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Le maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu démis et incarcéré

Le maire d'Istanbul démis et incarcéré: indignation totale en Turquie

Ekrem Imamoglu, maire d’opposition d’Istanbul, a été emprisonné dimanche à la prison de Marmara après son arrestation mercredi. Accusé de «corruption», il a été suspendu de ses fonctions par le ministère de l’Intérieur.
24.03.2025, 07:3424.03.2025, 07:34
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Protesters shout slogans during a protest against the arrest of Istanbul's Mayor Ekrem Imamoglu, in Berlin, Germany, Sunday, March 23, 2025. (AP Photo/Ebrahim Noroozi)
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Des manifestants crient des slogans lors d'une manifestation contre l'arrestation du maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, à Berlin (Allemagne), le dimanche 23 mars 2025.Keystone

Le maire d'opposition d'Istanbul Ekrem Imamoglu a été suspendu de ses fonctions et incarcéré dimanche pour «corruption». Cela après son arrestation qui a déclenché une vague de contestation inédite à travers la Turquie depuis douze ans.

Dimanche, comme tous les soirs depuis mercredi, des dizaines de milliers de manifestants ont envahi la place de la mairie d'Istanbul sous une forêt de drapeaux. Mais les visages sont apparus graves.

«Vous serez vaincus!» a lancé à la tribune l'épouse du maire, Dilek Imamoglu, en direction des autorités.

«Ce que vous avez fait à Ekrem a touché un point sensible qui nous rappelle à tous vos injustices»

L'édile, principal opposant au président turc Recep Tayyip Erdogan, a été conduit à la prison de Silivri, à l'ouest d'Istanbul, a indiqué son parti, ainsi que plusieurs coaccusés.

Suspendu de ses fonctions, il a dénoncé «une exécution sans procès», dans un message transmis par ses avocats, appelant «la nation à lutter».

Un «coup d'Etat politique» dénoncé

La primaire symbolique que son parti, le CHP, a maintenu dimanche a viré au plébiscite avec quinze millions de votants en sa faveur dont 13,2 millions de personnes extérieures au CHP, selon le premier décompte communiqué par la municipalité.

Ekrem Imamoglu, seul candidat en lice, devait être initialement être investi dimanche comme candidat à la prochaine élection présidentielle en 2028.

Un juge a ordonné dimanche matin son incarcération, qualifiée de «coup d'Etat politique» par le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), la première force d'opposition à laquelle appartient Imamoglu. Ses avocats ont annoncé qu'ils feraient appel de cette décision.

Une «gifle inoubliable» pour le gouvernement

Le juge qui a ordonné le placement en détention du maire pour «corruption», a en revanche rejeté un ordre de détention pour «terrorisme». «Ekrem Imamoglu est en route vers la prison mais il est aussi en route vers la présidence», a lancé Özgür Özel, le chef du CHP.

Le parti de Mustafa Kemal, le père de la République turque, avait à dessein maintenu la primaire en signe de solidarité avec le maire. Face à l'ampleur de la mobilisation, les opérations ont dû être prolongées de plus de trois heures et des bulletins réimprimés, a-t-il annoncé.

«Nous sommes venus soutenir notre maire. Nous sommes toujours derrière lui», a déclaré à l'AFP Kadriye Sevim, une participante à Istanbul. Mais la même ferveur s'est propagée d'est en ouest, de Diyabakir à Edirne.

Saluant le résultat de la consultation, Imamoglu a promis que le temps des «urnes viendra: la nation donnera à ce gouvernement une gifle inoubliable», dans une déclaration transmise par la municipalité.

Une protestation d'une ampleur inédite

Chaque soir depuis mercredi, des dizaines de milliers de personnes se retrouvent à Istanbul à l'appel du CHP. De nouveaux incidents ont éclaté dimanche soir entre manifestants et policiers, avec usage de gaz lacrymogène.

Le gouvernorat d'Istanbul a prolongé une interdiction de rassemblements jusqu'à mercredi soir et tenté de restreindre les accès à la métropole des personnes soupçonnées de vouloir les rejoindre.

Mais la vague de protestation déclenchée par l'arrestation de Imamoglu s'est répandue à travers la Turquie, atteignant une ampleur inédite depuis le grand mouvement de contestation de Gezi, en 2013, parti de la place Taksim d'Istanbul.

Erdogan refuse de céder à la «terreur de la rue»

De nombreux jeunes gens, trop jeunes lors de ces manifestations, y font référence avec leur pancartes, se présentant comme les enfants des «maraudeurs», un terme désuet utilisé à l'époque par Erdogan.

Au moins 55 des 81 provinces turques ont été gagnées par le mouvement, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte effectué samedi par l'AFP.

Outre des centaines d'arrestations dans neuf villes, le réseau social X a annoncé dimanche soir qu'Ankara avait aussi demandé la fermeture de plus de 700 comptes jugés hostiles, «organismes de presse, journalistes, personnalités politiques, étudiants et autres...» selon l'équipe de communication du réseau.

«Les manifestations vont se poursuivre (...). La nation est debout et ne pliera pas», a prédit à l'AFP Ayten Oktay, une pharmacienne de 63 ans interrogée à Istanbul, où deux maires d'arrondissement ont été arrêtés en même temps que Imamoglu.

Le conseil municipal d'Istanbul élira un maire adjoint mercredi, a annoncé le gouvernorat. «Nous continuerons à lutter», a assuré à Ankara Ercan Basal, un psychologue de 53 ans, exhortant le gouvernement à «revenir sur cette erreur».

En réponse à la contestation, le président Erdogan, qui a lui-même été maire d'Istanbul dans les années 90, a juré de ne pas céder à la «terreur de la rue», tandis que Paris et Berlin ainsi que les maires de plusieurs grandes autres villes européennes ont condamné cette semaine l'arrestation de Imamoglu.

Ekrem Imamoglu est devenu la bête noire de Erdogan en ravissant en 2019 Istanbul au Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du chef de l'Etat, qui gardait la main sur cette métropole avec son camp depuis vingt-cinq ans. (jzs/ats)

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