Sous pression de Donald Trump et face à la menace russe, les dirigeants des pays de l'Otan devraient s'accorder fin juin à La Haye sur une hausse sans précédent de leurs dépenses militaires.
Mais les Européens ont-ils les capacités suffisantes et les structures en place pour dépenser efficacement cette manne, afin de protéger le continent contre toute éventuelle attaque?
Pour le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte, la question est, comme il l'a expliqué jeudi, cruciale:
De son côté, la Russie, en pleine économie de guerre, produit quatre fois plus de munitions que l'Europe et les Etats-Unis réunis. Plus grave, elle sera capable d'ici 2030 de «lancer une attaque victorieuse» contre l'Otan, a-t-il encore averti.
Les 32 pays de l'Alliance vont s'efforcer les 24 et 25 juin aux Pays-Bas de se mettre d'accord pour consacrer au moins 5% de leur Produit intérieur brut (PIB) à leur sécurité au cours des prochaines années.
Un engagement qui représente des centaines de milliards d'euros, dont une grande partie bénéficiera à l'industrie de l'armement, à la traîne après des années de coupes budgétaires. L'industrie européenne assure qu'elle a déjà beaucoup investi, depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022.
En ce qui concerne les munitions, «nous produisons quatre fois plus qu'en 2022», a assuré Micael Johansson, patron du groupe suédois Saab, l'une des principales firmes d'armement en Europe, dans un entretien, avant d'ajouter avec assurance:
Mais, a-t-il aussi ajouté, les commandes sont encore trop souvent limitées à cinq ans, pour une industrie qui a besoin de visibilité à plus long terme, et qui a aussi des problèmes de recrutement. En Allemagne, le fabricant de munitions Rheinmetall a des centaines d'offres d'emplois qualifiés à pourvoir.
Pour accélérer l'ouverture de nouvelles unités de production, l'Union européenne, va proposer la semaine prochaine une simplification des procédures.
Andrius Kubilius, commissaire européen chargé de la défense, a déclaré cette semaine:
Autre écueil à éviter: l'inflation. Des centaines de milliards à investir, mais sans les capacités correspondantes, risquent simplement de faire monter les prix, met en garde Guntram Wolff, économiste de la défense auprès du Bruegel Institute.
L'ambassadeur américain à l'Otan, Matthew Whitaker, a également averti cette semaine à Bruxelles:
L'industrie de défense affiche des prix élevés, dans un environnement souvent national et peu compétitif. Guntram Wolff résume:
La solution passe par «plus d'Europe», préconise-t-il, et le Bruegel Institute, dans un rapport remis aux 27 pays membres, suggère de son côté de mettre sur pieds une agence européenne des marchés publics, dans le domaine de la défense, pour multiplier les projets en commun, à moindre coût.
C'est l'idée en germination dans les dernières propositions faites par la Commission européenne: des prêts allant jusqu'à 150 milliards d'euros pour financer en commun des achats ou des investissements dans le domaine de la défense.
François Arbault, l'un des principaux responsables des industries de défense au sein de la Commission européenne, a assuré cette semaine:
Les premiers financements devraient intervenir avant la fin de cette année, a affirmé un autre haut fonctionnaire de la Commission européenne. Guntram Wolff le rappelle:
(ysc/ob/jca/ial)