Ce pays est la nouvelle plaque tournante de la drogue au Moyen-Orient
Le Yémen devient le nouveau centre de production et de trafic de drogue au Moyen-Orient. Le pays prend ainsi la place de la Syrie, qui dominait le marché avant la chute de Bachar al Assad, il y a un an.
Depuis la chute du dirigeant syrien, les enquêteurs au Yémen ont saisi plus de cinq millions de comprimés de Captagon, une drogue de synthèse illicite, pour une valeur marchande dépassant les 100 millions de dollars.
Une drogue très répande au Moyen-Orient
Depuis des années, le conflit entre le gouvernement reconnu par la communauté internationale et les rebelles houthistes soutenus par l’Iran facilite le commerce de drogue, tout en étant alimenté par ce dernier. Des experts de l’ONU accusent les Houthistes de financer leur effort de guerre grâce au trafic de captagon.
Le Captagon a été mis au point dans les années 1960 en Allemagne et constitue aujourd’hui une drogue festive très répandue dans les pays arabes. L’Arabie saoudite en est le plus grand marché régional. L’Agence mondiale antidopage Wada soutient la lutte contre cette drogue au Yémen, car le Captagon sert aussi de produit dopant dans le sport.
De nouveaux laboratoires découverts
Des producteurs de stupéfiants sont en train d’implanter des usines au Yémen, a indiqué le major Murad al Radwany, d’Interpol, au Yémen. Des enquêteurs auraient ainsi découvert une usine toute neuve équipée de matériel moderne. Selon ces informations, des spécialistes syriens et iraniens de la production de drogue ont été arrêtés.
Le gouvernement d’Assad avait gagné des milliards en exportant du Captagon depuis la Syrie vers les pays arabes. Les gouvernements arabes et occidentaux exigent désormais de la nouvelle direction à Damas qu’elle stoppe la production de stupéfiants. Rien qu’en octobre, des agents syriens ont trouvé environ douze millions de comprimés de Captagon. Chacun d’eux coûterait jusqu’à 25 dollars en Arabie saoudite.
Les producteurs de drogue n’ont toutefois pas découvert le Yémen seulement après la chute de Bachar al Assad. Il y a déjà deux ans, le journal saoudien Aschark al Awsat rapportait que les Houthistes s’étaient procuré la technologie nécessaire à la construction de laboratoires de drogue.
La production de Captagon aurait entre-temps commencé dans les zones contrôlées par les Houthistes, avait expliqué le gouvernement yéménite il y a quelques mois. Il existe des indices selon lesquels le Yémen «deviendrait le nouveau centre de production de Captagon», écrivaient Natalie Ecanow et Bridget Toomey, du think tank américain FDD, dans la revue The National Interest.
Contrebande par le désert et par la mer
Le pays en guerre civile se prête particulièrement à cette activité illicite. Le Yémen est depuis des années divisé entre une zone contrôlée par le gouvernement soutenu par l’Arabie saoudite et une zone tenue par les Houthistes. Les trafiquants profitent aussi de la géographie du pays, car la frontière de 1300 kilomètres entre le Yémen et l’Arabie saoudite traverse par endroits des régions désertiques presque impossibles à surveiller.
Les eaux entourant le Yémen servent elles aussi au transport de drogue. Selon le gouvernement, les garde-côtes yéménites ont découvert, lors du contrôle de navires suspects, non seulement du Captagon, mais aussi du cannabis et de l’héroïne.
Depuis la chute de Bachar al Assad, le Yémen devient de plus en plus important pour le commerce régional de drogue. L’an dernier, environ 400 000 comprimés de Captagon provenant du Yémen auraient été saisis, estime le New Lines Institute, un think tank américain qui tient une base de données. Cette année, en seulement neuf mois, leur nombre s’élève déjà à environ 5,4 millions.
Selon ces informations, les autorités saoudiennes sont tombées depuis le début de l’année sur quatre cargaisons de Captagon qui devaient être introduites clandestinement à travers la frontière depuis le Yémen, soit quatre fois plus que durant toute l’année précédente. Le gouvernement yéménite accuse en outre les Houthistes de faire venir de grandes quantités de cocaïne d’Amérique du Sud afin de revendre ensuite la drogue avec bénéfice.
Les Houthistes nient toute participation au trafic
Le rôle des rebelles et de l’Iran demeure toutefois controversé. Murad al Radwany explique:
Des experts de l’ONU avaient également reproché l’an dernier aux Houthistes de financer leur guerre contre le gouvernement yéménite et leurs attaques de missiles contre Israël grâce à ce trafic.
L’Iran et les Houthistes rejettent ces accusations. Les rebelles affirment lutter eux-mêmes contre les stupéfiants et déclarent avoir découvert puis détruit des tonnes de drogue lors de leurs opérations.
Les circonstances suggèrent toutefois une implication des Houthistes au moins dans certains cas. En juin dernier, des agents yéménites avaient arrêté un camion qui quittait le territoire contrôlé par les Houthistes en direction de la frontière saoudienne. Quelque 1,5 million de comprimés de Captagon étaient dissimulés dans le toit du véhicule.
Traduit de l'allemand par Joel Espi
