Son mari est retenu en Russie et cela crée un «dangereux précédent»
Margaryta Chabanova a fait le voyage de Kiev à Vienne pour rappeler aux 57 Etats participants de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) réunis en Conseil ministériel jeudi et vendredi que trois employés, dont son mari, sont détenus depuis trois ans et sept mois en Russie.
Avec ses collègues Maksim Petrov et Vadym Golda, Dmitri Chabanov, 38 ans aujourd'hui, a été arrêté dans les territoires ukrainiens occupés le 15 avril 2022, après le début de l'invasion russe.
Dans les rouages du système carcéral russe
Il a été condamné à 13 ans de détention en septembre de la même année et a été transféré en mars 2025 vers la Sibérie. L'OSCE, pour laquelle il œuvrait, a été formée en 1975 dans le but de favoriser le dialogue Est-Ouest.
Elle regroupe toujours à Vienne l'Europe, la Turquie, les anciennes Républiques de l'espace soviétique, la Mongolie, les Etats-Unis comme le Canada, et tient son 32e Conseil cette semaine.
Les employés arrêtés faisaient partie d'une mission d'observation déployée dans l'est de l'Ukraine en 2014 après des accords ayant permis de réduire l'intensité des affrontements qui avaient éclaté cette année-là entre les séparatistes soutenus par Moscou et les forces de Kiev.
Les équipes ont quitté en catastrophe les deux régions séparatistes de Donetsk et de Lougansk dans la foulée du déclenchement de l'offensive russe en Ukraine en février 2022. Puis la Russie a bloqué le renouvellement du déploiement.
Un «message glaçant»
Margaryta Chabanova, 36 ans, explique:
Son avocate, Eugenia Kapalkina, 40 ans, qui représente aussi les proches de Petrov, a fait le voyage avec elle jusqu'à la capitale autrichienne. Elle estime que cette détention prolongée «envoie un message glaçant». Elle ajoute:
Cela rend «impossible tout contrôle crédible dans les zones de conflit ou les territoires occupés» et «établit une pratique selon laquelle un Etat peut utiliser le personnel d'une organisation internationale comme un outil de coercition politique».
Des accusations «montées de toutes pièces»
Selon elle, Moscou avait «une obligation claire» de protéger le personnel de l'OSCE. Or, aujourd'hui, la situation est devenue kafkaïenne. Car les trois hommes sont des Ukrainiens. Mais comme Chabanov et Petrov étaient enregistrés dans le territoire occupé, ils ont été automatiquement reconnus citoyens de la République populaire de Lougansk.
Maksim Petrov, 45 ans aujourd'hui, qui servait d'interprète, a été condamné à la même peine que Dmitri Chabanov, assistant de sécurité, pour «haute trahison». A huis clos, ils ont été reconnus coupables d'avoir transmis des informations à des services de renseignement étranger.
Quant à Vadym Golda, né en 1967 et lui aussi assistant de sécurité, il a écopé de 14 ans d'emprisonnement pour espionnage visant des installations industrielles qui auraient ensuite été frappées par des missiles.
L'OSCE avait dénoncé des «pseudo-procédures» judiciaires et des accusations «montées de toutes pièces».
La Russie ne veut rien entendre
A l'heure actuelle, la Russie campe fermement sur ses positions. Vassili Nebenzia, son représentant au Conseil de sécurité de l'ONU, a affirmé en avril 2024 «que certains des membres» de la mission de l'OSCE en Ukraine ont été «impliqués dans la collecte et la transmission de données de renseignement à Kiev». Il ajoute:
Il a également tranché en déclarant: «cette affaire est close». Jeudi, le ministère russe des Affaires étrangères n'a pas immédiatement répondu à la demande de commentaire de l'AFP.
Faire de leur libération une priorité absolue
Au vu de la situation de blocage, Egor Golda, le fils de Vadym Golda, estime que «l'Ukraine, l'Occident et l'OSCE doivent tous contribuer à sa libération ou à ce qu'il soit échangé», quitte à devoir «négocier avec la Russie».
Maksim Petrov aurait récemment été pris en charge dans la région de Tcheliabinsk, en Sibérie occidentale, par un hôpital traitant la tuberculose, ce qui inquiète son entourage.
Une action «urgente et décisive est requise», réclame Kapalkina, selon qui la liberté de ces trois hommes doit devenir un «préalable» à «tout cessez-le-feu et accord de paix».
Sous couvert de l'anonymat, un employé de l'OSCE estime «qu'au bout de plus de 1300 jours, quelle que soit l'action entreprise par l'organisation», le fait est que «des collègues de l'OSCE demeurent illégalement détenus».
Interrogée, une porte-parole a assuré que leur libération «a été et reste une priorité absolue».
