L'invasion russe en Ukraine ne s’est pas déroulée comme prévu. Le coup d'État qui ne devait pas aller au-delà de trois jours se muera la semaine prochaine en un désastre d'un an ayant causé la mort de centaines de milliers de personnes.
En Russie, on constate en apparence peu d'impact. Mais si les principaux acteurs étaient jusqu'à présent toujours en place, les conséquences de la guerre pourraient prochainement les toucher. A ce jour, sur les terres de Poutine, deux groupes semblent en effet se faire la guerre.
👉Suivez en direct l'évolution de la guerre en Ukraine👈
Peu d'informations sur les querelles internes parviennent à l'Occident. On connaît toutefois le mépris du chef du groupe Wagner, Evgueni Prigojine, pour le ministre de la Défense Sergeï Choïgou et le commandant en chef Valeri Gerassimov.
Avec le soutien du chef de la république de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov (surnommé le «chien sanguinaire» de Poutine) et le général déchu Sergeï Sourovikine, Prigojine aurait planifié la destitution de Choïgou ainsi que la prise de contrôle du ministère de la Défense russe. C'est ce que rapporte Vladimir Ossetchkine, le fondateur du site russe anticorruption et de défense des droits de l'homme Gulagu. Ce dernier explique se référer à une source anonyme.
Le plan des trois conspirateurs consistait à remporter rapidement des succès sur le champ de bataille grâce au recrutement de détenus. La conquête de Bakhmout aurait été l'objectif principal. Mais depuis des mois, les troupes de Poutine luttent face à la défense ukrainienne. Jusqu'à 40 000 mercenaires de Wagner auraient déjà été éliminés.
Pour Prigojine, Kadyrov et Sourovikine, ces succès leur auraient permis d'exiger plusieurs changements auprès de Vladimir Poutine à savoir: Sourovikine en tant que ministre de la Défense, Kadyrov en charge la Garde nationale et Prigojine à la tête du FSB, le service de renseignement russe. Cette théorie est étayée par les déclarations du député tchétchène à la Douma Adam Delimkhanov. Le porte-parole de Kadyrov au Kremlin a récemment remis en question la compétence du FSB. Dans le même temps, il a réclamé pour lui-même et Kadyrov la présidence d'une agence d'Etat afin d'agir efficacement contre les opposants dans le pays.
Prigojine sait qu'il n'a pas d'avenir politique tant que le FSB possède des documents compromettants à son sujet. Le «cuisinier de Poutine» comme il se fait appeler en Russie a été incarcéré pour la première fois à l'âge de 18 ans et a ensuite purgé, entre autres, une peine de 12 ans, à laquelle il a toutefois pu mettre fin prématurément pour bonne conduite. Le militant des droits de l'homme Ossetchkine pense que Prigojine ne survivra pas à cette année.
Le ministre de la Défense Choïgou est un homme qui a toute la confiance de Poutine. Il fait partie du groupe des siloviki, le cercle le plus proche du président. Il a même déjà passé les vacances d'été avec Vladimir Poutine. Tous deux résident à Roublevka, le quartier de luxe à l'ouest de Moscou.
Les apparitions de Choïgou sont bien moins nombreuses que celles d'Evgueni Prigojine. Mais le Kremlin a ordonné à tous les médias de propagande de ne plus «promouvoir excessivement» ce dernier. Concrètement, cela signifie que Prigojine doit être passé sous silence à l'avenir. C'est ce qu'a confirmé l'analyste politique Sergei Markov dans le New York Times. On ne sait pas véritablement qui a donné cette directive.
Sergueï Choïgou serait également à l'origine de l'arrêt du recrutement de détenus. Une manière pour lui de faire d'une pierre deux coups puisque cette décision affaiblit Prigojine tout en consolidant ses propres groupes de soldats. Selon des informations ukrainiennes, l'unité militaire privée (PMC) appelée «Patriot» aurait déjà été repérée dans le Donbass. Elle est proche du ministre de la Défense et travaillerait également avec des détenus recrutés. Alors que les unités Wagner gagnent environ 3000 dollars par mois, les combattants Patriot reçoivent entre 6000 et 15 000 dollars.
Les observateurs doutent fortement que deux unités privées qui se font concurrence en termes de personnel, de munitions, de fonds et d'autres ressources aient un effet positif pour la Russie dans le déroulement de la guerre.