Comment la propagande russe mène des «attaques systématiques» en Suisse
Non, la Suisse ne fournit toujours pas d'armes à l'Ukraine. Non, les médias suisses ne suivent pas tous la même ligne. Et non, la Suisse n'a pas adhéré en catimini à l'Otan.
En tant que lecteur ou consommateur de médias, vous le savez. Et pourtant, la Suisse fait désormais quotidiennement face à de fausses informations de ce genre. Elles arrivent en général de Russie. Avec elles, le régime de Poutine cherche à saper la confiance en l'Etat et semer la méfiance. Depuis le début de l'offensive contre l'Ukraine, bon nombre de pays font les frais d'importantes campagnes menées par le Kremlin.
Le Conseil fédéral a donc mis en place un groupe de travail réunissant des représentants de plusieurs départements. Sa mission est d'assurer une veille et, si nécessaire:
Faire miroiter une impression de chaos
Benno Zogg travaille au Secrétariat d'Etat à la politique de sécurité (Sepos) comme «chef Stratégie et anticipation». Il a présenté, jeudi dernier, un aperçu de son travail, prenant comme exemple une campagne sur les réseaux sociaux: en mai, un message affirmant que la Suisse sombrait dans le chaos a été diffusé en quatre langues sur sept plateformes. Les publications contenaient des photos d'une altercation bien réelle, mais dans un autre contexte. Ces fausses informations auraient été vues plus de deux millions de fois.
Benno Zogg et son équipe parlent pour l'heure d'un niveau de menace «moyen» pour le pays. Mais cela signifie déjà «des attaques systématiques contre la pensée et l'action». La Suisse résisterait toutefois relativement bien à ce type d'opération de désinformation. En cause: une confiance somme toute élevée dans les médias et les institutions.
Pour autant, elle n'évolue pas dans une bulle. Les agitateurs usent et abusent des mécanismes de répétition. Peu importe à quel point un énoncé peut paraître absurde, à force d'être lu, il gagne peu à peu en crédibilité. Outre la Russie, la Chine intervient surtout en Suisse. Un moyen avant tout de répression contre les Chinois exilés sur le territoire helvétique. L'Iran, la Turquie et l'Erythrée utilisent des moyens similaires.
Peu de moyens pour lutter
La lutte suisse contre la désinformation et les activités d'influence se déroule toutefois à un niveau modeste. Selon Beno Zogg, les ressources humaines manquent par rapport à d'autres pays et la tâche est vaste. Il ajoute:
Alors que certaines chaînes de propagande de Poutine sont interdites en Europe, elles peuvent continuer à émettre en Suisse.
Berne ne corrige par ailleurs pas toutes les fausses informations. Le fonctionnaire explique que cela ne ferait souvent que profiter aux esprits malintentionnés. Mais si des campagnes devaient s'avérer largement impactantes, il garantit que des mesures seraient prises.
La démocratie directe fait du pays une cible privilégiée. On pense entre autres à une ingérence dans les votations. D'après Zogg, les autorités n'ont pas connaissance d'un tel évènement à ce jour. Mais elles restent vigilantes.
Et ce n'est pas uniquement dans l'espace numérique que cela se joue. Le spécialiste évoque la multiplication des incidents impliquant des drones à proximité des aéroports européens. Quand bien même on parvient à compenser les pertes économiques que cela engendre, il n'en demeure pas moins un sentiment latent de menace.
(Adaptation en français: Valentine Zenker)
