International
ukraine

Bombardée à 86 ans en Ukraine: «J'étais comme une idiote»

Resident Sergiy Yukovsky sits on a bed in his room at a shelter for senior citizens in Kharkiv on March 26, 2025, amid the Russian invasion of Ukraine. The war has disproportionately affected Ukraine& ...
Les personnes âgées de plus de 60 ans ne représentent qu'un quart de la population ukrainienne, mais près de la moitié des civils tués près du front en 2024, selon les Nations unies.Image: AFP

«Poutine est un connard»: il ne fait pas bon être vieux en Ukraine

La guerre a touché de manière disproportionnée les personnes âgées en Ukraine. Elles sont souvent les dernières à quitter les zones dangereuses, parfois parce qu'elles sont dans l'incapacité physique ou financière de se déplacer, souvent parce qu'elles ne supportent pas de se séparer de leur maison.
21.04.2025, 07:0321.04.2025, 07:03
Romain COLAS, Karkhiv / afp
Plus de «International»

Le bonheur, dit Zinaïda Guyrenko, c'est «d'avoir assez pour ne pas mourir de faim, des vêtements et des chaussures». «Et c'est mon cas», précise cette retraitée ukrainienne à la vieillesse pourtant ébranlée par l'invasion russe.

Jusqu'en mai 2024, Zinaïda Guyrenko habitait à Zaoskillia, un village situé près du front, à côté de Koupiansk dans la région de Kharkiv (nord-est), frontalière de la Russie et ravagée par plus de trois ans de bombardements russes.

👉Suivez en direct la guerre contre l'Ukraine👈

La petite dame, qui perd un peu la mémoire, révèle confusément avoir survécu à des frappes:

«J'étais couchée par terre, tout a commencé à s'effondrer. Quand j'ai rouvert les yeux, j'étais encore vivante, comme une idiote.»
Two elderly women have lunch in their room at a shelter for senior citizens in Kharkiv on March 26, 2025, amid the Russian invasion of Ukraine. The war has disproportionately affected Ukraine's s ...
C'est l'heure du repas dans cette chambre.Image: AFP

Evacuée, elle vit désormais dans le refuge pour seniors Velyka Rodyna («Grande Famille» en ukrainien) ouvert en mars 2022 par une ONG, dans un dortoir d'une zone industrielle de Kharkiv, capitale de la région du même nom.

Zinaïda Guyrenko remercie ses bienfaiteurs de s'intéresser aux «vieilles fripes» et assure ne plus se souvenir de son âge: «Je suis de 39, faites le calcul.» Toute sa vie, elle a travaillé pour les transports ferroviaires.

«J'aime beaucoup les chemins de fer, depuis mon enfance», raconte cette femme au beau regard bleu, en pleurant.

Evacuee Zinaida Gyrenko sits on a bed in her room at a shelter for senior citizens in Kharkiv on March 26, 2025, amid the Russian invasion of Ukraine. The war has disproportionately affected Ukraine&# ...
Zinaïda Guyrenko a quitté son village en mai 2024.Image: AFP

Gériatrie de guerre, un défi en Ukraine

En Ukraine, parmi les civils, la guerre déclenchée par la Russie tue particulièrement les personnes âgées. L'ONU a établi que près de la moitié des civils tués en 2024 près du front étaient des personnes de plus de 60 ans, qui représentent environ un quart de la population ukrainienne.

Pour des motifs pouvant être personnels, financiers ou liés à des problèmes de mobilité physique, elles sont souvent les dernières à vivre, isolées, dans les localités les plus dangereuses. Certaines refusent d'évacuer, disant préférer mourir chez elles.

A Kharkiv, la fondatrice du refuge pour seniors, Olga Kleïtman, 56 ans, affirme que les besoins de la gériatrie en Ukraine, en pleine guerre, sont immenses.

Resident Sergiy Yukovsky sits on a bed in his room at a shelter for senior citizens in Kharkiv on March 26, 2025, amid the Russian invasion of Ukraine. The war has disproportionately affected Ukraine& ...
Olga Kleïtman, le 26 mars 2025. Image: AFP

Rien que dans sa région, elle estime que 32 000 personnes âgées ont dû quitter leur domicile à cause des combats et doivent être prises en charge.

Mais, selon Olga Kleïtman, il n'y a que huit maisons de retraite publiques pour toute la zone, un nombre largement insuffisant.

Elle reproche aux autorités de ne pas soutenir financièrement son établissement, qui accueillait fin mars 60 pensionnaires et dépendait uniquement de dons privés. Ce qui la scandalise, comme elle le souligne:

«Des gens ayant travaillé toute leur vie méritent une vieillesse normale. Il en va de notre dignité.»

«Poutine est un connard»

Architecte de profession, Olga Kleïtman nous parle de projets d'agrandissement. La plupart de ses bénéficiaires venant de zones rurales, elle veut créer un grand potager avec des animaux pour reproduire «les sons et les odeurs» d'un village.

L'un des résidents, Serguiï Ioukovsky, 50 ans, amputé des deux jambes après un accident du travail, vivait à la campagne avec son frère cadet. Mais son frère a été tué par une mine en allant «chercher du bois» près du village de Kotchoubeïvka, dans la région de Kharkiv:

«Je ne sais même pas où il est enterré»
Resident Sergiy Yukovsky sits on a bed in his room at a shelter for senior citizens in Kharkiv on March 26, 2025, amid the Russian invasion of Ukraine. The war has disproportionately affected Ukraine& ...
Serguiï Ioukovsky est assis sur un lit dans sa chambre à Kharkiv, le 26 mars 2025Image: AFP

Pendant un an, il a vécu seul avant d'être évacué à Kharkiv. L'avenir est sombre mais, conclut-il, «tout ira bien pour l'Ukraine, Poutine est un connard.»

Dans une autre chambre, alité face à une fenêtre, il y a Iouriï Miagky, 84 ans, originaire de Saltivka.

Ce quartier, situé à l'entrée nord de Kharkiv, a été terriblement bombardé, dès le début de l'invasion, quand les troupes russes tentaient de conquérir la ville. «Est-ce que l'Ukraine a été divisée?», demande faiblement Iouriï Miagky, perdu, comme tant d'autres, dans l'incertitude du conflit.

Rester malgré l'invasion

Dans sa chambre, depuis septembre 2024, Zinaïda Guyrenko cohabite avec Olga Zolotareva, 71 ans, qui rouspète quand sa voisine se perd dans ses réponses.

Pendant 28 ans, Olga Zolotareva s'est occupée de personnes handicapées mentales dans la ville de Lyptsi, non loin de la frontière russe. Quand l'invasion a commencé, ces personnes ont été évacuées, mais Mme Zolotareva est restée.

En mai 2024, lorsque la Russie a lancé une nouvelle offensive sur la région de Kharkiv, elle était dans sa maison, quand «il y a eu une frappe».

Un éclat «de je ne sais quoi» lui a brisé la jambe droite. Elle montre son atroce cicatrice. En plus de la paix, elle espère pouvoir remarcher normalement.

Quelques minutes plus tard, au moment des adieux, Olga Zolotareva partage un autre petit espoir. Celui d'avoir encore auprès d'elle «l'odeur d'un homme», car, «bien sûr», ça lui manque beaucoup.

Des images de lapins, à travers les siècles
1 / 16
Des images de lapins, à travers les siècles
Fragment d'une peinture funéraire polychrome représentant des hommes portant du grain, une gazelle ou une antilope, deux lapins ou lièvres, tandis que le dernier porte un joug avec du grain et un certain nombre d'objets peu clairs.Thèbes, Égypte 18e dynastie, vers 1350 av.
source: universal images group editorial / florilegius
partager sur Facebookpartager sur X
Moscou envoie des animaux au front
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Pourquoi les frappes d'Israël en Iran sont un échec pour Trump
Alors qu'il se disait «proche» d'un accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump a vu son allié israélien bombarder des sites militaires et nucléaires de la république islamique. Un nouveau revers pour un président qui se présente régulièrement en «faiseur de paix».

Jeudi à la mi-journée, Donald Trump demandait à Israël de ne pas attaquer l'Iran pour laisser sa chance à la diplomatie. Quelques heures plus tard, les frappes israéliennes commençaient, un revers cuisant pour ce président qui se veut un «faiseur de paix». Le républicain de 78 ans finissait de serrer les mains pendant une réception en plein air à la Maison Blanche, tandis qu'un orchestre jouait le tube «YMCA» des Village People qu'il affectionne, quand les premières informations sur l'attaque israélienne ont commencé à tomber.

L’article