Sur la route qui les mène à leur adresse de Pacific Palisades, ce jeudi, les tripes de Steve Bellitti, de sa femme Colleen et de leur fille de 22 ans, Isabel, se tordent de douleur. Les mains agrippées les unes aux autres, ils prient en silence. Mais ils ont peu d'espoir de retrouver leur maison indemne.
En chemin, partout où ils posent les yeux, tout n'est que destruction. Ce qui faisait leur quotidien a été réduit à l'état ruines fumantes - du lycée du coin, le Palisades Charter High School, à la bibliothèque publique, en passant par deux grands magasins d'alimentation, des banques et plusieurs boutiques du centre-ville.
Sans parler des maisons du voisinage. Des deux côtés de la route qui mène au cœur de Palisades, des pâtés de demeures et de bungalows de style Mission Revival sont calcinées. Il reste ici ou là qu'une balustrade en fer forgé, enroulée autour de la charpente fumante ou quelques vestiges d'une vie domestique tranquille. Une table de jardin intacte, entourée de chaises miraculées. Les ressorts d'un matelas. Une poussette. Un livre à moitié consumé.
Comme tant d'autres résidents de cette enclave balnéaire autrefois bénie des dieux, les Bellitti ont été sommés d'abandonner leur foyer, mardi, alors que le vent commençait à souffler de «façon menaçante» et que le ciel se teintait de brun. Puis de noir.
Bon nombre d'habitants avaient alors haussé les sourcils face aux appels des autorités à évacuer. Persuadés que ce feu-là ne poserait pas problème - à l'instar de celui qui, une semaine plus tôt, s'était déclaré vers 1h30 du matin, le jour du Nouvel An, sur une crête voisine. L'incendie s'était propagé sur huit hectares, avant d'être maîtrisé par les pompiers de Los Angeles.
A mesure que les Bellitti se rapprochent de leur quartier, leur angoisse grandit.
Et puis, enfin, au coin de la rue, la voilà. Vaillante. Intacte. Leur maison depuis 21 ans. «C'est un miracle», souffle Colleen Bellitti, qui travaille dans l'immobilier, auprès du Times. «Un mélange d'émotions», décrit à grande-peine son mari, Steve, 57 ans, au quotidien, en observant le quartier détruit. De l'autre côté de la rue, les maisons de leurs amis proches ont totalement brûlé.
Les Bellitti font partie des rares chanceux dont le domicile, les biens et les souvenirs ont été épargnés. Le feu n'a pas suivi de schéma ni de trajectoire précise. Parfois, une maison a été calcinée jusqu'à ses fondations, quand la propriété voisine est à peine touchée. La différence repose peut-être dans le changement rapide de direction des vents.
Désormais, pour les Bellitti, il s'agit de mettre rapidement au travail. Aider les voisins sinistrés. Courir dans tous les sens, seaux à la main, pour arroser les arbustes fumants. Face aux restes calcinés des maisons plus loin dans la rue, Coleen Bellitti s'arrête un instant et essuie une larme.
Peu de voisins de Pacific Palisades ont eu leur chance. Il y a quelques exceptions. Parmi eux, Sheila Silber, une agente de probation à la retraite de 79 ans. Ou encore un célèbre voisin, Tom Hanks, dont la maison est passée à un cheveu du grand incendie, comme le montrent des images publiées jeudi par le tabloïd Page Six.
Alors qu'environ 30 000 hectares ont déjà été ravagés et que les dégâts sont déjà estimés entre 52 et 57 milliards de dollars, pour Pacific Palisades et les autres zones du comté de Los Angeles touchées, l'heure n'est pas encore à la reconstruction. Plutôt à l'attente, pétrifiée, pendant que cinq incendies continuent de semer l'horreur et la destruction.