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Ce Suisse était dans la marche vers Gaza en Egypte et raconte

Frédéric Choffat était à la marche mondiale vers Gaza en Egypte et a vu des manifestants se faire fouetter
Des bédouins ont fouetté les manifestants pour la marche mondiale vers Gaza en EgypteFrédéric CHoffat

«Ils ont fouetté les manifestants»: ce Suisse a marché vers Gaza

Frédéric Choffat, réalisateur et photographe est de retour en Suisse après avoir a participé à la Marche mondiale vers Gaza. Il a réalisé un reportage sonore sur la marche retraçant son expérience en Egypte. Entretien.
28.06.2025, 19:0728.06.2025, 20:49
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Nous l'avions contacté la veille de son déplacement entre le Caire et la ville d'Ismaïla à 127 km à l'est de la capitale égyptienne. Frédéric Choffat, photographe genevois est de retour en Suisse après une dizaine de jours dans la capitale égyptienne. Que retient-il de cette marche mondiale vers Gaza rapidement réprimée par les autorités égyptiennes? Entretien.

Frédéric Choffat, nous nous sommes appelés avant que vous n'entamiez votre déplacement vers la ville d'Ismaïla à plus d'une centaine de kilomètres au nord est du Caire, que s'est-il passé dans les heures qui ont suivi notre coup de fil?
Notre objectif était d'aller en direction de la ville d'Ismaïla, mais très rapidement, les militants se sont fait coincer à un premier checkpoint. En fin de journée, j'ai décidé de le contourner en allant directement vers le checkpoint 2 qui était indiqué sur ma carte. A mon arrivée au checkpoint, on a saisi immédiatement mon passeport comme beaucoup d'autres participants à la marche.

Des manifestants propalestiniens entourés par la police égyptienne.
Des manifestants pacifistes bloqués à une checkpoint en Egypte.Frédéric Choffat

On peut dire que c'est un mauvais signe...
Oui, mais je précise qu'à mon arrivée au checkpoint, en fin de journée, l'ambiance était encore bon enfant. La foule était bigarrée, on retrouvait des dizaines de nationalités différentes et si je peux me permettre, cela ressemblait à une ambiance de festival, car nous étions heureux de nous voir. Après quelques heures, les forces de l'ordre égyptiennes ont nassé les manifestants. Nous étions littéralement encerclés par les policiers et nous ne pouvions plus bouger👇🏽

Vidéo: watson

Avez-vous été agressé par des policiers à ce checkpoint?
Non, pas par des policiers, c'est plus subtil que cela. Les policiers qui avaient des équipements de CRS ont fait monter la tension en resserrant les rangs.

«Tout à coup, j'ai vu les policiers qui laissaient passer des hommes. C'étaient des civils en habits de Bédouins et ils ont commencé à fouetter les manifestants.»
Un homme fouette les manifestants dans un checkpoint près de la ville d'Ismaïla en Egypte
Un homme fouette les manifestants dans un checkpoint près de la ville d'Ismaïla en EgypteFrédéric Choffat

Nous étions encerclés et le seul moment où les policiers s'écartaient, c'était pour laisser passer des hommes qui ont battu à coups de fouet les manifestants. Nous les avons vus descendre des bus, ils étaient amenés jusqu'au checkpoint pour punir les manifestants. Ces hommes avaient en regard de fous, ils étaient alcoolisés et semblaient drogués pour certains. Ils prenaient quelqu'un dans la foule et le frappaient.

Ces hommes ont donc frappé tous les manifestants?
Non, pas tout le monde. J'ai vu qu'ils ciblaient principalement les personnes racisées. Ils ont essayé d'épargner certains «blancs», si je peux m'exprimer ainsi.

«Je pense que le but était de nous faire peur et utiliser des civils était la meilleure façon pour la police, donc pour les autorités égyptiennes de ne pas se ‹salir les mains›»

Avant chaque attaque, on nous menaçait et on nous disait de rejoindre les bus qui allaient nous ramener au Caire. Certains manifestants se sont levés pour partir et d'autres ont décidé de rester aussi par solidarité avec ceux qui se faisaient battre. On est resté plusieurs heures, puis, peu à peu, l'étau s'est desserré et les policiers tout comme les casseurs se sont écartés. On a pu monter dans des bus, mais on ne savait pas s'ils allaient nous amener à l'aéroport ou nous lâcher en liberté. Le chauffeur a fini par nous déposer à un échangeur routier à 30 minutes de la capitale, au milieu de nulle part.

Vous relatez ces événements dans un reportage sonore qui sera diffusé dans l'émission La belle échappée de la RTS, pourquoi avez-vous souhaité en faire un reportage?
Tout d'abord, j'aimerais insister sur le fait que mon voyage en Egypte et ma participation à la marche n'avait pas de but professionnel. Comme je vous l'ai expliqué lors de notre premier entretien, je ne pouvais réfréner ce besoin d'agir face au génocide à Gaza et au massacre du peuple palestinien.

«L'inaction des autorités suisses me scandalise au plus haut point, il fallait que j'agisse»
«En Egypte, marcher au nom de l'humanité»
Frédéric Choffat a réalisé un reportage sonore intitulé «En Egypte, marcher au nom de l'humanité» avec la production de la Belle échappée sur RTS la première, l'émission est à retrouver le dimanche 29 juin à 17h.

En tant que photographe et réalisateur, je savais que je pouvais aussi être utile pour montrer ce qui se passait sur le terrain. J'ai produit le podcast avec l'équipe de La belle échappée et je pense qu'il est nécessaire d'avoir une trace de ces événements.

Quel regard avez-vous aujourd'hui sur cette marche mondiale?
Je pense que toute expérience est bonne à prendre. La marche a été interrompue par les autorités égyptiennes bien avant qu'elle ait commencé et c'est un fait.

«Mais ce qui m'importait c'était de faire partie de cet élan mondial, de ne pas rester avec ce sentiment d'impuissance»

Il fallait aussi d'attirer l'attention du public et des autorités sur ce scandale absolu qui est le massacre du peuple palestinien.

La Marche Mondiale vers Gaza a-t-elle atteint ses objectifs, selon vous?
Si par objectifs vous entendez un coup de projecteur sur la situation à Gaza, oui. Le but était bien entendu de pouvoir marcher jusqu'à la frontière avec la bande de Gaza, mais cela n'a malheureusement pas été possible, mais je le prends comme un enseignement. En Egypte, j'ai vite compris que la population soutenait les Palestiniens, mais qu'il leur était tout simplement impossible de manifester.

«Un Egyptien qui manifeste va directement en prison avec ce régime, tandis qu'un blanc avec une nationalité étrangère est au mieux renvoyé, au pire battu, mais il finit par rentrer chez lui»

J'ai entendu dire que l'ambassade de Suisse avait permis la libération de manifestants bloqués ou arrêtés par les autorités égyptiennes et je n'en doute pas. En tant que Suisse et «blanc», vous vous en sortez dans ce genre de situation.

Les Egyptiens que vous avez côtoyés ne vous ont pas reproché de vous immiscer dans leurs affaires?
Oui, un peu. Mes amis égyptiens m'ont demandé pourquoi je venais manifester dans leur pays alors qu'eux-mêmes ne pouvaient pas exprimer leur opinion à propos de la guerre à Gaza ou contre l'Etat égyptien.

«J'ai toujours pensé qu'attirer l'attention sur ce qui se passe à Gaza était nécessaire face à notre gouvernement qui reste inactif et qui ne condamne pas frontalement Israël. Plus que jamais, je pense que notre lutte est à faire dans notre propre pays pour que nos autorités soient mises face à leur complicité d'un Etat génocidaire.»

Garder en tête un objectif global, mais agir localement, cela est plus que jamais nécessaire.

Le dimanche 15 juin, alors que vous étiez encore en Egypte, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Bruxelles contre la guerre à Gaza et en solidarité avec le peuple palestinien, pensez-vous participer à l'une de ces marches en Europe cette fois?
Je ne sais pas, mais je pense que la lutte pour la justice doit continuer, coûte que coûte. Pour ma part, je voulais rester en Egypte un moment pour rencontrer des gens, aujourd'hui, je n'ai pas prévu de me lancer dans une démarche similaire, mais je ne cesserai de parler de Gaza. Je voulais aussi vous rendre attentive à la couverture médiatique sur Gaza. Lorsque la flottille a voyagé vers Israël, ce fut un coup de projecteur pour les Gazouis, j'ai cru voir une remise en question des Etats occidentaux tout comme des médias européens sur ce sujet, mais cela a duré quelques jours seulement. La guerre déclenchée par Israël en Iran a tout effacé d'un coup.

«De jour au lendemain, j'ai eu l'impression que l'attention de médias s'était totalement déplacée sur ce conflit et qu'ils avaient oublié Gaza»

Vous pensez que les médias ont oublié ce qui se passe actuellement dans la bande de Gaza?
Oui. J'ai l'impression qu'en terme global de couverture, l'attention autour de Gaza a disparu du jour au lendemain suite au déclenchement de la guerre israélienne vis-à-vis de l'Iran. Pour moi, c'est une stratégie d'Israël, c'est une surenchère pour «taper plus loin» pour éloigner le regard du génocide en cours. Nous n'oublierons pas ce qui est en train de se passer à Gaza et les Etats ainsi que les médias ont aussi leur rôle à jouer.

La guerre entre Israël et l'Iran en images
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source: sda / atef safadi
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