International
Etats-Unis

Droits de douane punitifs: Trump est-il en train de bluffer?

Trump Bluff Handelskrieg Strafzölle
Image: Shutterstock/Keystone

Trump joue au poker avec l'économie mondiale

Les droits de douane annoncés par Donald Trump pourraient avoir des conséquences dévastatrices sur l'économie mondiale. Mais la vraie question reste: sont-ils vraiment destinés à être mis en œuvre?
01.12.2024, 07:05
Philipp Löpfe
Philipp Löpfe
Plus de «International»

Vers la fin de son premier mandat, Donald Trump a menacé l'UE de droits de douane punitifs. Le président de la Commission de l'époque, Jean-Claude Juncker, a donc immédiatement promis au président américain que l'UE importerait en masse du soja et du gaz liquide américains. Trump a alors renoncé à ses droits de douane et a annoncé une victoire dans la guerre commerciale contre l'Europe. Mais ce qu'il n'a pas dit, c'est que Jean-Claude Juncker ne pouvait pas tenir sa promesse, car il n'avait pas les pouvoirs nécessaires pour le faire.

"Habe mich selber nicht oft genug in der Schweiz ge�ussert": der fr�here EU-Kommissionspr�sident Jean-Claude Juncker. (Archivbild)
Jean-Claude Juncker, ex-président de la Commission européenne.Image: sda

Au cours de son premier mandat, Donald Trump a également promis de modifier fondamentalement le traité de libre-échange existant entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Son ministre de l'Agriculture de l'époque, Sonny Perdue, et son ministre du Commerce de l'époque, Wilbur Ross, lui ont toutefois expliqué quelles seraient les conséquences concrètes pour l'économie américaine. Le milliardaire a alors très rapidement revu ses objectifs. A l'exception d'un changement de nom de l'ALENA en USMCA, tout est donc resté plus ou moins en l'état.

Donald Trump a transformé la devise légendaire du président américain Theodore Roosevelt pour qu'elle aille dans son sens. Il a transformé «Parle à voix basse, mais porte un gros gourdin avec toi» en:

«Parle à voix haute, mais brandis le gourdin des droits de douane punitifs»

Le président élu s'autoproclame «taxman» et répète aussi souvent que possible que les «droits de douane» sont son mot préféré.

Avant même d'être entré en fonction, il a déjà annoncé des droits de douane punitifs généraux de 25% contre ses principaux partenaires commerciaux, le Canada et le Mexique. Les importations en provenance de Chine seront taxées de 10% supplémentaires, en plus des droits de douane punitifs déjà existants.

Une question se pose: Donald Trump peut-il décider de ces droits de douane de son propre chef? La réponse est en principe oui, car l'International Emergency Economic Power Act, une loi datant des années 1970, accorde au président un pouvoir important en matière de droits de douane.

Des objectifs économiques ambitieux

Mais dans le cas du Canada et du Mexique, une autre question se pose: Trump ne violerait-il pas un traité qu’il a lui-même signé, l’USMCA, en vigueur jusqu’en 2026? Peu importe, diront certains, car Trump n’est pas connu pour son respect des subtilités juridiques.

Trump ne cache pas ses grandes aspirations économiques. Son programme, surnommé «stratégie 3-3-3», vise trois objectifs majeurs:

  • 3% de croissance économique par an, un objectif ambitieux pour le PIB.
  • 3 millions de barils de pétrole supplémentaires par jour, issus des ressources nationales.
  • Réduire le déficit budgétaire annuel à 3% du PIB.

Mais ces ambitions sont-elles réalistes si Trump continue d’irriter ses principaux partenaires commerciaux?

Le Mexique est aujourd’hui le plus grand partenaire commercial des Etats-Unis. En 2023, les échanges de biens et services entre les deux pays ont atteint 800 milliards de dollars. Rien que pour le secteur automobile, les Etats-Unis ont importé pour 70 milliards de dollars de pièces détachées depuis le Mexique. Imposer une taxe de 25% sur ces produits pourrait asphyxier l’industrie. Ce n’est pas un hasard si, après l’annonce de Trump, les actions de Ford et General Motors ont respectivement chuté de 2,6% et 9%.

epa11740024 Mexican President Claudia Sheinbaum gestures during her morning press conference at the National Palace in Mexico City, Mexico, 25 November 2024. Mexican President Sheinbaum congratulated  ...
Claudia Sheinbaum, présidente du Mexique.Image: keystone

Les importations en provenance du Mexique et du Canada ne se limitent pas à l’industrie: environ la moitié des légumes consommés aux Etats-Unis en proviennent. De même, malgré leur statut d’exportateur net de pétrole, les Etats-Unis continuent d’importer 8,3 millions de barils de produits pétroliers par jour du Canada.

Les conséquences ne se feraient pas attendre sur l’emploi américain: 400 000 postes pourraient disparaître, selon le ministre mexicain de l’Economie, Marcelo Ebrard.

Donald Trump bluffe

De nombreux indices laissent donc à penser que Trump joue une fois de plus au poker menteur. Peu après avoir annoncé ces mesures, il a eu un entretien téléphonique avec Claudia Sheinbaum, nouvelle présidente du Mexique. Il a ensuite qualifié leur discussion de «merveilleuse», ajoutant que des progrès avaient déjà été réalisés sur les dossiers épineux de l’immigration et du trafic de fentanyl.

Sheinbaum, de son côté, a adopté une position bien plus prudente, appelant au dialogue sans s’aventurer dans l’escalade.

Dans son futur cabinet, Trump a nommé plusieurs figures modérées à des postes clés. Scott Bessent, désigné ministre des Finances, est perçu comme un conservateur prudent, favorable aux droits de douane, mais partisan d’une application progressive. Kevin Hassett, futur conseiller économique, est également considéré comme modéré. Même Robert Lighthizer, farouche partisan du nationalisme économique, est vu comme un expert compétent.

FILE - Investor Scott Bessent speaks on the economy in Asheville, N.C., Aug. 14, 2024. (AP Photo/Matt Kelley, File)
Le ministre des Finances désigné Scott Bessent.Image: keystone

Malgré ces signaux apaisants, certains redoutent un scénario où Trump irait au bout de ses menaces, soutenu par un entourage plus radical. Elon Musk, par exemple, a prévenu que la mise en œuvre des réformes protectionnistes de Trump entraînerait des «douleurs initiales» pour l’économie.

Pour Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, l’Europe doit prendre Trump au sérieux.

«Si les Etats-Unis imposent des droits de douane à l’Europe, nous devons négocier plutôt que riposter»

Car une guerre commerciale ouverte ne ferait, selon elle, que des perdants.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

Retour en images sur la course à la Maison-Blanche:
1 / 26
Retour en images sur la course à la Maison-Blanche:
source: sda / cristobal herrera-ulashkevich
partager sur Facebookpartager sur X
Un repris de justice signe un retour historique à la Maison-Blanche
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Dodik, le chef recherché des Serbes de Bosnie, dit être à Moscou
Sous le coup d’un mandat d’arrêt international, le chef des Serbes de Bosnie Milorad Dodik a annoncé sur la plateforme X être arrivé à Moscou.

Le chef politique des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, recherché par la justice de son pays pour attaque contre l'ordre constitutionnel, a affirmé lundi être arrivé à Moscou, dans une vidéo filmée devant la tombe du Soldat inconnu et diffusée sur X.

L’article