S'il a prouvé quelque chose, au cours de ses longues années de bataille judiciaire, c'est que le prince Harry ne se laisse pas impressionner. Il l'a encore répété, plus tôt ce mois-ci, lors d'un évènement en partenariat avec le New York Times. Evoquant son affrontement imminent avec le groupe News Group Newspapers (NGN) du milliardaire Rupert Murdoch, pour des allégations de piratage électronique de sa messagerie vocale par des journalistes et des détectives privés, le duc de Sussex n'esquive pas les questions.
Voilà près de 30 ans que le groupe de tabloïds, qui édite le Sun et le disparu News of the World, aurait piraté le téléphone portable et la boîte vocale du jeune prince pour la première fois, en 1996. Mais plutôt que de suivre les traces des acteurs Hugh Grant et Sienna Miller, d'autres victimes présumées, qui ont choisi de régler l'affaire à l'amiable et à coups de millions de dollars, Harry a préféré d'affronter la machine Murdoch. Déterminé à aller jusqu'au bout. Quitte, inévitablement, à en pâtir financièrement.
«Pour lui, c'est une question de principe», analyse Mark Stephens, avocat britannique au sein du cabinet londonien Howard Kennedy, au média américain Puck. «Harry a clairement fait savoir qu'il n'était pas là pour couvrir ses frais. Il veut que l'on rende des comptes. Il a le sentiment que sa vie a été envahie, que cela a eu un impact sur ses relations avec les autres. Et puis, si l'on ajoute à cela la façon dont les médias ont traité la princesse Diana, sa mère, on commence à comprendre.»
Si le procès tournera autour de la manière dont une poignée de détectives privés engagés par des journalistes a pu obtenir illégalement des informations sur Harry qui n'étaient pas dans le domaine public, un autre pan important sera consacré à la prescription de la plainte du duc de Sussex. En effet, selon News Group, Harry était au courant de la possibilité de faire valoir ses droits depuis plus de six ans - et celle-ci serait donc prescrite.
A la question de la prescription s'ajoute une autre couche de complexité, car le procès devra aussi aborder certains prétendus «accords secrets» entre la société de Rupert Murdoch et le palais de Buckingham.
Une sorte de contrat censé garantir une couverture médiatique favorable à l'héritier du trône, le prince William. En échange de quoi, les membres de la famille royale - William et Harry - auraient convenu de ne pas engager de poursuites judiciaires contre News Group.
Si Harry doit à nouveau témoigner à la barre (une perspective qui fait déjà crisser des dents Charles III, alors que son fils est devenu, en juin 2023, le premier membre de la famille royale britannique à se rendre au tribunal en plus 130 ans, dans le cadre d'un autre procès), chaque camp n'est pas d'accord sur le temps nécessaire pour cuisiner le prince en soif de justice.
L'avocat Anthony Hudson, qui défend News Group, a déclaré qu'il lui faudrait pas moins de «quatre jours» pour interroger le duc, sur pas moins de 30 articles de presse différents, qui, selon le prince, seraient basés sur des informations obtenues illégalement - informations que le groupe affirme, de son côté, tenir de sources parfaitement légitimes et secrètes.
De son côté, l'avocat du duc de Sussex, David Sherborne, a déclaré que, même si son client «apprécierait» passer quatre jours à témoigner, «un jour et demi» devrait amplement suffire. Quoi qu'il en soit, le procès est censé durer deux mois et devrait voir une foule de témoins se succéder, parmi lesquels des rédacteurs en chef de l'époque, des journalistes et plusieurs personnalités «éminentes» du monde des médias.
En attendant ce nouveau rendez-vous judiciaire à la Haute Cour de Londres, du côté des Windsor, on ronge son frein avec une certaine «nervosité». C'est du moins ce qu'affirme le spécialiste de royauté Richard Fitzwilliams à la chaîne GB News. «Le procès sera sensationnel, tout comme l'a été sa dernière apparition à la barre des témoins.»
«Bien que Harry ait deux affaires judiciaires en cours, il semble qu'il y ait une certaine nervosité quant à ce qu'il pourrait dire lors des contre-interrogatoires ou devant ses avocats qui pourraient impliquer le monarque», poursuit l'expert.
Sans doute rien ne plus, toutefois, qui ne puisse aggraver encore davantage la situation entre le fils du roi et sa royale famille. Déjà au point mort.