La reine Elizabeth et Melania Trump partagent un point commun. A défaut d'ouvrir la bouche, sauf pour quelques banalités et politesses d'usage, toutes deux sont passées maîtresses dans l'art de communiquer par leur apparence. Nous laissant, à nous autres, pauvres observateurs curieux, tout le loisir de fantasmer, supposer, interpréter. Imaginer les pensées, sentiments ou intentions à travers les vêtements de ces bibelots politiques, posés bien en évidence dans leurs décors dorés et pompeux. Des statues silencieuses. Fascinantes.
Melania Trump en était pertinemment consciente, ce samedi, avant de pointer le nez à l'un de ses tout premiers évènements de la campagne présidentielle. Une collecte de fonds dont elle était l'invitée d'honneur, organisée à huis clos pour une poignée de privilégiés, dans le salon de thé de Mar-a-Lago. Autant dire que sa tenue allait être décortiquée avec autant d'appétit qu'un affriolant plateau de crevettes. Il lui fallait frapper fort.
Melania a frappé. Fort. Veste de tailleur tranchante, escarpins inflexibles, pantalon-cigarette coupé net, ceinture étroitement arrimée. Un total look Michael Kors aussi dur que son sourire était large. «Fantastique», s'incline l'experte mode du Washington Post... avant de se gratter la tête pour décrypter les intentions cachées de cette tenue d'une sobriété aussi efficace que glaçante.
Dans les médias politiques américains, les théories fusent. Désir de simplicité? Sérieux? Tristesse? Résignation? Voire... deuil? Après tout, le noir est une teinte qu'on croise peu à Palm Beach. «Presque du jamais vu» à l'échelle locale, résume un habitant au New York Times. Et un choix inhabituel pour Melania. Même lorsqu'elle s'est rendue au mémorial de Rosalyn Carter, en novembre dernier, la former first lady avait opté pour un ensemble en tweed griffé Dior aussi gris que son humeur.
Quant à ses dernières et rarissimes sorties publiques, Melania nous a plutôt accoutumés à un look de retraitée pleine aux as, qui trompe son ennui et ses après-midis dans les somptueuses boutiques de Palm Beach. Des tenues vaporeuses, larges, colorées, voire fleuries, et, évidemment, très chères. Alexander McQueen ou Valentino, pour ne citer que ces marques.
A mesure que la campagne avance et que la perspective d'un retour à la Maison-Blanche se concrétise, il est possible que Melania se prépare, une fois de plus, à utiliser son vestiaire pour taquiner le monde. Contrairement à d'autres femmes politiques, d'Hilary Clinton à Michelle Obama en passant par Jill Biden, ses messages n'ont jamais été limpides ou univoques. Comme si, au fond, par ses choix vestimentaires, Melania Trump prenait un malin plaisir à semer la zizanie et la discorde.
Souvenez-vous de la célèbrissime veste «I really don't care, do u?» («J'en ai vraiment rien à foutre, et vous?»), portée lors d'une visite d'un refuge pour migrants au Texas, dont la signification avait déchaîné l'opinion pendant des semaines - sans jamais aboutir à un consensus. Ou encore, en 2016, ce chemisier rose Gucci à col lavallière (en anglais: «pussy-bow»), arboré juste après la publication de la vidéo dans lequel on entend son mari se vanter de pouvoir attraper les femmes par le... pussy (on vous passe la traduction, vous la connaissez).
Toutefois, aussi ambivalents qu'aient pu être les choix et messages vestimentaires de l'ex-première dame au fil des ans, celui de samedi a le mérite d'être clair. Après les chemises à volants et les combinaisons décontractées qu'elle privilégie depuis qu’elle est de retour en Floride, ce nouveau look n'est pas sans évoquer la garde-robe de l'ère Washington. Une armure protectrice, boutonnée, quasi militaire. Comme un bouclier de luxe. Un rempart aux attentes et regards.
Son blazer noir était-il un message funeste ou une déclaration de guerre? Dans tous les cas, soyez-en sûr: Melania vient de nous livrer un authentique fashion statment. Et se prépare à nous troubler avec d'autres.