Un adepte de la mouvance complotiste des citoyens souverains, qui refuse de reconnaître l'Etat français et ses lois, a été condamné mardi à cinq mois de prison avec sursis à Dunkerque (nord) pour avoir refusé un contrôle de gendarmerie.
«Je reste sur ma position, je ne reconnais pas le jugement» a lancé cet homme de 53 ans se définissant comme «non-citoyen» en quittant la salle d'audience, à l'issue d'un procès aux débats invraisemblables.
Selon la théorie de la mouvance des citoyens souverains, l'Etat français n'existerait pas en tant qu'entité publique, mais serait en réalité une entreprise de droit privé créée en 1947.
La théorie des citoyens souverains, apparue dans les années 1970 aux Etats-Unis et depuis dix ans en France, défend l'idée que ses adeptes n'ont pas consenti à entrer en interaction avec cette entreprise, avec laquelle ils ne «contractent» pas et n'auraient donc pas besoin de se soumettre aux lois.
La vidéo de ce refus de contrôle par les gendarmes le 1ᵉʳ avril 2024, filmée par sa compagne de l'intérieur de la voiture, avait suscité la stupéfaction ou l'hilarité des internautes. On y voyait Pierre L. et sa conjointe refusant d'obtempérer aux forces de l'ordre, répétant «on ne contracte pas», avant que les gendarmes brisent la vitre du véhicule.
Pierre L., qui n'avait pas pris d'avocat pour assurer sa défense, a été condamné à 5 mois de prison avec sursis et 500 euros de dommages et intérêts pour refus de se soumettre aux vérifications du véhicule et du conducteur, au contrôle d'alcoolémie et de stupéfiants, défaut d'assurance et violences volontaires sur un militaire de la gendarmerie sans incapacité.
«Je n'ai pas à me soumettre à qui que ce soit, même pas à vous», a-t-il lancé au début de l'audience à la juge. Laquelle lui a patiemment répondu qu'il vivait «parmi les citoyens français», et donc qu'il devait se «soumettre aux mêmes règles que les autres».
«La direction générale de la gendarmerie nationale est enregistrée comme entreprise et pas comme société publique comme ils le disent. C'est pour ça que j'ai dit que je ne voulais pas contracter», s'est justifié le prévenu à la barre.
«Si la procureure reste là, ça veut dire qu'il n'y a pas de séparation des pouvoirs (...) donc plus de Constitution, donc je vous récuse», a encore déclaré le prévenu. Cette instance est là pour appliquer le droit et n'est «en aucun cas une tribune politique ou idéologique», a répliqué la procureure, qui avait requis une peine plus sévère, dix mois d'emprisonnement avec sursis.
Plutôt que de faire appel, il a dit vouloir déposer plainte contre le tribunal de Dunkerque (nord) et sa présidente auprès du «tribunal de Strasbourg» (est) et de la Cour européenne des droits de l'homme.
Pourquoi? Parce que «le tribunal de Strasbourg travaille avec la Common Law Court», croit savoir Pierre L., en faisant référence à une pseudo-juridiction internationale évoquée par certains «citoyens souverains».
Avant son procès, il avait aussi affirmé que ce ne serait pas lui en tant qu'«être vivant» qui serait jugé à Dunkerque, mais sa «personnalité juridique», qu'il a décrite comme étant une «marque déposée à l'Inpi» (réd: l'Institut national de la propriété intellectuelle) dont il serait «le mandataire exclusif».
Cet ancien entrepreneur, actuellement au chômage, a déclaré avoir découvert la théorie des citoyens souverains sur les réseaux sociaux fin 2022.
Apparue dans les années 1970 aux Etats-Unis, la mouvance des «citoyens souverains» a pris de l'ampleur en France avec le mouvement des Gilets jaunes, puis pendant la pandémie de Covid. En 2010, des Américains adeptes de ces théories et reprenant une rhétorique similaire avaient abattu deux policiers lors d'un contrôle routier dans l'Arkansas.