Vendredi, c'est la journée internationale de la lutte contre les mines. Avec ce triste constat: avec la guerre en Ukraine, le pays est devenu, selon les Nations Unies, le plus miné au monde. Il relègue le Cambodge et les reliques de la guerre froide en Asie du sud-est à la seconde place.
Pour la Fondation suisse de déminage (FSD), basée à Genève et présente en Ukraine, le travail de déminage s'est intensifié depuis le retrait des troupes russes des environs de Kiev et du nord de l'Ukraine, au printemps 2022. Le groupe, initialement présent à Kiev et Tchernihiv, a étendu ses zones d'activité. «Nous travaillons désormais aussi dans les provinces de Kharkiv, Kherson et Donetsk», explique Alexandra Brutsch, porte-parole de la FSD.
La FSD est «revenue» dans des zones du Donbass où elle était présente depuis 2014, et qu'elle avait dû déserter dans les premiers temps de l'invasion russe, avant que la ligne de front ne se stabilise.
Le nombre de collaborateurs a connu un bond important depuis deux ans, passant d'une centaine à 650 employés, actifs dans la sensibilisation, les enquêtes de terrain — qui permettent d'estimer le risque et la présence de mines et d'obus — et évidemment le déminage à proprement parler. La FSD traite les mines antipersonnel, mais aussi les obus et autres bombes qui n'ont pas explosé à l'impact.
Pour ce faire, la FSD dispose de personnel, mais a aussi développé d'autres outils, testant actuellement des drones radar pouvant sonder et de «cartographier» le sol, repérant des obus enterrés. Elle travaille aussi désormais avec des chiens, dressés pour repérer les «vapeurs d'explosif». Car oui, même les explosifs ont des odeurs.
La FSD indique ainsi avoir examiné 117 kilomètres carrés et déminé à proprement parler 2,5 kilomètres carrés. Une fraction infime du territoire ukrainien, non? Dans les zones impactées, la FSD a pourtant déjà réussi à déminer un terrain de football — pas un équivalent, un vrai terrain —, désormais prêt à accueillir son prochain match. «Un puissant symbole du retour à la normalité pour toute une communauté», note un communiqué de la FSD.
L'ONG a les capacités de grandir et de former davantage de personnes, mais est limitée par le financement. Elle touche de l'argent de la Confédération via la Direction du développement et de la coopération (DDC) et des dons de la Chaîne du bonheur. Mais les activités financées par l'aide au développement américain sont pour l'instant suspendues à la suite des décisions de Donald Trump. Alexandra Brutsch l'admet:
Un des autres secteurs où la FSD travaille activement, ce sont les champs et autres zones agricoles. Pour un pays dont une partie importante du PIB dépend de l'agriculture, cette action est essentielle. Pour ces opérations, la FSD reçoit une aide du Programme alimentaire mondial et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Là, l'ONG utilise d'imposantes machines permettant de défricher les hautes herbes, «arrivant à la taille au mois de juin», indique Alexandra Brutsch, et de faire sauter les mines antipersonnel présentes. Les véhicules sont blindés et télécommandés et conçus à cet effet, comme ceux du constructeur croate Dok-Ing et du Suisse GCS.
Mais la FSD n'hésite pas à improviser au besoin. A l'image de cet engin de chantier ukrainien, reconverti en véhicule de déminage à l'aide de blindage. Il est notamment utilisé pour déblayer des débris de maisons bombardées, «où il y a tellement de métal qu'il est inutile d'y aller avec un détecteur». Les gravats sont ensuite aplanis et permettent aux démineurs de travailler efficacement.
«La guerre en Ukraine a stimulé cette création», reconnaît la porte-parole de la FSD, qui préfère toutefois parler de «techniques connues et améliorées» que d'innovations à proprement parler.
Par ailleurs, l'organisation craint-elle pour sa sécurité? Tout d'abord, elle se tient éloignée des combats: «C'est le déminage militaire qui y est actif», explique la porte-parole. La règle: se trouver à plus de 30km de la ligne de front. Pour réduire les risques, mais aussi parce que ce n'est pas elle qui décide:
Le risque, pour autant, n'est pas inexistant. En juillet dernier, les bureaux et véhicules de la FSD à Kharkiv ont été touchés par une frappe russe. «Le missile a traversé le sol jusqu'au bunker qui se trouvait sous le bâtiment», explique Alexandra Brutsch.
Heureusement, personne n'a été tué ni même blessé. L'association est-elle visée par la Russie? La porte-parole relativise: «Notre fondation est strictement humanitaire, nous ne soutenons ni l'Ukraine ni la Russie. Mais l'incident nous a conduit à renforcer nos pratiques de sécurité.»