Virginia Giuffre Roberts avait largement disparu des radars. Après des années de dénonciations, de médiatisation et un procès retentissant contre le prince Andrew. Suite qui lui aurait rapporté des millions de dollars en 2022, l'Américaine avait fini par se retrancher en Australie, près de Perth, dans une propriété en bord de mer, en compagnie de son mari et leurs trois enfants, pour retrouver la paix et un anonymat bienvenu.
Virginia, 41 ans, n'aura pas goûté longtemps au «happy end». Après un divorce et un début d'année difficile (le «pire» possible, selon ses propres mots), l'un des visages les plus connus des victimes de Jeffrey Epstein a annoncé ce dimanche soir avoir été hospitalisée après avoir été «percutée par un bus scolaire à 110km/h».
Si elle ne fournit aucun détail sur les circonstances ni le lieu de l'incident, sa porte-parole, Dini von Mueffling, a bel et bien confirmé qu'elle se trouvait à l'hôpital.
Ainsi pourrait s'achever la destinée d'une femme qui, depuis près de vingt ans, s'est fait le porte-voix des victimes du pédophile condamné Jeffrey Epstein. Une histoire dramatique qui débute à sa naissance en 1983, en Californie, avant de se poursuivre sous le soleil du comté de Palm Beach, en Floride.
Du soleil, mais pas forcément de la joie. Selon son propre témoignage dans le Miami Herald, Virginia grandit dans un «foyer en difficulté», où elle est confrontée très tôt à la violence et à l'instabilité. Après des fugues et un arrêt en famille d'accueil, la jeune femme finit à la rue, puis abusée par un trafiquant sexuel de 65 ans, Ron Eppinger, à Miami - un homme avec lequel elle vivra pendant six mois.
A l'âge de 14 ans, Virginia retourne vivre chez son père, Sky Roberts, qui œuvre comme responsable de l'entretien du club privé de Mar-a-Lago, propriété de Donald Trump, et où il l'aide à se dégoter un petit boulot.
C'est là qu'au début de l'an 2000, alors qu'elle officie comme préposée au vestiaire du spa, Virginia fait la connaissance de Ghislaine Maxwell. Une mondaine britannique «très belle» et «très bien élevée». Constatant son intérêt pour la massothérapie, la fille du magnat des médias Robert Maxwell lui soumet une proposition. Une offre d'emploi de masseuse itinérante, sans aucune expérience nécessaire, auprès d'un «gars qu'elle connait bien». Jeffrey Epstein. «Tu peux passer à la maison cet après-midi si tu veux», propose-t-elle dans la foulée.
C'est le début de deux ans et demi d'étroite relation avec le couple, entre les résidences de Palm Beach et Manhattan, les voyages au ranch Zorro du Nouveau-Mexique et sur l'île privée de Little Saint James, dans les Iles Vierges américaines. Obéissante et docile, appréciée pour sa discrétion, Virginia gravit «assez vite les échelons».
Entre les «activités sympas», les randonnées, les sorties en 4x4 et les films qu'ils regardent tous les trois, la jeune femme fournit massages et services sexuels, non seulement à Jeffrey Epstein, mais aussi à un certain nombre de ses associés d'affaires. Entre ces hommes puissants, Virginia passe comme un «panier de fruits», décrira-t-elle bien plus tard à la BBC.
Parmi eux: un certain prince Andrew, proche ami de Jeffrey Epstein, dont elle aurait fait la connaissance à Londres, le 10 mars 2001. Après une nuit de danse au Tramp, un nightclub de la capitale, la petite bande reprend le chemin du domicile de Ghislaine Maxwell à Belgravia.
Virginia glisse alors un petit Kodak jaune entre les mains de Jeffrey Epstein et lui demande d'immortaliser le moment, donnant lieu à une photographique tristement célèbre, qui fera un jour le tour du monde.
Après quoi, Ghislaine Maxwell aurait glissé à l'adolescente de 17 ans:
«Juste après cette photo, le prince Andrew m'a abusée sexuellement pour la première fois», se souvient Virginia Giuffre. Deux autres relations sexuelles suivront - l'une dans le manoir new-yorkais du financier, l'autre lors d'une orgie organisée sur son île privée des Iles Vierges américaines, à laquelle auraient pris part d'autres jeunes femmes mineures originaires d'Europe de l'est.
Le cauchemar prendra fin en 2002, alors que Virginia suit une formation de massages en Thaïlande, financée par Ghislaine Maxwell. La jeune femme de 19 ans y fait la connaissance de Robert Giuffre, un entraîneur d'arts martiaux australien, qu'elle épouse très peu de temps après. Après avoir informé Jeffrey Epstein par téléphone qu'elle ne reviendra pas comme prévu, elle coupe tout contact et s'envole pour l'Australie avec son compagnon pour commencer une nouvelle vie.
Les fantômes de Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell se rappelleront à la jeune femme trois ans plus tard. En mars 2005, la police de Palm Beach vient d'entamer une enquête sur le milliardaire américain suite aux allégations d'agression sexuelle d'une adolescente de 14 ans du coin sur Jeffrey Epstein.
Par la suite, Virginia Giuffre est contactée par le FBI après avoir officiellement été identifiée comme victime lors de la première affaire criminelle visant l'homme d'affaires. Elle hésite de longs mois à parler aux autorités, avant d'être à nouveau contactée en personne, cette fois par la police fédérale australienne.
En mai 2009, Virginia Giuffre porte plainte contre Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell, à l'instar de dizaines de victimes. Une poursuite au civil réglée contre 500 000 dollars et d'autres «contreparties» non précisées.
Ce n'est que le début d'un intense bras de fer médiatique et judiciaire entamé avec les autres victimes du pédocriminel, qui s'achèvera par la mort de ce dernier en prison, en août 2019.
En parallèle, c'est contre le prince Andrew que Virginie mène la fronde - une affaire retentissante révélée en 2011 par le Mail on Sunday et qui vaudra au fils préféré d'Elizabeth II de perdre la totalité de ses titres et sa mise à ban de la famille royale britannique. Sans oublier une plainte de Virginia Giuffre déposée devant un tribunal de New York en 2021 et réglée «à l'amiable», à coups de plusieurs millions de dollars. Tout au long de l'affaire, Andrew a toujours clamé qu'il n'avait aucun souvenir d'avoir rencontré son accusatrice.
Cette affaire qui a mis à genoux le prince déchu n'a pas valu à Virginia Giuffre Roberts que des admirateurs - elle s'est aussi fait de nombreux ennemis. Alors que, dans la foulée de l'annonce de son accident de voiture ce dimanche soir, les premiers théoriciens du complot affluaient déjà pour affirmer qu'il ne s'agirait pas d'un simple accident, d'autres ont laissé éclater bruyamment leur joie.
C'est le cas d'une ancienne petite amie du prince Andrew, Lady Victoria Hervey, une mondaine britannique qui navigue désormais dans l'orbite de Donald Trump et du monde MAGA. «Karma!» jubile-t-elle sur Instagram, après avoir repartagé la publication de Virginia allongée dans son lit d'hôpital.
La mondaine britannique, qui défend depuis ses années bec et ongles son ex-petit ami, en affirmant notamment que la célèbre photographie de Virginia adolescente aux côtés d'Andrew ne serait qu'un faux, en a profité pour glisser que cet accident de bus ne serait... qu'un tissu de mensonges.
Sans avancer de preuve, Lady Hervey affirme que «d'après des sources fiables, on pense que le FBI est allé la voir récemment avec des preuves qu'elle a menti, avec des enregistrements où elle admet que rien ne s'est jamais passé avec le prince Andrew».
L'aristocrate prie encore l'ex-mari de Virginia, Robert, de sortir de l'ombre. «Je sais qu’il connaît la vérité sur les fausses photos et toutes ses arnaques», écrit Victoria Hervey, qui souligne encore que l'accusatrice d'Epstein porte des bijoux, mais pas de blouse d'hôpital. «Après tout, c'est la reine des fausses photos. C'est pourquoi je suis très sceptique et je ne crois pas qu'il faille tirer des conclusions hâtives à partir d'une image», souligne-t-elle.
Quelle que soit la validité des affirmations de cette aristocrate virulente, celle-ci soulève au moins une question pertinente: selon la BBC, ni police et ni les services ambulanciers d'Australie occidentale n'ont trouvé la moindre trace d'un tel accident survenu au cours des dernières semaines.
Après des recherches, la police a confirmé au média britannique qu'elle avait bien trouvé des enregistrements d'un «accident mineur» survenu entre un bus et une voiture le 24 mars, mais qu'aucun blessé n'avait été signalé à la suite de cet accident. «La collision a été signalée par le chauffeur du bus le lendemain», stipulent encore les autorités.
Un autre porte-parole de l'East Metropolitan Health Service, qui gère l'hôpital Royal Perth, a pour sa part déclaré à l'Australian Broadcasting Corporation qu'aucune Virginia Giuffre ne se trouvait dans leurs établissements.
Un énième point d'ombre dans le parcours décidément tourmenté de Virginia Giuffre Roberts.