Ce vendredi à Istanbul, pour la première fois depuis le printemps 2022, les négociateurs ukrainiens et russes se retrouvent face à face pour tenter d’avancer vers la paix. À la tête des délégations, deux profils forts: Rustem Oumerov, ministre ukrainien de la Défense et négociateur chevronné, reconnu pour ses talents diplomatiques et Vladimir Medinski, conseiller proche de Poutine, ancien ministre de la Culture russe et fervent défenseur d’une vision nationaliste.
Ministre de la Défense ukrainien depuis 2023, en pleine invasion russe, Roustem Oumerov est à la tête de la délégation de son pays aux pourparlers d'Istanbul avec les Russes. Figure éminente de la communauté des Tatars de Crimée, il a la réputation d'être un fin négociateur.
Cet homme bedonnant aux cheveux rasés de 43 ans, toujours vêtu d'un treillis sombre, a déjà pris part aux discrets pourparlers pour les échanges de prisonniers ou encore aux brèves négociations avec Moscou, dans les premiers mois de la guerre.
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Il a aussi participé aux négociations menées séparément par Washington avec les Ukrainiens et Russes en Arabie saoudite, au début de l'année.
A l'issue de ces pourparlers, un autre membre de la délégation ukrainienne, Pavlo Palisa, s'était déclaré «très impressionné» par les talents de négociateur du ministre.
Roustem Oumerov est retourné à la table des négociations à Istanbul, pour la première fois depuis le printemps 2022. Il fait partie d'un petit groupe de responsables ukrainiens mandatés pour négocier la cessation des combats et «parle couramment l'anglais, le turc, le russe et l'ukrainien», expliquait jeudi le président Volodymyr Zelensky.
En septembre 2023, Oumerov était propulsé à la tête du ministère de la Défense avec pour mission d'obtenir de la part des Occidentaux les armes et munitions dont son pays a besoin pour repousser l'armée russe.
A l'époque, sa nomination représentait tout un symbole, s'agissant du plus haut poste d'Etat jamais occupé par un Tatar de Crimée. Cette communauté musulmane vient de Crimée, péninsule ukrainienne annexée en 2014 par la Russie et où elle subit depuis une importante répression pour s'être majoritairement opposé à la capture de ce territoire par Moscou.
En tant que Tatar de Crimée, Roustem Oumerov est familier, avant l'annexion russe, de la répression soviétique. Il est né en 1982 dans ce qui était alors la république soviétique d'Ouzbékistan, où sa famille avait été déportée sous Staline.
Gardant profil bas, ce musulman pratiquant parlant aussi un peu arabe avait longuement évité les devants de la scène politique. Mais ses efforts, pour notamment négocier la libération de prisonniers de guerre ont, semble-t-il, été cruciaux, notamment grâce à ses contacts personnels de long date dans le monde arabe.
Ancien ministre de la Culture et historien aux vues nationalistes, le conseiller de Vladimir Poutine, Vladimir Medinski, emmène la délégation russe aux négociations de paix avec l'Ukraine à Istanbul, un rôle qu'il a déjà joué en mars 2022, au tout début du conflit.
Né à l'époque de l'URSS à Smila, une petite ville dans la région ukrainienne de Tcherkassy, fils d'un militaire soviétique, Medinski a fait ses études à la prestigieuse université des relations internationales MGIMO à Moscou où il s'est pris de passion pour l'histoire militaire russe. Il ouvre en 1992 son agence de publicité, puis poursuit sa carrière dans les services fiscaux, avant d'être élu en 2003 député du parti pro-Kremlin Russie Unie à la Douma (chambre basse du Parlement).
Il occupe ensuite de 2012 à 2020 le poste de ministre de la Culture. Il est alors critiqué pour ses positions très conservatrices. Il souligne que la Russie doit «protéger» sa culture des errements supposés de la culture contemporaine européenne.
Sous son mandat, des bustes du dictateur soviétique Staline sont érigés dans plusieurs villes de Russie, y compris à Moscou en 2017, à l'initiative de la Société russe d'Histoire militaire, une organisation que Medinski dirige. La même année, des historiens portent plainte contre lui, exigeant que son diplôme d'histoire, obtenu en 2011, lui soit retiré. Sa thèse portant sur la Russie médiévale fourmille, selon eux, d'erreurs et d'inexactitudes.
Medinski a fait de la glorification de l'histoire russe son cheval de bataille, multipliant les financements publics de projets allant dans ce sens. Promu depuis 2020 au poste de conseiller du président russe, il apparaît rarement dans les médias. Fin janvier, il avait présenté un nouveau manuel scolaire consacré à «l'histoire militaire de la Russie» destiné à apprendre aux adolescents que l'offensive en Ukraine a été lancée pour «défendre la population du Donbass», région russophone de l'est de l'Ukraine. (avec afp)