Que celui qui n'a jamais tracé quelques mots dans le sable ou formé des mots avec des coquillages trouvés sur la plage me lance la première pierre (ou coquillage, si vous préférez). Plus rares, en revanche, sont ceux à avoir utilisé cette méthode pour formuler des messages cryptés... voire des «menaces de mort».
L'histoire ne dit pas si James Comey, ancien patron du FBI de 2013 à 2017 reconverti dans l'écriture de polars, a posé lui-même les cailloux formant cette alignée de chiffres «8647» - ou si, comme il l'affirme, l'ancien fonctionnaire s'est contenté de photographier l'œuvre avant de la poster sur son compte Instagram.
Le résultat est le même. Quelques heures plus tard, l'administration Trump et toute la droite américaine tombait sur ce père de famille, désormais suspecté d'avoir proféré de graves menaces envers le président américain.
Il faut dire que le message est pour le moins... troublant. Dans les restaurants et le milieu du service, 86 est un chiffre courant pour signifier qu'il faut «se débarrasser», «bannir» quelque chose, ou encore interdire l'accès à un établissement. Mais il s'agit également d'un terme d'argot qui désigne le fait... de tuer quelqu'un.
Quant au chiffre 47, il évoque incontestablement le 47e président: Donald Trump.
Il n'en fallait évidemment pas plus pour que l'entourage de Donald Trump interprète cette image comme un appel explicite à tuer le chef d'Etat. Ce que l'intéressé a farouchement démenti dans un second post sur son profil.
Mais il était déjà trop tard.
Malheureusement pour lui, James Comey a un passif assez lourd avec l'actuel président américain. En 2017, Donald Trump l'évince sans ménagement de la prestigieuse agence qu'il dirigeait depuis quatre ans. La faute à une enquête de contre-espionnage ouverte par James Comey, afin de déterminer si des proches du président auraient pu se coordonner avec la Russie pour interférer avec l'élection de 2016.
A l'époque de ce limogeage, Donald Trump avait accusé James Comey d'avoir donné à la candidate démocrate Hillary Clinton «un laissez-passer pour de nombreuses mauvaises actions», en décidant de ne pas recommander de poursuites pénales pour son utilisation d'un serveur de messagerie privé pendant son mandat de secrétaire d'Etat. Sans oublier de calmer que ce limogeage était «un grand service rendu à ce pays».
Cette même enquête lui avait valu des critiques jusque dans le camp démocrate, puisque James Comey avait été accusé d'avoir aidé Trump à remporter l'élection présidentielle pour avoir ouvert la procédure sur les affaires de courrier électronique d'Hillary Clinton 11 jours seulement avant le jour du scrutin.
L'ancien directeur du FBI, de son côté, n'a pas non plus lésiné sur les saillies, critiquant la taille des mains ou encore le bronzage de Donald Trump, dans un livre plein de révélations sur son expérience avec le président.
Et comme la vengeance est un plat qui se mange froid, deux ans plus tard, en 2019, James Comey rejoignait un panel d'anciens responsables du FBI accusés de trahison par Donald Trump – un crime, rappelons-le, passible de la peine de mort dans le code pénal américain.
Vous comprenez mieux pourquoi le post Instagram de James Comey suscite un tel foin. L'une des premières à réagir est la «Barbie de glace» de Trump, la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem, qui a accusé l'ex-fonctionnaire sur X d'avoir appelé à l'assassinat.
Sans manquer d'ajouter que son département, le DHS, flanqué du Sercret Service, «enquêtaient sur cette menace et réagiraient de manière appropriée».
Même son de cloche du côté de l'actuel directeur du FBI, Kash Patel, qui a affirmé que son agence «fournirait tout le soutien nécessaire» dans le cadre de l'enquête. La directrice du renseignement national, Tulsi Gabbard, pour sa part, a lâché sur Fox News que James Comey devrait être emprisonné pour cette attaque «éhontée».
«Le leadership américain a été restauré et la paix se profile à l'horizon. Ce qui a laissé l'Etat profond désespéré et dangereux; Comey n'est que le dernier exemple, et le plus inquiétant, de ses attaques par menaces de violence», poursuit le vice-chef de cabinet de la Maison-Blanche.
«Nous sommes au courant des publications de l'ancien directeur du FBI sur les réseaux sociaux et nous prenons ce genre de discours très au sérieux», a confirmé Anthony Guglielmi, un porte-parole du Secret Service, également sur les réseaux sociaux.
Quand d'autres ont tout simplement laissé entendre qu’ils pourraient faire justice eux-mêmes pour Trump, ciblé par au moins deux tentatives d'assassinat l'an dernier. «Je ferais une descente dans sa putain de maison», a craché l'ancien co-directeur de campagne de Trump, Chris LaCivita, sur X.
Les bases juridiques sur lesquelles le FBI ou le département de la Sécurité intérieure pourraient enquêter sur James Comey ne sont pas encore très claires, étant donné qu'il n'est pas illégal de prendre des photos de formations de coquillages - même celles qui contiennent un message offensant ou vaguement menaçant - pour les publier sur les réseaux sociaux. Selon le Washington Post, ce type d'activité est protégé par le premier amendement.
Ceci dit, par les temps qui courent, ce n'est pas tellement la Constitution qui gêne les proches de Donald Trump, pour protéger les intérêts de leur président.