Il y a quelques semaines seulement, Vladimir Poutine rempilait pour un cinquième mandat à la tête de la Russie. Il avait auparavant remporté des élections - considérées comme truquées - avec plus de 87% des suffrages. Cela n'a pas surpris grand monde. En revanche, cette mainmise sur le pouvoir empêche de savoir si le dirigeant rallie vraiment une majorité de la population.
Depuis son entrée en fonction au tournant du millénaire, Poutine n'a cessé de démanteler les structures et institutions démocratiques du pays. Il a progressivement restreint les droits de ses citoyens - et renforcé leur surveillance.
Parmi les restrictions imposées, certaines touchent la liberté de communication. Dans ce domaine, Poutine veut désormais franchir une étape qui lui tient à cœur depuis longtemps: les Russes peuvent encore acheter anonymement des cartes SIM. Cela ne devrait bientôt plus être le cas.
Le service de renseignement intérieur du FSB, ainsi que le ministère du Développement numérique, veulent durcir drastiquement les règles de vente de ces puces. C'est ce que rapporte le média russe en exil Meduza, citant lui-même le quotidien Kommersant. Selon ce dernier, la vente de cartes SIM dites «grises» devrait prochainement devenir impossible. Il s'agit de cartes fournies à leurs employés par des entreprises ou que les usagers achètent sans conclure de contrat.
Le FSB et le gouvernement discuteraient de la possibilité de restreindre les canaux commerciaux. Ils envisagent notamment trois scénarios pour les cartes SIM:
Les fournisseurs Megafon, VimpelCom et MTS ont confirmé à Kommersant que des discussions sur un tel durcissement étaient en cours. La mesure peut sembler drastique, mais elle n'a dans le fond rien de surprenant.
Le gouvernement russe n'en est pas à son coup d'essai pour tenter de mettre fin aux acquisitions anonymes. Kommersant révélait fin avril déjà que les opérateurs de téléphonie mobile devaient bloquer en moyenne environ 300 000 cartes SIM «grises» par semaine à la demande des autorités
Officiellement, toutes ces mesures visent à empêcher des activités jugées illégales, comme la fraude téléphonique.
On comprend toutefois de manière assez évidente que l'Etat intensifie sa surveillance pour lutter contre ses critiques et ses opposants. Et ceux-ci s'organisent sur internet via des canaux de communication qui échappent en partie au contrôle du gouvernement, comme Telegram.
Mais pour pouvoir utiliser certains de ces canaux, il faut d'abord disposer d'une carte SIM. Les détracteurs connus du régime pourraient ainsi s'en voir interdits de vente sous prétexte qu'elles ne leur sont pas indispensables.
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)