Un ex-soldat révèle la supercherie derrière les succès russes
Les indications concernant les avancées territoriales dans la guerre en Ukraine divergent souvent fortement. Tandis que la Russie fait état de succès sur le champ de bataille, l’Ukraine dément régulièrement toute progression de l’armée de Poutine.
Le témoignage d’un ancien cartographe militaire russe révèle désormais comment ces écarts semblent se produire.
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Le média russe en exil Meduza a publié le récit de cet homme, aujourd’hui en fuite, et qui travaillait dans un poste de commandement russe où il était chargé de traiter le matériel cartographique interne de l’armée. Sous le pseudonyme Vyacheslav Boyarintsev, il raconte à présent comment on lui a ordonné de manipuler ces cartes.
Selon ses dires, Boyarintsev a servi jusqu’à il y a quelques mois dans la petite ville ukrainienne d’Avdiïvka. Sa tâche consistait à mettre à jour les cartes physiques et électroniques destinées au général auquel il était subordonné. Chaque soir, il reportait les changements intervenus sur le champ de bataille.
Il s’appuyait pour cela sur les rapports du poste de commandement, qui indiquaient l’avancée des troupes russes en se référant aux alignements d’arbres. Meduza cite le déserteur:
Tandis qu’il consignait lui-même les positions des régiments de fusiliers motorisés et de blindés, d’autres ajoutaient diverses informations, notamment sur les attaques menées avec des bombes planantes, des drones ou l’artillerie contre les troupes ukrainiennes.
Des cartes coloriées à l'avance
Selon Vyacheslav Boyarintsev, de grandes cartes étaient imprimées 2 fois par semaine, auxquelles s’ajoutaient chaque jour de petites cartes pour les régiments présentant les plans d’attaque des différentes unités pour le lendemain. Il explique:
D’après lui, le commandement donnait au cours d’une offensive des ordres totalement irréalistes. Il ajoute:
Il était courant, dit-il, de «colorier les cartes à crédit». Autrement dit, les avances planifiées étaient déjà inscrites sur les documents, puis interprétées ensuite comme des succès obtenus réellement. Il raconte:
Michael Naki est un journaliste russe en exil, poursuivi par les autorités pour sa couverture critique de la guerre. Quant à la carte Deep State évoquée, il s’agit d’une carte interactive en ligne de l’ONG ukrainienne Deep State UA, créée au début de l’invasion et qui documente depuis lors l’évolution du conflit en temps réel.
Deux soldats suffisaient pour une conquête
Vyacheslav Boyarintsev raconte avoir fait part de ses observations à certains chefs d’Etat-major. Ceux-ci lui auraient répondu:
Mais ils n’auraient manifestement rien entrepris pour corriger ces informations erronées.
A partir d’une bande forestière d’un kilomètre, le cartographe illustre ce qui suffisait déjà à ses supérieurs pour déclarer un secteur comme conquis:
Il poursuit:
Comme exemple concret, Vyacheslav Boyarintsev cite une zone près de Toretsk qui avait été indiquée comme totalement contrôlée en septembre. Il explique:
Ces dernières auraient alors, selon lui, «anéanti tous les Russes».
Une désertion préparée avec soin
Vyacheslav Boyarintsev a décidé de déserter alors qu’il était encore en mission à Avdiïvka. Il confie:
Ses proches n’en ont rien su. Aujourd’hui encore, il a du mal à croire qu’il a réellement réussi à s’enfuir.
Traduit de l'allemand par Joel Espi

