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Comment Erdogan aide Poutine à planquer son pétrole

Comment Erdogan aide Poutine à planquer son pétrole

Les sanctions sont censées empêcher la Russie de livrer du pétrole à l'UE. Mais il existe apparemment un moyen de les contourner et Poutine en profite.
21.05.2024, 05:49
Thomas Wanhoff / t-online
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Le pétrole russe ne peut pas être importé dans l'UE, conformément aux sanctions de Bruxelles 833/2014 et 269/2014. Cependant, il semblerait que le régime de Poutine ait trouvé un moyen de faire parvenir cette matière première en Europe avec l'aide de la Turquie, un pays allié.

Comment? En introduisant le pétrole russe dans l'UE via des pays tiers, qui le déclarent tout simplement «non russe». C'est ce qu'a révélé une enquête menée par le Centre finlandais de recherche sur l'énergie et la pollution atmosphérique (CREA) et le groupe de réflexion bulgare Center for the study of Democracy (Centre pour l'étude de la démocratie).

Il y aurait une faille dans les règles de l'UE qui serait largement exploitée. Au total, trois milliards de dollars de pétrole auraient été expédiés depuis trois ports turcs en l'espace d'un an après l'entrée en vigueur de l'embargo en 2023.

«La Turquie est devenue une escale stratégique pour les produits pétroliers russes détournés vers l'UE, générant des centaines de millions de dollars de recettes fiscales pour le trésor de guerre du Kremlin»
Martin Vladimirov, analyste principal en énergie chez CSD

«Empêcher le contournement»

La proximité du président turc Recep Tayyip Erdogan avec le dictateur du Kremlin Vladimir Poutine est de toute façon une épine dans le pied pour les pays de l'Otan et les Etats de l'UE. «Nous devons renforcer nos mesures et trouver des moyens d'empêcher le contournement des sanctions», a souligné le ministre estonien des Affaires étrangères Margus Tsahkna à l'édition européenne du journal américain Politico.

«Les pays tiers, en particulier nos alliés de l'Otan comme la Turquie, devraient se joindre à nos sanctions dans la mesure du possible»

Avant la guerre, le rapport indique qu'un quart du pétrole brut de l'UE provenait de Russie, tout comme 40% du diesel. Après l'attaque contre l'Ukraine, les pays de l'UE ont tenté de tarir cette source de revenus de la Russie. Mais dans le même temps, selon l'étude, la Turquie a commencé à acheter davantage de pétrole à la Russie - et à en livrer davantage à l'UE.

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Importations et exportations presque égales

Entre février 2023 et février 2024, la Turquie a augmenté ses achats russes de 105% par rapport aux 12 mois précédents. Au cours de la même période, les exportations de carburants de la Turquie vers l'UE ont augmenté de 107%, rapporte Politico, se référant aux études des chercheurs. Le fait que les chiffres soient presque identiques n'est apparemment pas un hasard.

Mais la prudence est de mise: le pétrole qui entre dans l'UE n'est pas du pétrole russe - du moins pas directement. La Turquie possède des raffineries capables de traiter du pétrole brut - jusqu'à un million de barils par jour. Et de nombreuses entreprises de transformation du pétrole utilisent effectivement des matières premières provenant d'autres pays. Il s'agit donc techniquement d'une matière première transformée ou mélangée - et donc pas d'un produit purement russe.

Selon les sources du CREA, entre février 2023 et 2024, le port turc de Ceyhan a reçu environ 22 millions de barils de carburant, dont 92% provenaient de Russie, soit trois fois la quantité importée l'année précédente. Durant la même période, 85% des exportations de carburant du port étaient destinées à l'UE. L'année dernière, l'entreprise exploitante Global Terminal Services avait été mise sous pression par les Etats-Unis en raison de soupçons de blanchiment de pétrole dans un autre port.

Entre février 2023 et 2024, 1,4 million de barils seraient arrivés de Russie – sur la même période, 1,6 million de barils ont été acheminés vers l'Europe. Cela rend «très probable» que le terminal réexporte du carburant russe vers l'UE, a déclaré à Politico Viktor Katona, analyste en chef du pétrole brut pour la société d'analyse de données Kpler.

Les règlements de l'UE, rédigés après l'annexion de la Crimée par la Russie, prévoient que les exportations de pétrole russe vers des pays tiers sont autorisées. Les sanctions n'interdisent pas non plus l'importation dans l'Union de pétrole provenant d'un autre pays tiers, comme le Kazakhstan, même s'il transite par un oléoduc ayant auparavant transporté du pétrole russe.

«Il est donc nécessaire de déterminer si le produit est originaire de Russie. A cette fin, les règles d'origine non préférentielles de l'UE s'appliquent»
Les sanctions de l'UE

Les autorités de l'UE doivent donc vérifier l'origine du pétrole avec toute la diligence requise et se baser sur les documents à leur disposition pour déterminer l'origine du pétrole, «y compris les certificats d'origine», est-il précisé dans les explications sur les sanctions.

La législation européenne autorise des exceptions

En fait, le pétrole russe, même mélangé à d'autres produits, ne peut pas être importé. Mais il en va autrement pour les produits transformés. Ainsi, des produits pétroliers raffinés, fabriqués dans un pays tiers à partir de pétrole brut russe (défini sous le code HS 2709) et classés sous le code HS 2710, peuvent être exportés de ce pays ou d'un autre pays tiers sans être soumis aux sanctions, car ils ne sont pas d'origine russe. Poutine et ses experts ont dû lire cette règle très attentivement.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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