Des plages de sable gorgées de soleil, des vagues salées scintillantes, une nature encore sauvage... Bienvenue à Montecito, Californie, terre d'accueil du prince Harry et de sa femme Meghan Markle depuis désormais quatre ans. C'est là que la réalisatrice allemande primée Ulrike Grunewald a posé ses valises pour réaliser un documentaire consacré aux Sussex, Harry: Der Verlorene Prinz («Le prince perdu»). Un film que la presse britannique annonçait comme «calamiteux» pour le couple en exil. Le titre ne pouvait pas donner meilleur avant-goût.
Pour cette première analyse à la sauce allemande depuis le «Megxit», diffusée mardi soir sur la chaîne ZDF, la journaliste allemande est allée prospecter du côté des voisins du couple, d'anciens amis d'Harry et, surtout, des journalistes et experts de la famille royale britannique parmi les plus respectés du monde.
Après nous avoir rappelé en quelques mots le bras-de-fer mémorable entre le couple princier épris de liberté et la toute-croulante monarchie britannique qui a secoué l'actualité mondiale presque autant que le Covid-19 en 2020, Ulrike Grunewald met les pieds dans le plat en abordant un premier thème qui fâche. L'argent.
Plus particulièrement la manière dont Harry et Meghan tentent de financer leur train de vie dans la clinquante communauté de Montecito, où «la plupart des maisons coûtent entre huit et neuf millions de dollars» - et où la famille princière semble encore parfois avoir du mal à s'intégrer, selon le seul voisin interrogé dans le documentaire.
«Harry, oui, dans une certaine mesure, parce qu'il est plutôt joyeux... mais on ne voit Meghan nulle part», ajoute l'habitant. «Harry, habituellement si communicatif semble désormais timide. Ses chiens et son garde du corps sont ses meilleurs amis.»
Il y a un prix pour intégrer «l'élite» américaine, financer son service de sécurité privée et les domestiques du manoir familial. Après un livre, un podcast et un contrat de plusieurs millions de dollars avec Netflix, c'est donc vers l'entrepreneuriat que s'est tournée l'ex-actrice pour remplir le frigo. Le documentaire ne manque pas de revenir sur la création brouillonne de sa marque de lifestyle, American Riviera Orchard - dont Meghan se serait récemment proclamée CEO, à défaut de trouver un directeur général.
A quoi s'ajoutent quelques difficultés avec le nom déposé American Riviera (Riviera étant celui de la région de Montecito), des «descriptions et des signatures manquantes», un premier rejet de la part de l'Office américain des brevets et un lancement désordonné sur Instagram, où l'offre a disparu aussi vite qu'elle était apparue.
Du côté des aspirations humanitaires des Sussex, le constat n'est guère plus positif. Arrivés bourrés de motivation et d'envie de changer le monde, Harry et Meghan ne consacreraient désormais plus qu'«une heure» par semaine de leur précieux temps à leur fondation, Archewell, dont les dons sont passés de 13 millions de dollars en 2021 à seulement 2 millions de dollars en 2022.
Sans oublier le style de la duchesse, qui n'envoie pas toujours le «bon message», tranche le journaliste Russel Myers du Daily Mail. «Si vous allez dans des pays comme le Nigeria ou la Colombie, qui connaissent d'énormes problèmes socio-économiques, vous y trouvez certaines des communautés les plus pauvres du monde.»
Le film ne manque pas non plus souligner le coût astronomique des Jeux Invictus, l'initiative du prince Harry pour les vétérans militaires, organisés l'an dernier à Düsseldorf... avec la contribution massive du contribuable allemand. «Ce sera un gros problème lors des Jeux de 2027 qui auront lieu à Birmingham», relève Jack Royston du podcast The Royal Report. «Car Birmingham a récemment été poussée au bord de la faillite.»
Bref, vous avez compris. Quarante-trois minutes de parti pris assumé, dont on ressort avec l'impression amère d'un prince Harry qui gâche son temps et son talent, aux côtés d'une Meghan Markle tantôt égoïste, tantôt manipulatrice, tantôt assoiffée d'argent facile.
Un portrait sans grandes nuances et sans doute assez grossier, mais qui ravira tous les détracteurs du duo terrible américain et de ceux qui préfèrent une bonne dose de schadenfreude à un film de Noël nunuche.
Il aura au moins le mérite de souligner avec une cruelle honnêteté le vide qu'a laissé le prince Harry au Royaume-Uni. Un vide qu'il peut, peut-être, encore espérer combler. «Il fait toujours une grande impression, rappelle la biographe Katie Nicholl. Il est tout simplement très crédible dans ses efforts pour faire le bien et utiliser sa position à bon escient.»
«Depuis peu, le duc apparaît souvent seul et on croit que l'ancien Harry est de retour», conclut l'autrice à la fin du documentaire. «Tout se passe comme à l'époque royale. Pas de galas, pas d'interviews. De simples visites à ses fondations.»
Un investissement solitaire auquel se mêlerait l'envie de plus en plus apparente du duc de Sussex de conserver un ancrage dans son pays natal. Quant à savoir si les Windsor accepteront de récupérer un jour leur «prince perdu»... «C'est une idée romantique», prévient une experte. Romantique, certes, mais sans doute pas beaucoup plus que la perspective d'une monarchie en plein 21e siècle.
(Harry: Der Verlorene Prinz, est disponible en allemand sur le site de la chaîne ZDZ.)