L'Assemblée nationale française a commencé à débattre mercredi après-midi à Paris d'une censure du gouvernement de centre droit de Michel Barnier. Le couperet est tombé vers 20h30: celle-ci a été acceptée par l'Assemblée nationale.
Après trois heures et demie de débats très agités dans un hémicycle comble, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun Pivet a annoncé que 331 députés ont voté la motion déposée par la gauche (alors que 288 voix étaient nécessaires) en réponse au 49.3 de Michel Barnier pour faire passer sans vote le projet de budget de la Sécurité sociale. En conséquence, le gouvernement de Michel Barnier n'est plus.
Les députés de gauche et du Rassemblement national ont conjointement adopté cette motion de censure. C'est la seconde fois dans la Ve République, après 1962, que le gouvernement est renversé par l'Assemblée nationale. La censure avais alors visé Georges Pompidou, Premier ministre du Général de Gaulle.
Michel Barnier présentera formellement sa démission jeudi matin. Le président français Emmanuel Macron «s'adressera aux Français» dans une allocution jeudi à 20h00. L'entourage du chef de l'Etat n'a pas fourni de précisions sur le moment auquel un nouveau Premier ministre serait nommé.
Trois mois seulement après sa nomination, conformément à la Constitution, Michel Barnier devra remettre immédiatement sa démission à Emmanuel Macron, tout juste de retour d'une visite d'Etat en Arabie saoudite.
Pour ses dernières paroles de Premier ministre, Michel Barnier, 73 ans, avait appelé chaque député à la «responsabilité» dans un «moment de vérité».
La «réalité budgétaire ne disparaîtra pas par l'enchantement d'une motion de censure», a-t-il déclaré, visiblement résigné, devant un hémicycle redevenu grave après des moments d'agitation.
En défense de la motion de censure, Eric Coquerel (LFI) a tancé l'«illégitimité» d'un gouvernement ne reflétant pas le résultat des législatives, et refusant de revenir sur la réforme des retraites. Boris Vallaud, patron des députés PS, accusant Michel Barnier de s'être «enfermé dans un tête à tête humiliant» avec la leader du RN Marine Le Pen.
Malgré les nombreuses concessions obtenues dans la dernière ligne droite, la cheffe de file du groupe d'extrême droite a par ailleurs fustigé la politique proposée par le Premier ministre: «Vous n'avez apporté qu'une seule réponse, l'impôt».
A l'inverse les soutiens du gouvernement ont tiré à boulets rouges contre les députés censeurs. «Qui allez-vous condamner ? La France», a attaqué Gabriel Attal, patron des députés macronistes. Laurent Wauquiez, chef du groupe Les Républicains (LR) a tancé une «comédie d'une insoutenable légèreté» et accusé Marine Le Pen de «faire le choix du chaos».
Attendu à 6,1% du PIB en 2024, bien plus que les 4,4% prévus à l'automne 2023, le déficit public raterait son objectif de 5% en l'absence de budget, et l'incertitude politique pèserait sur le coût de la dette et la croissance.
Les regards qui s'étaient détournés de l'Élysée vont désormais se concentrer sur Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat pourrait choisir «rapidement» un Premier ministre, selon tous ses interlocuteurs. Un empressement inhabituel qui vise à limiter l'incertitude pesant sur les esprits et les marchés.
Côté casting, les noms du président du MoDem François Bayrou, du ministre des Armées Sébastien Lecornu ou du LR Xavier Bertrand circulent. Et l'équation Matignon semble toujours aussi complexe, avec l'impossibilité d'une dissolution et de nouvelles élections législatives avant sept mois.
Le fragile «socle commun» qui a soutenu le gouvernement sortant pourrait se fissurer sur «l'après». Laurent Wauquiez a déjà rappelé que la coalition de septembre «ne valait que pour Michel Barnier». Gabriel Attal propose lui un accord de «non censure» avec le PS pour échapper à la tutelle du RN. «Affranchissez-vous» de la France insoumise, a-t-il lancé dans l'hémicycle aux socialistes.
La gauche reste désunie sur l'avenir. Le PS voudrait «un gouvernement de gauche ouvert au compromis», que la droite et le centre s'engageraient à ne pas censurer, en échange d'un renoncement au 49.3. Mais LFI continue d'appeler à la démission d'Emmanuel Macron. Il «est aujourd'hui un obstacle, et en rien une solution», a insisté Eric Coquerel. Mardi, le chef de l'État a balayé ces appels, qui relèvent selon lui de «la politique fiction».
La petite musique résonne aussi sporadiquement dans d'autres camps, notamment chez des personnalités de droite. Marine Le Pen, quant à elle refuse, d'appeler à la démission au nom du «respect pour la fonction suprême».
(acu/ats)