Ce plan audacieux pour la paix en Ukraine exploite l'ego de Trump
Pour le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, il est clairement établi qui est responsable de l'annulation du sommet de Budapest: ce sont les «élites pro-guerre et leurs médias».
Depuis le moment où le président américain Donald Trump a annoncé un «sommet de paix» à Budapest avec le dirigeant russe, Vladimir Poutine, «il était évident que beaucoup feraient tout pour l'empêcher», a déclaré Szijjártó mardi soir sur le réseau social X. Et c'est exactement ce qui s'est produit.
Trouver les responsables du capotage
Moins d'une semaine après l'annonce par Trump d'une rencontre avec Poutine dans la capitale hongroise, le sommet a été annulé. Le président américain a déclaré mardi soir qu'il ne voulait pas «perdre son temps avec une réunion inutile».
Mais la responsabilité n'incombe pas, comme le supposait l'entourage du président hongrois Viktor Orban, aux présumées «élites pro-guerre et leurs médias». Elle revient à la Russie.
Selon des informations concordantes des médias, un incident a eu lieu lundi lors de l'appel téléphonique entre le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio et son homologue russe Sergueï Lavrov, qui devait préparer le sommet.
La réponse de Trump aux journalistes:
Trump on canceled meeting with Putin: I don’t want to have a wasted time.
— Tymofiy Mylovanov (@Mylovanov) October 22, 2025
I said go to the line of battle and you pull back and go home. Everyone take some time off. 1/ pic.twitter.com/zpCkePoHXF
Retour à la case départ
Contrairement à Trump, la Russie ne veut rien savoir d'un cessez-le-feu immédiat. Le Kremlin refuse également de prendre le gel de la ligne de front comme point de départ pour des négociations. A la place, Lavrov a une fois de plus évoqué l'élimination des «causes profondes» de la guerre, ce qui peut être interprété soit comme une capitulation totale de l'Ukraine, soit comme un recul de l'élargissement de l'Otan à l'Est.
En résumé, la Russie campe sur ses exigences maximalistes et ne montre aucun signe d’ouverture.
Pour Zelensky et plusieurs dirigeants européens, cela ne surprend guère: ils avertissent Trump depuis des mois que Poutine ne cherche pas la paix. Selon eux, l’offensive diplomatique de Moscou visait avant tout à empêcher la livraison de missiles de croisière Tomahawk à l’Ukraine.
Zelensky s’était rendu vendredi dernier à Washington pour plaider sa cause. Mais après un appel de Poutine, Trump avait annulé la rencontre. Le président ukrainien accuse désormais ouvertement Moscou de manipuler son homologue américain. Il a déclaré, en référence au sommet de Budapest annoncé entre Trump et Poutine:
The greater Ukraine’s long-range reach, the greater Russia’s willingness to end the war. These weeks reaffirmed it. Discussion on Tomahawks turned out to be a major investment in diplomacy – we forced Russia to reveal that Tomahawks are the card they take seriously. We will…
— Volodymyr Zelenskyy / Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) October 21, 2025
Comme il y a peu de chances que quelque chose se passe entre Trump et Poutine dans un avenir proche, les Européens tentent, avec Zelensky, de reprendre l'initiative. Plus précisément: ils cherchent à rallier Trump de nouveau à leur camp.
Un plan de paix sur un plateau d'argent
Jeudi, le président ukrainien sera présent au sommet de l'Union européenne à Bruxelles, puis vendredi à une réunion de la «coalition des volontaires» à Londres. Dans ce cadre, un plan de paix en 12 points, élaboré par l'Ukraine et l'Europe, devrait également être abordé, plan dont l'agence de presse Bloomberg a été la première à pouvoir consulter.
Le contenu n'apporte guère de nouveautés. L'élément principal, comme dans les initiatives précédentes, est un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel le long de la ligne de front. S'y ajoutent le retour des enfants enlevés ainsi que des garanties de sécurité.
La Russie se verrait proposer une levée progressive des sanctions, à condition qu'elle respecte ses engagements. De plus, les territoires occupés ne seraient pas reconnus juridiquement, mais au moins en pratique: Kiev se dit prête à négocier sur l'administration des régions concernées.
Ce qui est nouveau dans ce plan, c'est sa forme. Ce n'est pas un hasard si ces 12 points rappellent celui de paix en 20 points pour Gaza. De toute évidence, on cherche à convaincre Trump, qui continue de parler avec beaucoup de fierté du cessez-le-feu qu'il a négocié au Moyen-Orient, de rejoindre cette initiative.
Le message adressé au président américain est le suivant: voici un plan clé en main lui permettant de reproduire son exploit en Palestine. Pour cela, Trump se verrait offrir, comme à Gaza, le rôle de président du nouveau «Conseil de paix» pour l'Ukraine.
Jouer de la fierté de Trump et frapper la Russie
Jouer sur la vanité de Trump a déjà fonctionné par le passé. Par exemple, lorsque le secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte, l'a couvert de compliments jusqu'à la limite de l'embarras lors du grand sommet de l'alliance de défense cet été. Mercredi soir, Rutte s'est rendu à nouveau à Washington pour une visite éclair auprès de Trump. Il est fort possible qu'il y ait déjà fait la promotion du plan en 12 points.
Pendant ce temps, l'Ukraine change la donne sur le champ de bataille. Mardi, alors que l'annulation du sommet de Budapest était rendue publique, l'armée ukrainienne a attaqué une grande usine chimique à Briansk, à 350 kilomètres au sud-est de Moscou, à l'aide de plusieurs missiles de croisière «Storm Shadow» britanniques et français. Selon l'Etat-major ukrainien, l'usine produisait de la poudre noire, des explosifs et du carburant pour missiles, et elle était «centrale» pour le complexe militaro-industriel russe.
Sur le front diplomatique, l’Ukraine a renforcé son alliance militaire avec la Suède. Mercredi, Volodymyr Zelensky a signé avec le premier ministre suédois Ulf Kristersson une déclaration d’intention prévoyant que l’Ukraine achètera jusqu’à 150 avions de combat Gripen E. Zelensky a qualifié le chasseur fabriqué par Saab de «formidable appareil», aux possibilités d’emploi très larges. Selon lui, les premiers Gripen devraient arriver en Ukraine dès 2026.
Now boarding pic.twitter.com/gPvRSk0ZZS
— Ulf Kristersson (@SwedishPM) October 22, 2025
Traduit et adapté par Noëline Flippe
