Des gardes nationaux armés, postés à des points névralgiques des grandes villes américaines: une image à laquelle les habitants des Etats-Unis devront peut-être s'habituer.
Déjà présents à Washington, le président Donald Trump souhaiterait aussi les envoyer dans des métropoles comme Chicago (Illinois) ou Baltimore (Maryland). C’est ce qu’ont rapporté plusieurs médias américains ce week-end. Donald Trump n’a pas démenti. Au contraire, il s'en est pris en ligne au gouverneur du Maryland et au maire de Chicago.
Juridiquement, ces projets reposent, toutefois, sur des bases fragiles. Contrairement à Washington, un district fédéral directement placé sous l’autorité du Congrès, le président ne peut mobiliser la Garde nationale d’Illinois ou du Maryland qu’en cas «d’urgence nationale». En temps normal, ces troupes dépendent du gouverneur de leur Etat. Brandon Johnson, le maire de Chicago, a déclaré:
Donald Trump soutient toutefois qu’il lui revient, et à lui seul, de déclarer l'urgence nationale. Il invoque les taux de criminalité élevés à Chicago et à Baltimore pour justifier un déploiement. Mais cette interprétation n’est partagée ni par les juristes ni par la plupart des experts. Une affaire actuellement jugée en Californie, sur l'envoi de la Garde nationale à Los Angeles en juin et juillet, pourrait prochainement apporter des réponses.
On ignore quelle serait la mission des gardes nationaux à Chicago ou Baltimore. A Washington, les quelque 2200 soldats ont peu à faire: ils posent pour des photos avec des touristes, ramassent des déchets ou patrouillent le long du National Mall et des musées. Rien n’indique pour l’heure une coopération étroite avec la police fédérale et l’agence ICE qui traque les sans-papiers. Comme l’armée n’a pas le droit d’intervenir dans les enquêtes criminelles, les gardes nationaux ne peuvent pas procéder à des arrestations au sens classique.
Cela semble importer peu à Donald Trump. Pour lui, la Garde nationale sert avant tout de démonstration de force politique. Il cherche à mettre au pas les autorités locales jugées récalcitrantes et à envoyer à ses électeurs le signal qu’il est prêt, si nécessaire, à emprunter des voies non conventionnelles dans la lutte contre la criminalité.
En dehors de Washington, cependant, cet objectif ne pourrait être atteint qu’à condition de coordonner l’action de la police et de l’armée. Dans la capitale, Donald Trump a pu placer la police municipale sous l’autorité du ministère de la Justice. Mais une telle manœuvre serait impossible à Chicago ou à Baltimore.
Reste que le constat de départ n’est pas entièrement faux: la criminalité reste très élevée dans nombre de grandes villes américaines. A Chicago, troisième métropole du pays, 262 personnes ont été assassinées depuis le début de l’année. C’est moins que l’an dernier (387 homicides entre le 1er janvier et le 23 août), mais cela reste un chiffre effrayant pour une ville de 2,7 millions d’habitants. A titre de comparaison, Toronto, au Canada, de taille similaire, n’a recensé que 27 homicides depuis janvier.
A Washington, la présence des gardes nationaux suscite des réactions partagées. Beaucoup d’habitants se disent gênés par la présence de troupes qui ne connaissent pas les réalités locales. Les touristes, eux, semblent peu affectés par le fait d’être accueillis par des soldats armés devant la gare Centrale.
Il faut dire que les médias conservateurs entretiennent depuis longtemps une image déformée de la capitale. Pourtant, la règle à Washington est la même que dans toutes les grandes villes américaines: éviter les risques inutiles et rester prudent lorsqu’on s’y promène tard le soir.