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Dans ce domaine, la famille royale fait pire que la Corée du Nord

Pall bearers carry the coffin of Queen Elizabeth II with the Imperial State Crown resting on top into St. George's Chapel, in Windsor, England, Monday Sept. 19, 2022, for the committal service fo ...
Pour préserver son mythe, la monarchie britannique conserve jalousement le secret de ses archives.AP Pool Getty Images

Dans ce domaine, la famille royale fait pire que la Corée du Nord

En matière de transparence, la monarchie britannique ne fait pas mieux que la Chine, l'Iran ou la Corée du Nord.
22.02.2023, 18:5422.02.2023, 21:15
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S'il vous venait l'idée toute naturelle de consacrer une thèse à la généalogie des corgis d'Elizabeth II ou à la passion de Charles III pour les rosiers, n'espérez pas vous plonger dans les archives royales pour vous documenter.

Sur l'échelle de la censure, la royauté britannique régate aux côtés du régime nord-coréen de Kim-Jong Un. A la différence que, dans un Etat totalitaire, les règles de censure sont claires. Chez les Windsor, savoir qui a la main sur la conservation, la destruction ou la publication des documents demeure un mystère quasi absolu.

Pire que la Chine?

Son opacité est telle que la monarchie vient récemment d'être épinglée par une ONG garante de la liberté d'expression. Depuis cinquante ans, Index on Censorship, organisation basée à Londres, dénonce la censure pratiquée par les Etats à travers le monde. Mais pas seulement. Elle enquête aussi sur celles qui s'appliquent sur son sol, comme le prouve son dernier «rapport spécial», tout entier consacré à la Couronne. Autant dire que ses conclusions sont révélatrices.

«Le nombre de dossiers historiques sur la famille royale qui ne sont pas disponibles, et l'absurdité des raisons de refuser l'accès à certains d'entre eux, est stupéfiant»
Index on Censorship.

Parmi les dossiers historiques frappés du secret pour encore des décennies, peu de documents réellement «sensibles», au sens sécuritaire du terme. Vous trouverez autant de «souvenirs royaux» potentiellement embarrassants que de dossiers aux intitulés nébuleux («la Couronne royale et les montres de poche d'Allemagne»).

A propos de figure royale controversée...

Une institution à l'abri de la transparence

Au Royaume-Uni, les archives de la monarchie ne sont pas considérées comme publiques. Libre à la famille royale de les publier ou non. Légalement, rien ne l'y oblige. Il n'existe pas non plus d'inventaire public qui répertorie ces documents. «En Amérique, il incombe au gouvernement de justifier la fermeture, alors qu'au Royaume-Uni, c'est le contraire», explique l'historien Andrew Lownie au Daily Beast.

«Au Royaume-Uni, il règne une culture de la prudence et du secret»
Andrew Lownie, historien.

A l'instar des services secrets britanniques, les dossiers royaux sont exempts de toutes les législations sur la liberté d'information. Seule différence: les historiens les plus patients peuvent toujours espérer que certains documents d'espionnage finissent aux archives nationales, au bout de quelques années.

Le gouvernement britannique a fait lui-même de gros efforts en matière de transparence. La période pendant laquelle les archives publiques peuvent être tenues secrètes est passée de 50 à 20 ans. La monarchie, elle, n'a pas fait la moindre concession.

«Le gouvernement enveloppe la famille royale dans le secret, afin de la protéger des critiques»
Rob Evans, journaliste au Guardian,
à l'Index on Censorship.

En 2000, au moment de l'adoption d'une nouvelle loi sur la liberté d'information, la monarchie a carrément bénéficié d'une clause d'exception. Un privilège qui lui permet de contrôler son propre récit et dont elle compte encore faire usage encore longtemps. La preuve: en 2022, le testament du prince Philip a été scellé pour les 90 prochaines années.

«Son secret obsessionnel, combiné à la durée du règne de la reine Elizabeth II, signifie que nous n'avons probablement pas une idée plus précise de la façon dont la monarchie a fonctionné de notre vivant, que nos grands-parents et arrière-grands-parents de la leur.»
L'historien Philip Murphy, dans un essai Queen Elizabeth and the Commonwealth: Time to Open the Archives.

Un défi pour les historiens

Comble de l'horreur, les royals peuvent effacer à l'envi toutes les archives compromettantes susceptibles d'écorner leur réputation. Dans les sombres recoins du château de Windsor, beaucoup d'archives ont été perdues, dissimulées, voire détruites.

Certains fidèles valets royaux auraient eu recours à un véritable processus de «vandalisme historique». Quand le massacre n'était pas réalisé par les membres de la famille royale eux-mêmes: Lord Louis Mountbatten a mené des «razzias» à travers l'Europe d'après-guerre à la quête de documents sur les Windsor. Quant à la princesse Margaret, la soeur d'Elizabeth II, on dit qu'elle a alimenté des feux de joie avec les papiers de sa mère.

«La famille royale est le véritable ennemi de l'histoire»
Rory Cormac, professeur à l'Université de Nottingham.

«La famille royale, et ceux qui les entourent, cherchent impitoyablement à réécrire l'histoire à leur propre avantage», fulmine un auteur au Daily Beast, qui a requis l'anonymat pour préserver ses relations avec Buckingham Palace. «La façon dont la famille royale gère ses affaires est d'une grande importance pour les historiens et, on peut le dire, pour la nation.»

«Ils ont géré leur passé avec une efficacité incroyable»
Rory Cormac, historien et co-auteur de The Secret Royals.

Obtenir des sources, mode d'emploi

Les plus patients peuvent contourner le barrage de la censure avec une demande d'accès directement formulée auprès de Buckingham Palace. Toutefois, impossible de savoir à qui on s'adresse: pour prendre contact, pas de numéro de téléphone ni adresse. Même les adresses e-mail sont anonymisées.

Les requêtes peuvent prendre des mois avant d'être traitées par les différents départements et «désherbeurs» (les personnes, généralement des fonctionnaires à la retraite, chargées de vérifier les documents avant une éventuelle publication). Priés d'être intransigeants en cas de doute, ces contrôleurs peuvent parfaitement rejeter une demande sans avoir à invoquer la moindre justification.

Pour les chercheurs les plus chanceux, ceux dont la requête est acceptée, les formalités sont drastiques: caméra interdite lors de la consultation du matériel et obligation absolue de détailler les fins pour lesquelles il a été utilisé.

Pour les malchanceux, pas de miracle. Sans accès aux documents, impossible de rendre compte précisément de certains événements historiques, condamnés à l'oubli. Le prince George en est témoin.

Le mystère du prince George VII
Dans certains cas, le fétiche royal pour le secret a laissé de sérieuses lacunes dans les archives historiques. On connait par exemple très peu de choses sur George VII, prince aussi fascinant que controversé: playboy invétéré, bisexuel assumé, ami des célébrités, l'oncle d'Elizabeth II est mort dans un accident d'avion en Ecosse en 1942, alors qu'il servait dans la RAF. Les circonstances du crash restent entourées de mystère, les notes de l'enquête ayant été égarées. Au début des années 2000, un chroniqueur royal s'est lancé dans un projet de biographie. Son travail d'enquête s'est vite retrouvé entravé par le manque d'informations dans le dossier officiel. Lequel, selon lui, avait de toute évidence été «désherbé». Depuis, il a abandonné l'idée d'écrire l'histoire complète du prince George. La vie de ce royal reste largement inconnue.

La fin de l'omerta?

Cette manie du secret pourrait toutefois enfin être mise à mal par une nouvelle alliance de journalistes et d'historiens, plus motivés que jamais à briser l'omerta. Talon d'Achille du secret royal? Le passé colonial du Royaume-Uni.

Selon l'Index On Censorship, il sera délicat pour le Palais de maintenir son récit d'une transition réussie de l'Empire au Commonwealth sans autoriser l'accès aux preuves documentaires pour le prouver.

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