Chargé par le président Emmanuel Macron de «constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays», Michel Barnier, ex-commissaire européen de 73 ans, se sait déjà en sursis et va devoir trouver les bons équilibres pour ne pas tomber à la première motion de censure.
L'ancien ministre a, selon son entourage, multiplié les appels téléphoniques avant même sa prise de fonction: des responsables de droite à l'ex-chef de l'Etat Nicolas Sarkozy ou aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Dès vendredi matin, il recevra à 9 heures son prédécesseur Gabriel Attal, puis les dirigeants de son propre parti de droite, Les Républicains (LR), pour examiner les conditions d'une participation à son futur gouvernement.
Certaines personnalités de gauche ont également été contactées et d'autres échanges devaient suivre, y compris avec les partis de gauche radicale La France insoumise (LFI) et d'extrême droite Rassemblement national (RN), car «il veut rassembler et respecter tout le monde». Le nouveau premier ministre a tendu des perches dès sa première prise de parole:
«Il s'agira de répondre, autant que nous le pourrons, aux défis, aux colères, aux souffrances, au sentiment d'abandon, d'injustice», a-t-il encore déclaré, en citant parmi ses priorités l'école, la sécurité, l'immigration, le travail et le pouvoir d'achat. Il a également promis de «dire la vérité sur la dette financière et écologique» de la France.
Doté d'une solide expérience en France comme à Bruxelles, Michel Barnier est réputé bon médiateur: il a été le négociateur de l'Union européenne lorsque le Royaume-Uni a quitté le bloc continental. Avant cela, il a été ministre à plusieurs reprises, notamment sous les présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy.
Il devra user de toutes ses qualités diplomatiques pour former un gouvernement susceptible de mettre fin à la plus grave crise politique de la Ve République. Le RN a d'ores et déjà annoncé qu'il ne participerait pas au gouvernement Barnier et a posé des conditions, alors que ses 126 députés détiennent la clé d'une éventuelle censure.
Idem pour la gauche, première force de l'Assemblée, qui réclamait le poste et a immédiatement fustigé un «premier ministre nommé avec la permission» de l'extrême droite.
Le chef de file de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a affirmé que l'élection avait été «volée aux Français», et cette nomination conforte sa démarche de destitution contre Emmanuel Macron, doublée d'appels à manifester samedi. Outre son parti, Michel Barnier pourra compter sur des membres de l'ex-majorité présidentielle, qui seront «nombreux à l'aider», selon l'un de ses prédécesseurs, Edouard Philippe.
Le groupe centriste Liot fait aussi montre de bonnes dispositions à l'égard de ce «politique avec une expérience forte», sous réserve que la composition du futur gouvernement et ses orientations marquent un changement de méthodes et de cap. Michel Barnier veut des ministres «solides, compétents et efficaces et aura la liberté de les choisir», selon son entourage.
Comme pour mieux marquer ses distances avec le chef de l'Etat, il n'a été prévu «ni rencontre ni dîner» jeudi soir entre les deux hommes. Qui devront pourtant reprendre langue rapidement pour valider le casting gouvernemental et boucler d'ici le 1er octobre un budget 2025 à haut risque. (ag/ats)