Ce quartier de Paris «devient impraticable» à cause des touristes
A Montmartre, où l'épicerie Collignon a servi de décor au film Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, élus et habitants redoutent une «disneylandisation» de ce quartier emblématique de Paris de plus en plus gagné par le surtourisme.
«Salut les guides touristiques»: sur une vitrine, une note manuscrite en anglais promet une «réduction» aux groupes organisés, rouage d'une mécanique bien huilée qui exaspère ceux qui travaillent ici.
Pour Pascale (*), factrice de 54 ans, contrainte d'utiliser une clochette pour fendre la marée humaine avec son lourd chariot, chaque tournée est devenue un parcours du combattant:
Si la «Fête de la Coquille» et ses chalets saturent parfois la place des Abbesses, la pression est désormais constante.
«C'est compliqué pour nous, mais aussi pour les gens qui habitent là», résume-t-elle, fataliste face à des visiteurs internationaux parfois «pas très bien éduqués» qui bloquent les accès aux immeubles.
Les habitants fuient Montmartre
C'est pour briser ce «fatalisme» qu'Anne-Claire Boux et Emile Meunier, élus écologistes du 18e arrondissement, où se trouve Montmartre, ont invité la presse mardi pour une déambulation et un tractage au milieu des touristes.
Leur cible prioritaire: l'arrêté de 2015 classant Montmartre en zone touristique internationale (ZTI). Cette mesure, qui autorise le travail dominical et tard le soir, a transformé le quartier en «destination de shopping international», estiment-ils. Les élus le déplorent dans un dans un courrier au ministre du Commerce et du Tourisme:
Guillaume (*), 47 ans, observe cette érosion culturelle depuis sa librairie Au Pied de la Lettre. «L'axe métro Abbesses jusqu'au funiculaire est hyper emprunté, surtout le week-end, ça devient impraticable», témoigne-t-il.
Selon lui, «les habitants du quartier (le) fuient» désormais en fin de semaine pour échapper à la cohue où «les provinciaux s'ajoutent aux touristes internationaux».
L'exaspération se lit jusque sur les murs: sur la fenêtre d'un cabinet médical, une affiche verte implore les passants de «ne pas rester devant cette porte pour bavarder ou téléphoner», signe d'un espace public saturé.
L'ironie de la situation n'échappe pas au libraire: alors que les visiteurs affluent vers la place Suzanne Valadon, «les gens ne savent pas qui est» cette figure majeure de la peinture, soupire-t-il.
A Montmartre, certains supportent le tourisme
Face à cette dérive, les élus écologistes réclament des mesures chocs: l'abrogation de la ZTI, la régulation des cars de tourisme, l'interdiction des véhicules type 2CV et des réservations pour l'accès à la basilique du Sacré-Cœur, édifice religieux situé au sommet de la butte Montmartre, visité «par près de 10 millions de personnes par an».
Sur la place des Abbesses, Anaïs (*), 45 ans, surveille ses deux garçons qui courent après les pigeons, une gaufre à la main.
«Je ne vois pas comment ça peut changer, ça a toujours été comme ça», lâche-t-elle, résignée. Elle admet toutefois qu'elle aimerait «de temps en temps un peu de silence» et moins de difficultés pour circuler en poussette.
Un peu plus loin, près du village Ravignan, Cindy (*), 30 ans, se montre plus nuancée. Elle juge la situation «gérable», à condition de ne pas être «couche-tôt» à cause du bruit en soirée. Une nuisance nocturne que les élus espèrent justement réduire en s'attaquant aux ouvertures tardives permises par la ZTI, pour tenter de rendre enfin le tourisme «compatible avec la vie quotidienne».
(*) Les personnes interrogées n'ont pas donné leur nom.
