31 pages. C'est l'ampleur du témoignage «extraordinaire» du prince Harry, publié ce mardi par la Haute Cour de Londres. Une déclaration jusque-là jamais rendue publique, rédigée dans le cadre de son interminable croisade judiciaire avec plusieurs tabloïds britanniques – dont le Sun et News of the World – pour des allégations de piratage téléphonique.
Pour comprendre cette (longue) saga de piratage, il faut rembobiner. Le premier épisode remonte à 2006, lorsque le correspondant royal du tabloïd News of the World, Clive Goodman, est arrêté et incarcéré pour avoir intercepté illégalement des dizaines de messages privés des membres de la famille royale.
Ce n'est que la pointe de l'iceberg: pirater les téléphones des célébrités est une pratique répandue, si ce n'est encouragée, au sein du média, révèle dans la foulée une enquête du Guardian. Emportée par le scandale, News of the Word disparaît en 2011.
Parmi les victimes de l'affaire, Harry et William. Les deux frangins ne comptent pas en rester là et se mettent en quête d'une solution juridique en tandem dès 2012. «Je me souviens d'avoir parlé à mon frère et d'avoir dit quelque chose du genre: "Ça suffit, je veux obtenir la permission de faire pression, pour une résolution de nos réclamations de piratage téléphonique et des excuses officielles"», écrit le prince dans son témoignage.
Mais force est de constater que, pour le prince, les démarches prennent du temps. «Très en colère contre le traitement épouvantable» des journaux à l'égard de sa compagne Meghan et «frustré que rien n'ait été résolu», il décide de faire cavalier seul. En rupture avec la tradition royale, il prend son propre avocat et engage une procédure judiciaire en son nom.
Harry a la hargne. Le prince le plus médiatisé de la planète est aussi celui que haïssent le plus les médias. Il l'a dit et répété: les tabloïds ont tué sa mère, ruiné sa vie, anéanti ses relations avec ses petites amies, ses amis, et, cerise sur le gâteau, entraîné sa famille «dans le chaos». L'heure de la vengeance a sonné.
C'est compter sans une «convocation» au palais de Buckingham, en octobre 2019. Harry vient alors tout juste de lancer sa croisade solitaire contre NGN, le mastodonte médiatique du milliardaire Rupert Murdoch.
Raison à cela, selon lui? L'existence d'un «accord secret», conclu entre l'institution et les hauts dirigeants de l'entreprise de presse. Le deal: la famille royale n'intentera aucune action en justice contre NGN, tant que toutes les autres procédures judiciaires de piratage téléphonique ne sont pas terminées – auquel cas, les Windsor recevront des excuses.
Tout est affaire d'image. Selon Harry, la famille royale est «incroyablement nerveuse» et veut s'épargner tout nouveau scandale susceptible de nuire à sa réputation. Le souvenir du «Tampongate», en 1993 - l'échange téléphonique iconique durant lequel Charles a susurré à sa maîtresse, Camilla Parker-Bowles, qu'il aimerait être son tampon - est encore vivace.
Outré, Harry constate que ses intérêts personnels ont été «sacrifiés», par souci de la firme de se tenir aussi loin que possible des tribunaux, de préserver son image publique et, notamment, celle de sa belle-mère Camilla.
Le comble? Selon le prince Harry dans sa déposition, NGN se serait acquitté du montant réclamé des années plus tôt par son frère William et lui aurait versé une «énorme somme d'argent», en guise de dédommagement. Le montant du «paiement secret» s'élèverait à un million de livres sterling, estime le Telegraph.
Si l'on sait que des négociations entre NGN et Buckingham Palace ont bel et bien eu lieu, les deux camps ont nié l'existence d'un tel pacte officiel.
Autant dire que la publication de ce témoignage tombe au plus mal, 12 jours seulement avant la cérémonie du sacre. Selon le Telegraph, il est entendu que le prince William ignorait complètement son contenu, avant ce qu'elle ne soit rendue publique cette semaine par la Haute Cour de Londres.
Des sources proches des Sussex et des Gallois ont, de part et d'autre de l'Atlantique, indiqué qu'ils ne s'attendaient plus à aucun rapprochement, lorsque le prince Harry s'envolera le week-end prochain pour le Royaume-Uni. Le prince William «ne fera plus jamais confiance à Harry», tranche déjà un ami au Daily Beast ce jeudi.
Ce qui est loin d'être le cas de son odyssée judiciaire. Le mois dernier, Harry a pris la presse au dépourvu en se rendant en personne à Londres pour une autre affaire, cette fois contre l'éditeur du Daily Mail.
Le duc s'apprête également à témoigner dans le cadre d'une troisième plainte contre l'éditeur du Mirror. Le procès devrait commencer dans le courant du mois du mai. Une poignée de jours après le couronnement de Charles.