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Ces djihadistes français acclamés en Syrie

Des djihadistes français en Syrie.
Des djihadistes français en Syrie.twitter

«Allah akbar, c’est abusé»: ces djihadistes français acclamés en Syrie

Des images ayant quelque chose de surréaliste montrent des djihadistes français paradant sous les vivats de la foule à Lattaquié, en Syrie. On découvre par ailleurs que le tueur du professeur Samuel Paty était en contact avec HTS, le groupe islamiste armé qui a renversé Bachar al-Assad. Les renseignements craignent le retour du djihadisme en Europe.
12.12.2024, 05:3712.12.2024, 09:01
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On n’est pas quelque part en France, mais dans la ville côtière de Lattaquié, le fief des Assad, en Syrie. En treillis et armés de fusils, des djihadistes français savourent le moment qu’ils sont en train de vivre. Juchés sur un camion, tels des sportifs récoltant les vivats de la foule après une finale gagnée, ils entrent en «libérateurs» dans la ville, acclamés par des habitants qui se sont manifestement détournés de leur ancienne allégeance. Dans des images obtenues par le spécialiste des mouvements djihadistes Wassim Nasr, journaliste à France 24, on les entend commenter la situation:

«Entrée dans la ville de Lattaquié. Accueil de la part des civils. Allah akbar! C'est abusé»

D’après les indications fournies par Wassim Nasr sur X, ces Français, dont certains semblent avoir dans la vingtaine, «ont participé aux combats de Homs et Hama sous la bannière d’Ansar al-Tawhid pour le compte d’HTS», le nom du groupe islamiste qui a fait tomber le régime de Bachar al-Assad. Opérant habituellement dans la région d’Idlib, au Nord-Est de la Syrie, d’où est partie la rébellion, Ansar al-Tawhid est un groupe salafiste djihadiste agréé par HTS et son chef, Abou Mohammed al-Joulani, nouvel homme fort de la Syrie.

D'où viennent-ils?

D’où viennent ces Français vus à Lattaquié ou à Damas, qui combattent en Syrie sous diverses bannières djihadistes, quand d’autres, anciens de l’Etat islamique (EI), sont pour l’heure encore retenus prisonniers par des forces kurdes dans le Nord de la Syrie?

Elle-même spécialiste des mouvements djihadistes, auteure de plusieurs ouvrages, dont le dernier, Le Coran dans le sang: le blasphème des Saddam, est paru cette année aux éditions du Cerf, Amélie Myriam Chelly fournit plusieurs pistes.

«Les djihadistes français actuellement présents en Syrie, généralement des binationaux, franco-algériens, franco-marocains, franco-libanais, ou encore français avec une origine d’Afrique noire, ont pour la plupart rejoint la Syrie dans les années 2010. Les plus jeunes y sont manifestement venus plus récemment. D’autres jeunes djihadistes français peuvent y être nés de parents eux-mêmes djihadistes.»
Amélie Myriam Chelly

Amélie Myriam Chelly cite le cas d'Omar Omsen, arrivé en Syrie au début des années 2010, «un célèbre recruteur niçois qui a fourni les rangs de l’EI notamment».

«Il est à l’origine de la création du canal 19 HH, 19 pour les 19 terroristes des attentats du 11 septembre 2001, et HH pour les deux tours détruites du World Trade Center»
Amélie Myriam Chelly, à propos de Omar Omsen

Omar Omsen serait dans l’enclave d’Idlib. «Il y a créé un groupe qui porte le nom de Firkatul Ghuraba, qui veut dire Brigade des étrangers, poursuit Amélie Myriam Chelly. "Ghuraba" fait référence au Frères musulmans. Par "étrangers", il faut entendre ceux qui sont étrangers au monde profane, au monde matérialiste, et qui, en donnant leur vie par le martyr, vont rendre la communauté des croyants, l’oumma, meilleure. Il y a eu une sorte d’accord des bannières entre HTS et Firkatul Ghuraba.»

«On est aujourd’hui, en Syrie, entre groupes djihadistes, dans des concours de circonstance, des conjonctions d’intérêts. L’EI en moins, en principe»
Amélie Myriam Chelly

Le triomphe d’HTS, ces jours-ci, va-t-il susciter des vocations? Les images de jeunes djihadistes Français acclamés par des foules syriennes vont-elles créer un appel d’air vers la Syrie, «terre d'aventure»? Les services de renseignement français n’écartent pas, dans un mouvement inverse, «le spectre du retour du djihadisme en France», comme l’écrivait mardi Libération – la menace terroriste reste élevée dans l’Hexagone. Selon ces mêmes renseignements, les Français présents dans la région d’Idlib seraient au nombre de 200, dont 120 à 130 adultes – les djihadistes aperçus dans Lattaquié pourraient être de ceux-là.

Attentat déjoué en France

En France, un projet d'attentat visant la mairie de Poitiers a été déjoué. Trois étudiants radicalisés autour de thèses djihadistes ont été mis en examen le 7 décembre pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Ils voulaient venger les troupes arabo-berbères défaites en 732 par Charles Martel, lors de la bataille de Poitiers, ont-ils indiqué aux enquêteurs. Leurs préparatifs datent d'avant les événements actuels de Syrie.

Al-Joulani va-t-il tenir ses hommes?

Pour l’heure, s'agissant de la Syrie, les renseignements et les chercheurs spécialistes du terrorisme islamiste estiment que «l’avenir va dépendre de Joulani». Parviendra-t-il à tenir ses hommes? Amélie Myriam Chelly est dubitative:

«Les djihadistes sont plus intéressés par l’exaltation combattante que par la normalisation institutionnelle»
Amélie Myriam Chelly

De son côté, ce qu'il reste d'Etat islamique pourrait chercher à torpiller la normalisation apparemment souhaitée en Syrie par le leader du HTS en procédant à des campagnes d’attentats dans le pays, mais aussi en Europe. Dimanche en Allemagne, trois jeunes djihadistes présumés ont été arrêtés, a-t-on appris mardi. Parmi eux, deux frères germano-libanais, âgés de 15 et 20 ans, sont suspectés d’avoir «préparé concrètement un attentat», motivés par une «profonde sympathie pour le groupe terroriste Etat islamique», indiquent les autorités allemandes.

Quand le tueur de Samuel Paty encensait HTS

Par ailleurs, on découvre ou redécouvre, à propos d'HTS, que le tueur de Samuel Paty, le jeune Russe d’origine tchétchène Abdoullakh Anzorov, dont les complices et autres boutefeux présumés sont actuellement jugés en France, entretenait des liens avec HTS.

Franceinfo écrit sur son site:

«Le 16 octobre 2020, jour de la décapitation du professeur, son assassin échange avec [un membre de l'organisation HTS, Farrouk Faizimtov, né au Tadjikistan, 24 ans à l'époque, exerçant alors des activités de propagande depuis Idlib] et envoie même une photo. Douze jours avant son passage à l'acte, Abdoullakh Anzorov écrivait sur Snapchat des propos élogieux à propos d'HTS, le "meilleur groupe actuel à rejoindre" pour mener "le vrai Jihad".»
Franceinfo

Pourquoi cet intérêt pour HTS chez des radicalisés? Amélie Myriam Chelly:

«HTS, et ce groupe djihadiste est en ce sens peut-être plus insidieux que l’EI, intéresse beaucoup une certaine jeunesse, car, contrairement à l’EI, HTS a un mode de recrutement et de propagande qui n’est bling-bling. Souvent le côté spectaculaire, trash, des vidéos censées happer de futures recrues, est jugée contraire à la religion.»
Amélie Myriam Chelly

Cela dit, Abdoullakh Anzorov s’était abreuvé de propagande ultra-violente.

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