Elle est revenue en arrière depuis. Helena Dalli, la commissaire européenne à l’Egalité (oui, il y a un tel poste, mais il n'y a pas de commissaire européen à la Liberté), a suscité de grandes réactions auprès des Etats membres avec son code du langage inclusif pour la Commission européenne. Au cœur de ce guide, l'invitation à abandonner les références à Noël (car cela exclurait les personnes qui ne sont pas chrétiennes), et même les formules telles que «Madame et Monsieur» (car il y a des personnes qui... vous connaissez la suite).
Que cette technocrate soit actuellement en train de retravailler l'ouvrage après avoir accueilli des critiques virulentes, notamment de la part du milieu politique, n'y changera rien. On a pu voir ses intentions et ses convictions. Sans rire, vouloir supprimer la mention de Noël... en Europe? Qu'est-ce que l'Europe, si ce n'est l'ensemble des terres ayant été hellénisées, romanisées et christianisées selon la fameuse conception de Paul Valéry? Même les plus farouches athées et anticléricaux se définissent par rapport à la chrétienté.
On le voit dans la construction même de ces deux mots, justement: «a-thée» pour «sans Dieu»; «anti-clérical» pour «contre le Clergé». Celui qui s'énerve contre Noël ne pourra plus avoir le plaisir de le faire si on supprime cette fête des discours officiels. Or, il s'agit précisément pour Helena Dalli et ses amis de changer la langue et donc le monde dans lequel nous nous inscrivons. Songeons à cette description si actuelle issue du roman 1984 de George Orwell, qui explique bien la démarche en question:
Plus important encore, je suis persuadé que l'écrasante majorité des musulmans, bouddhistes et autres agnostiques se contre-fiche de la présence de Noël dans les discussions, les rues et les activités de décembre, quand elle ne se livre pas à une même joie que le reste de la population, qui a davantage trait à l'humanisme qu'à une quelconque foi ou pratique religieuse. Ou alors, l'omniprésence de cette échéance les irrite et les lasse au même titre que certains chrétiens de culture.
Faisons un pas de plus. Vouloir traiter tout le monde à égalité est le b.a.-ba de la démocratie. Mais cela ne revient pas à vouloir parler en ne blessant personne. Traiter tous les individus à égalité, c'est normalement la définition de l'Etat de droit (pas de traitement de faveur ou de défaveur); c'est hélas devenu la définition du politiquement correct. Du moins auprès de certaines instances. Heureusement qu'en l'occurence, il y a eu un tollé, ce qui confirme qu'un certain bon sens est majoritaire dans la société.
Le plus absurde de cette histoire, c'est que ce sont justement toujours les mêmes publics qu'ont en tête les gardiens de la chasse aux mots potentiellement choquants. Les fameux «dominés», ou «défavorisés», ou «racisés», ou «autres». On l'avait vu avec la réécriture des Enfers de Dante ou avec les trigger warning (avertissements au début des livres). Quel privilège leur offre-t-on!
Pense-t-on à ces personnes qui n'aiment pas les feuilles de gui? A celles qui digèrent mal le vin chaud? Aux adversaires du foie gras? A ceux qui sont allergiques à la bûche de Noël? Et a-t-on seulement songé à tous ces gens qui ne supportent plus le mot «confinement» – et le confinement lui-même? Autant supprimer tout ça. Surtout, plus de mot qui choque. Merci.
On se retrouvera ainsi enfin dans un cadre non-discriminant, à faire la fête en buvant du jus de pomme tiède avec un portrait du général de Gaulle dans un cadre en faux bois, et quelques graines pour se sustenter. Ah mais, problème: les anti-fêtes seront discriminés. Et il y a fort à parier qu'il y en a beaucoup.