Mardi, sur les chaînes de télévision TF1 et France 2, Michel Barnier, dont le gouvernement menace de tomber ces prochaines jours à l'Assemblée nationale, a jugé «possible un réflexe de responsabilité où, au-delà des différences politiques, on se dise qu'il y a un intérêt supérieur, l'intérêt national».
Le président du Sénat Gérard Larcher a appelé de son côté au «sursaut» des députés pour «dépasser les rancoeurs».
Emmanuel Macron a affirmé de son côté qu'il ne pouvait «pas croire au vote d'une censure». Il a dénoncé un «cynisme insoutenable» du RN et une «perte de repères complète» des socialistes. En marge d'une visite en Arabie saoudite, il a déclaré:
Le chef de l'Etat a en outre balayé les appels à sa démission de la part de ses opposants. Il était resté jusque-là muet en public sur cette crise qui pourrait l'obliger à se chercher un nouveau Premier ministre, alors qu'il n'a pas de majorité à l'Assemblée.
Lundi, Michel Barnier a engagé la responsabilité de l'exécutif en faisant adopter sans vote, comme le prévoit un article de la Constitution, le budget de la Sécurité sociale, exposant son gouvernement à une motion de censure tout en assurant avoir été «au bout du dialogue» avec les groupes politiques.
Sauf retournement spectaculaire, la motion a toutes les chances d'être approuvée, la gauche et l'extrême droite ayant annoncé qu'ils la voteraient. Le débat aura lieu à 16h00 et le premier résultat est attendu vers 20h00, selon plusieurs sources parlementaires.
L'adoption par l'Assemblée nationale d'une telle motion serait une première en France depuis 1962. Le gouvernement Barnier deviendrait alors le plus éphémère de l'histoire de la Ve République.
En s'inscrivant «dans la continuité catastrophique» de Macron, Michel Barnier «ne pouvait qu'échouer», a réagi dans la soirée Marine Le Pen. «La chute de Barnier est actée», a estimé quant à elle la cheffe des députés de la formation de gauche radicale La France Insoumise (LFI), Mathilde Panot.
Nommé le 5 septembre par Emmanuel Macron pour trouver une sortie de crise après une dissolution parlementaire et des élections aux résultats désastreux pour sa majorité en juillet, le dirigeant de centre droit de 73 ans aura tenu trois mois grâce au «soutien sans participation du RN», le parti d'extrême droite du Rassemblement national.
Alors que la France voit son déficit public déraper, l'ancien commissaire européen et négociateur de l'UE pour le Brexit est sous le feu croisé des oppositions qui rejettent les efforts d'austérité demandés en 2025 et accusent, pour la gauche, Emmanuel Macron d'avoir fait trop de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux entreprises.
Michel Barnier a multiplié les concessions pour amadouer l'extrême droite, acceptant par exemple de surseoir à la baisse du déremboursement des médicaments, mais cela n'a pas suffi.
Il a affirmé mardi soir que la cheffe de file de l'extrême droite, Marine Le Pen, était «dans une sorte de surenchère». «Censurer ce budget est, hélas, la seule manière que nous donne la Constitution pour protéger les Français d'un budget dangereux, injuste et punitif», a assuré de son côté Marine Le Pen sur le réseau social X.
Voter la censure, «c'est notre devoir», a estimé le député RN Jean-Philippe Tanguy, alors que le manque d'argent public aiguise la contestation sociale.
Mardi, les ministres se sont succédé sur les radios et télévisions pour agiter le risque du «chaos». «C'est le pays qu'on met en danger», s'est inquiété le ministre de l'Economie Antoine Armand. «Est-ce qu'on veut vraiment le chaos ? Est-ce qu'on veut une crise économique qui touchera les plus fragiles?», a lancé le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau.
La Bourse de Paris a terminé en petite hausse mardi, les investisseurs se focalisant sur les avantages d'un statu quo budgétaire en cas de censure.
Si l'exécutif tombait, la France s'enfoncerait encore plus dans la crise politique née de la dissolution de l'Assemblée en juin, avec en outre le risque de voir les taux d'emprunt de la France augmenter encore.
Le pays enregistre cette année un sérieux dérapage de son déficit public, attendu à 6,1% du PIB, et ne prévoit de parvenir à respecter à nouveau la règle européenne des 3% qu'en 2029.
«La situation est difficile sur le plan budgétaire» et «très difficile sur le plan économique et social», la censure «rendra tout plus difficile et plus grave», a mis en garde Michel Barnier devant l'Assemblée.
(ats)