Comme le rappelle l'avocate Julie Rendelman au magazine New York, il est toutefois ardu d'éviter une condamnation une fois que le jury s'est fait une opinion négative de l'accusé.
Sur ce point, les images de vidéosurveillance exposant Diddy en train de battre Cassie, dans un hôtel de Los Angeles en 2016, diffusée aux jurés des dizaines de fois tout au long du procès, risquent de compliquer les efforts de son équipe judiciaire d'en faire une figure empathique.
Reste que la défense espère toujours un acquittement complet. Pour ça, elle n'a besoin que d'un seul juré pour soutenir Diddy. Si le procès se termine par un désaccord entre les douze jurés sur le verdict, un non-lieu pourrait être prononcé, ouvrant la porte à un nouveau jugement.
Un scénario à l'avantage de Sean Combs encore totalement envisageable pour l'ancien procureur Mark Chutkow dans Forbes, et qui permettrait à ses avocats de rechercher d'éventuelles incohérences dans les témoignages des témoins, entre le premier et le deuxième procès.
Alors que les experts formulent leurs hypothèses et que tous les pronostics sont ouverts, une chose est sûre, rappelle le magazine Billboard. Ce procès sera la seule chance pour les procureurs de «coincer» Diddy.
En supposant qu'il soit acquitté des cinq chefs d'accusation portés contre lui, le magnat serait non seulement immédiatement libéré du centre de détention provisoire où il est détenu depuis son arrestation, en septembre 2024 - mais surtout, Diddy serait officiellement tiré d'affaire. Sans aucune possibilité pour le gouvernement de faire appel.