L'emprise que Vladimir Poutine exerce sur la Russie est indéniable. Lors des prochaines élections présidentielles en mars, il se présentera pour son troisième mandat consécutif – le chef du Kremlin a fait modifier spécialement la constitution russe pour que cela soit possible. Si le dirigeant venait à terminer un nouveau mandat de six ans au Kremlin en 2030, cela ferait 30 ans qu'il serait au pouvoir.
Il dépasserait ainsi Joseph Staline, qui a dirigé l'Union soviétique de 1924 à 1953 et serait alors le chef d'Etat russe ayant exercé son mandat le plus longtemps depuis la tsarine Catherine la Grande au 18ᵉ siècle. Car même lorsque Vladimir Poutine, 71 ans, n'a pas pu se représenter à la présidence de 2008 à 2012, il y a installé une de ses marionnettes, Dmitri Medvedev.
Vladimir Poutine dirige son pays de manière de plus en plus intransigeante et les critiques ne sont pas les bienvenues. Depuis deux ans, le Kremlin réprime avec une sévérité particulière les opposants à la guerre contre l'Ukraine.
Beaucoup ont déjà fui à l'étranger, mais même là, ils ne sont pas à l'abri de l'emprise de Moscou. C'est exactement le signal que Poutine veut envoyer au monde et à son propre pays.
Le Kremlin veut avant tout intimider ses adversaires. Le message est clair: ne vous mêlez pas de politique, taisez-vous, car vous n'êtes en sécurité nulle part. Plus les détracteurs sont connus, plus ils vivent dangereusement. Cela a été prouvé à maintes reprises par le passé: les opposants de Poutine ont été enfermés, empoisonnés ou abattus en pleine rue.
Les critiques sont rapidement accusés d'être des «agents de l'étranger» par les dirigeants russes. Ils risquent alors de passer des dizaines d'années dans un camp pénal.
Même les célébrités russes qui ont fui la Russie vivent dangereusement. Le député de la Douma Andreï Lougovoï a affirmé:
Le Kremlin est de plus en plus inquiet à l'idée que des critiques éminents s'expriment librement sur la guerre et sur le régime depuis l'étranger. Poutine a donc les yeux rivés sur ses opposants. Ceux-ci se font pourchasser – surtout dans les pays sur lesquels la Russie a une influence politique.
La stratégie russe est simple: si une opération de répression est fructueuse, cela a un effet dissuasif sur tous ceux qui envisagent d'agir contre le président depuis l'étranger.
Dernièrement, le groupe de rock russo-biélorusse Bi-2, très populaire en Russie, a été dans le collimateur du Kremlin. En 2022, plusieurs concerts du groupe ont été annulés après que les membres du groupe aient refusé de se produire dans une salle où étaient accrochées des bannières soutenant la guerre contre l'Ukraine.
Le groupe a par la suite quitté la Russie et s'est exilé. L'un des membres du groupe a exprimé son «dégoût» pour le gouvernement russe et a accusé Vladimir Poutine d'avoir «détruit» la Russie.
Fin janvier, le groupe de rock a été arrêté sur l'île de Phuket, car ses membres n'avaient pas de permis de travail valable dans le pays. L'organisateur du concert, VPI Event, a expliqué que toutes les autorisations nécessaires avaient été obtenues pour les musiciens, mais que les autorités avaient délivré par erreur des visas touristiques au groupe.
Les six membres de Bi-2 étaient menacés d'expulsion vers la Russie. Des activistes proches du Kremlin réclamaient déjà qu'ils soient jugés dans le cadre d'une procédure pénale pour «soutien au terrorisme».
Les membres du groupe possédaient également la nationalité israélienne, mais, selon plusieurs médias, le consulat russe aurait fait pression sur les autorités afin d'empêcher leur expulsion vers Israël. Le gouvernement thaïlandais a finalement refusé de les livrer à la Russie.
Une expérience similaire a été vécue par le célèbre humoriste russe Maxim Galkin, marié à la chanteuse Alla Pougatcheva. Tous deux avaient fui en Israël après le début de la guerre en Ukraine.
Mais Maxim Galkin a apparemment été rattrapé par la vengeance de Vladimir Poutine. Lorsqu'il a voulu se produire en Indonésie et en Thaïlande, les spectacles ont été annulés et il n'a même pas été autorisé à entrer dans le pays. Comme il l'a expliqué plus tard, on lui a expliqué à la frontière indonésienne que c'était à la demande du gouvernement russe.
Mais il n'est même pas nécessaire de critiquer le chef du Kremlin ou la guerre pour être considéré comme un «agent étranger» et être poursuivi en Russie. En 2021, le célèbre rappeur russe Morgenshtern avait critiqué les célébrations russes du «Jour de la victoire».
Après cette déclaration «antipatriotique», il a, lui aussi, été accusé d'être un «agent de l'étranger». Fin janvier, les autorités des Emirats arabes unis – où il vit en exil – n'ont pas renouvelé son visa. Morgenshtern affirme que le Kremlin a, là aussi, exercé son influence.
L'ancien oligarque Mikhaïl Khodorkovski figure également sur la liste des personnes pourchassées par la Russie. Le ministère justifie cette mesure par le fait que l'oligarque aurait sciemment diffusé de fausses informations sur l'armée et l'Etat russe. Il risque au moins cinq ans de prison dans son pays d'origine.
Les personnes persécutées par le régime russe ont un point commun: elles ont toutes une grande portée et atteignent parfois des millions de Russes via les réseaux sociaux.
Les opposants de Vladimir Poutine ne peuvent pas retourner en Russie sans se faire arrêter. C'était clair depuis un certain temps. Mais les récents exemples de persécution russe à l'étranger montrent que les opposants doivent faire attention aux pays dans lesquels ils se rendent.
De nombreux Russes passent leurs vacances en Indonésie ou en Thaïlande. Le Kremlin ne veut pas qu'ils y aient accès à des messages critiquant Poutine. Au-delà de ces tentatives d'intimidation, Moscou poursuit un autre objectif: montrer que la Russie n'est pas isolée sur la scène internationale.
La propagandiste du Kremlin, Margarita Simonian, rédactrice en chef de la chaîne de télévision RT, a été claire sur ce point. Elle a soutenu la chasse aux critiques, qu'elle qualifie de «traîtres»:
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci