Avec cette méthode, la Russie peut faire tomber «la porte de Donetsk»
Des véhicules calcinés et criblés de balles gisent renversés sur les routes; derrière les murs éventrés des bâtiments, on aperçoit des appareils ménagers défoncés.
A Houliaïpole, une ville de la région méridionale de Zaporijia, les ruines témoignent de près de quatre ans de guerre, et les combats n’y ont jamais été aussi intenses qu’actuellement.
👉 Pour suivre l'actualité en Ukraine, c'est par ici!
Des combats d'une rare intensité
Mercredi, le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Oleksandr Syrsky, a déclaré que la situation autour de Houliaïpole s’était «considérablement aggravée». Le Commandement opérationnel sud a confirmé que des combats violents faisaient rage depuis plusieurs jours autour d’Oleksandrivka et Houliaïpole.
Selon ce groupement militaire ukrainien, les forces russes utilisent actuellement toutes les armes à leur disposition pour détruire les positions ukrainiennes et repousser les défenseurs. Elles semblent aussi profiter des mauvaises conditions météorologiques pour infiltrer les lignes ennemies avec succès: au nord-est de Houliaïpole, l’armée ukrainienne s’est retirée de Novouspenivske et Nove. Les localités circonvoisines de Yabloukové, Rivnopillia et Solodké seraient également âprement disputées.
Le retrait du Commandement opérationnel sud aurait été ordonné après la «destruction totale des abris et fortifications» par de très nombreux tirs d’artillerie. Près de 2000 obus auraient frappé les positions ukrainiennes. Selon Kiev, le front s’est ainsi replié d’environ dix kilomètres.
Les troupes de Poutine suivent un plan précis
L’objectif clair de l’offensive russe est de s’emparer de Houliaïpole par l’est, explique l’Institut for the Study of War (ISW). Dans ce but, les troupes de Poutine appliquent une tactique bien rodée: créer des brèches par infiltration. Dans un rapport récent, l’ISW détaille la méthode russe.
Première étape: affaiblir l’armée ukrainienne en menant des frappes aériennes prolongées contre les pilotes de drones et les lignes locales de ravitaillement. Résultat: les capacités offensives baissent et les troupes en première ligne ne sont plus correctement approvisionnées.
Ensuite, les forces russes repèrent les failles ainsi créées et les exploitent. Des attaques de masse, segmentées en petits groupes, saturent les défenses ukrainiennes. Cela permet à la Russie de progresser rapidement et de contraindre Kiev à reculer. Depuis des mois, la Russie bombarderait toutes les liaisons terrestres menant à Houliaïpole: autoroutes, routes et voies ferrées.
Une tactique qui a déjà fait ses preuves
Cette stratégie est la même que celle appliquée depuis le printemps 2025 contre Pokrovsk, une ville située à une centaine de kilomètres au nord-est. Elle a servi à préparer l’assaut contre cette ville largement détruite, que Moscou tente désormais de prendre totalement. Et selon l’ISW, les troupes russes seraient sur le point d’y parvenir. La chute de Pokrovsk serait la plus grande victoire militaire russe en Ukraine depuis début 2024.
La ville est un nœud stratégique; s’en emparer ouvrirait la voie à une avancée vers Kramatorsk et Sloviansk, les deux plus grandes villes encore contrôlées par l’Ukraine dans la région de Donetsk. C’est pourquoi les médias russes surnomment Pokrovsk «la porte de Donetsk».
L'Ukraine subit une pénurie critique de soldats
A Houliaïpole comme à Pokrovsk, les succès russes sont en grande partie favorisés par le manque significatif de soldats côté ukrainien. En octobre, plus de 20 000 cas de désertion ou d’absence illégale ont été enregistrés par le parquet, un record. En réalité, le nombre serait encore bien plus élevé.
En parallèle, des vidéos de recrutements forcés circulent quotidiennement sur les réseaux sociaux. Ces opérations échouent souvent en raison de la résistance des personnes visées et du soutien des passants.
Officiellement, l’armée ukrainienne compte environ un million d’hommes. Pourtant, seuls environ 200 000 d'entre eux seraient déployés le long de la ligne de front, qui s’étend sur plus de 1200 kilomètres. En face, selon les chiffres de Moscou et Kiev, la Russie aurait engagé entre 600 000 et 700 000 soldats. Leur nombre exact au front reste inconnu. Jusqu’ici, le Kremlin a pu éviter une mobilisation générale, notamment grâce à d’importantes primes financières offertes aux volontaires.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich

